Localisation GPS dans le camion, caméras pour scruter les gestes des ouvriers, authentification biométrique au bureau, historique des repas à la cantine... Au Japon, le suivi des salariés est d'abord perçu comme un moyen de mieux travailler.

«Salarié Yamada, comme l'indique ce rapport, vous conduisez trop brutalement, vous passez trop vite devant les écoles, nous allons vous faire suivre un nouveau stage».Au Japon, qu'un entrepreneur s'adresse ainsi à un de ses livreurs en se fondant sur les relevés du GPS et de capteurs installés dans un camion n'est pas considéré comme révoltant. Il s'agit d'optimiser la production, le service, la qualité, la sécurité et l'efficacité.

Mais ce suivi des personnes, n'est-ce pas une atteinte à la liberté?

Comme la plupart des Japonais, un ingénieur de Hitachi, Hiroyuki Nakagawa, qui développe ce genre de dispositif pour les flottes de véhicules, est surpris par une telle question: «Elever les performances d'une entreprise fait partie des obligations de chaque salarié, et durant ses heures de service il est normal que la façon dont il oeuvre soit contrôlée».

Dans un pays obnubilé par le culte du mieux, les travailleurs estiment que si leur employeur les regarde, c'est qu'il est soucieux de ses affaires, attentif à ses ouailles, et qu'il est donc un bon patron.

La relation entre employeurs et salariés s'appuie sur une hiérarchie très forte, mais aussi sur la poursuite d'un but commun, de sorte que les seconds n'ont pas systématiquement l'impression d'être épiés à mauvais escient.

Si bien que nul n'est choqué par le fait qu'un oeil électronique soit fixé au-dessus d'une chaîne de production, enregistrant les mouvements de chaque ouvrier.

L'idée de cet analyseur visuel est venue tout naturellement aux techniciens de Panasonic lorsqu'ils avaient installé des prototypes de leurs nouvelles caméras dans leur usine pour en tester la qualité.

Tout geste génère sur l'écran de contrôle une ligne qui reste inscrite.

A la fin de la journée, cela forme une pelote plus ou moins ample et dense, qui permet de distinguer si untel fait toujours à peu près les mêmes petits gestes (auquel cas les traits sont courts et se confondent), ou bien s'il s'épuise en grands mouvements (auquel cas les traces sont longues et plus dispersées).

Si un ouvrier brasse de l'air et fait des enjambées, c'est assurément que son poste de travail est mal configuré, ou qu'il s'y prend mal. Bref, il y a des marges pour optimiser sa tâche.

«La possibilité de visualiser et ausculter tous les types de postes est je pense un atout important pour les entreprises, utile à tous», assure le responsable de cette solution chez Panasonic, Mikio Kanashi.

Nobuo Sato, du laboratoire de recherche avancée de Hitachi, a quant à lui imaginé un «business microscope». Ce badge électronique à porter autour du cou est capable de détecter un autre identifiant du même type face à lui. Cela permet d'enregistrer et de visualiser sur ordinateur la fréquence de dialogue en vis-à-vis entre les différents membres d'un service ou de l'entreprise dans son ensemble.

«J'ai conçu ce système pour aider à repérer des lacunes de communication entre personnes censées travailler ensemble, afin de les rendre plus efficaces. Mais je ne voudrais pas que cela soit utilisé à des fins de flicage ni de sanction», prévient-il.

Les salariés japonais sont à ce point bien disposés qu'ils ne se mettent pas en grève quand la caisse enregistreuse à la cantine, une vraie mère électronique, les reconnaît et leur rappelle qu'ils ont déjà mangé des tempura (beignets) la veille et qu'ils devraient se contenter ce midi de nouilles de konyaku à 5 calories par 100 grammes...

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