À quand un cellulaire aussi simple à utiliser qu'un téléphone fixe ? Touches mystérieuses, menus à rallonge, icônes inconnues, fonctions insoupçonnées... Dans l'industrie des cellulaires, l'heure est à la «course aux fonctionnalités». Parfois au détriment de la simplicité.

À quand un cellulaire aussi simple à utiliser qu'un téléphone fixe ? Touches mystérieuses, menus à rallonge, icônes inconnues, fonctions insoupçonnées... Dans l'industrie des cellulaires, l'heure est à la «course aux fonctionnalités». Parfois au détriment de la simplicité.

Faites un test. Empruntez à un ami un modèle de téléphone cellulaire que vous ne connaissez pas. Essayez de faire un appel, de prendre une photo et d'envoyer un message textuel. Le cas échéant, essayez de le «débloquer». Est-ce que ça vous a pris plus de 30 secondes pour effectuer chacune de ces tâches ?

Si oui, vous êtes victime de ce que les experts en ergonomie appellent la «courbe d'apprentissage» des appareils numériques. Un processus encore trop pénible, selon eux, en particulier avec les cellulaires, qui cherchent à offrir de nombreuses fonctions dans un petit format.

«Les gens qui conçoivent les appareils numériques ne réalisent pas toujours que leurs produits sont difficiles à utiliser», reconnaît John Poisson, un Québécois de San Francisco qui a fondé le service d'échange de photos en ligne Radar.net et qui participe à la conception de cellulaires.

Non, vous n'êtes pas stupide !

«Leurs consommateurs risquent de se sentir stupides, de penser que c'est de leur faute s'ils ne trouvent pas tout de suite les boutons qu'ils cherchent. Mais c'est la faute des fabricants. Ceux qui le comprennent ont plus de chance d'avoir du succès», poursuit M. Poisson.

Un bon exemple ? La réussite incontestable du iPod d'Apple, un appareil qui fait moins de choses et coûte plus cher que d'autres baladeurs numériques. Trois tours de doigt sur la «roue» du iPod, et on comprend comment ça marche. Ou encore, le succès écrasant du BlackBerry, un téléphone «évolué» dont l'usage s'apprend lui aussi très vite.

Mais beaucoup de produits ont moins de succès. Curieusement, les consommateurs semblent acheter leurs téléphones pour leur beauté, et s'en débarrasser à cause de leurs fonctions. Ainsi, en Grande-Bretagne, 63 % des cellulaires retournés moins d'un an après leur achat sont en parfait état de marche, selon la firme de consultants WDS Global.

Est-ce parce qu'ils sont trop complexes à utiliser ?

Une majorité de New-Yorkais, consommateurs de cellulaires s'il en est, considèrent la facilité d'utilisation d'un cellulaire plus importante que son apparence, selon un sondage commandité par l'entreprise Usable Products. C'est important d'être beau, mais il y a aussi «le dedans», comme on dit.

«La principale source de complexité, c'est la quantité de fonctions qu'on ajoute sans cesse aux téléphones : la photo, la musique, le web, la télévision... Elles ont toutes une importance égale, au sein du même appareil, alors que certaines ont peu d'intérêt pour les utilisateurs», juge Alain Robillard-Bastien, qui préside la section québécoise de la Usability Professionals Association.

De fait, dans ce même sondage new-yorkais, moins de 15 % des consommateurs jugent la télévision ou la lecture de musique comme des fonctions importantes dans un cellulaire, contre un tiers qui les jugent sans importance. L'accès à internet plaît quant à lui à 34 % des répondants. Mais tous s'entendent sur l'importance de la fonction de... téléphone.

Pourtant, la tendance dans l'industrie est la «course aux fonctionnalités», comme le dit M. Robillard-Bastien. Comme pour les téléviseurs ou les grille-pain, on ajoute toujours plus de fonctions à une machine qu'on achète d'abord pour un seul usage.

«C'est faux de croire que les gens veulent vraiment écouter des extraits de films avec leur téléphone», ajoute M. Robillardard-Bastien, qui observe régulièrement les réactions de groupes de consommateurs face aux interfaces numériques. «C'est important d'innover, mais ces fonctions concernent une minorité de gens, et rendent les appareils plus complexes à utiliser pour tous les autres.»

Du côté des fabricants, il semble pourtant y avoir un vrai souci de rendre les appareils plus simples. Motorola, par exemple, dit investir «beaucoup de temps et d'argent» à améliorer «l'expérience-utilisateur» des ses produits.

Objectif : simplicité

«Pour chaque produit, on étudie avec des consommateurs quel est sa facilité d'utilisation, sur combien de touches ils appuient pour accéder à telle ou telle fonction», explique Stephen Orr, directeur des ventes aux opérateurs chez Motorola Canada.

Les derniers modèles de Motorola proposent ainsi des fonctions de personnalisation, qui permettent de mettre à l'avant-plan les icônes souvent utilisées, ou encore des écrans tactiles.

«On essaie de s'améliorer avec chaque nouveau produit», avoue Mikko Röntynen, directeur du marketing chez Nokia à Helsinki – justement, il «neigeait» sur la ligne durant l'entrevue.

«Nous mesurons les réactions de groupes-témoin d'utilisateurs, en utilisant un logiciel qui repère les moments où ils hésitent et se trompent dans les boutons, poursuit M. Röntynen. Nous cherchons vraiment la simplicité, par exemple avec les capteurs du Nokia 5500 qui lui permettent de réagir à de simples coups du doigt.»

Mais Nokia, Motorola et les autres sont obligés de se plier aux demandes des opérateurs, qui ont le dernier mot sur ce qui ira sur l'écran du téléphone, selon leur stratégie de marketing.

«Le même téléphone peut être radicalement différent d'un opérateur à l'autre, explique M. Röntynen. Certains laissent nos produits se rendre sur le marché tels qu'on les conçoit. D'autres s'impliquent en profondeur dans la conception des interfaces.»

Si vous trouvez votre téléphone trop compliqué ou mal organisé, c'est donc aussi la faute de votre opérateur !

«Les opérateurs ont le gros bout du bâton. Ils suppriment certaines fonctions qui nous rendraient lavie plus facile par peur de perdre des revenus», juge pour sa part Nathalie Berger, présidente d'Idéactif, firme de conseil en «expérience-utilisateur».

«Par exemple, il serait facile d'afficher le temps passé à l'antenne chaque jour, plutôt que d'attendre la surprise de la facture, mais beaucoup d'opérateurs ne l'offrent pas.»

Malgré nos appels répétés, La Presse n'a pu obtenir le point de vue de plusieurs opérateurs du Québec, dont Bell Mobilité et Rogers.

En attendant que leurs appareils deviennent plus simples, voici un bon conseil : ne vous fiez pas trop à la beauté des appareils que vous choisissez. Vérifiez si vous serez capable de vous en servir facilement, et posez-vous honnêtement la question : ai-je vraiment besoin de toutes ces fonctions ?