Un édifice anonyme du centre-ville de L.A. est l'un des principaux points de relais d'Internet en Amérique du Nord. Notre correspondant l'a visité cette semaine.

Un édifice anonyme du centre-ville de L.A. est l'un des principaux points de relais d'Internet en Amérique du Nord. Notre correspondant l'a visité cette semaine.

Le One Wilshire ressemble à n'importe quelle tour à bureaux. Les portes tournantes sont en verre. Le hall est en marbre noir. Le garage souterrain coûte une fortune, et vous pouvez même faire cirer vos chaussures à l'entrée, histoire d'arriver à votre rencontre d'affaires avec l'allure d'un gagnant.

En y regardant de plus près, on remarque toutefois que des barrières électroniques en acier bloquent l'accès aux ascenseurs. Second détail : impossible d'entrer sans rendez-vous dans cette tour à bureaux, qui abrite aujourd'hui encore plusieurs cabinets d'avocats.

«Jusqu'à quelle heure comptez-vous rester?» demande le gardien de sécurité.

Il écrit la réponse sur un autocollant que vous placez sur votre poitrine. Votre date de péremption bien en vue, vous pénétrez dans le centre de télécommunications le plus important de l'ouest des États-Unis. Ici, vous ne surfez plus sur le Web. Vous êtes dans le Web.

L'ONU des communications

Visiter le One Wilshire, c'est entrer dans le ventre d'Internet. Des 30 étages que compte l'édifice, 25 sont entièrement consacrés à l'hébergement de serveurs et de routeurs informatiques. Plus de 300 compagnies de télécommunications situées partout dans le monde sont ici, dont Google, Verizon, AT&T, China Telecom et les canadiennes Teleglobe et Rogers.

«Le One Wilshire est un peu les Nations unies des télécommunications, explique John Savageau, chef de la direction de CGR West, qui possède l'édifice. Si vous appelez ou envoyez un courriel en Chine, au Japon ou en Inde, il y a environ 60 % de chances pour que votre communication passe par ici.»

Homme au physique compact et athlétique, John Savageau parle de son travail avec passion et sérieux. Avant de diriger le One Wilshire, M. Savageau était posté à Ulaanbaatar, en Mongolie, où il a mis sur pied l'infrastructure Internet pour desservir l'industrie minière. Avant cela, il était officier dans l'US Air Force. M. Savageau est le genre de personne que vous aimeriez avoir dans votre radeau de secours si votre bateau coulait en mer.

«Ici, nous permettons au monde entier de communiquer, et c'est une tâche que nous assumons avec coeur et dévouement», dit-il.

Pas à pas, il nous guide à travers d'immenses salles climatisées. Des milliers de routeurs informatiques sont alignés à perte de vue. Au-dessus de nos têtes courent des réseaux de fils multicolores organisés en grappes, comme les fibres des muscles dans les manuels de biologie. Il y a tellement de fils qu'il est impossible de voir le plafond.

Au quatrième étage de l'édifice se trouve la «Meet me room», une vaste pièce où des routeurs font la connexion entre les équipements des différents clients de l'édifice. Selon CRG West, il s'agit de la salle la plus «connectée» au monde. Les équipements électroniques sont placés dans de grands casiers de métal noir qui rappellent des casiers de gymnase. Quelque 1200 conduits verticaux relient les appareils de la «Meet me room» aux serveurs logés aux autres étages de l'édifice.

«Si deux compagnies veulent échanger des données, c'est ici que ça se passe», indique M. Savageau.

L'édifice compte deux systèmes pour combattre les incendies : un système informatisé qui analyse l'air de manière à «sentir» les particules de fumée, et un autre qui détecte les changements de température. Un dispositif peut éteindre un incendie en produisant une légère bruine là où un problème a été détecté.

L'édifice du One Wilshire a longtemps abrité des bureaux d'avocats. Aujourd'hui, les locataires qui ne sont pas liés au monde des télécommunications se comptent sur les doigts d'une main.

Pour le vice-président de CGR West, David Dunn, l'un des plus grands défis aujourd'hui est de répondre aux besoins des compagnies de jeux vidéo. «De plus en plus de jeux sont en ligne. Les gens jouent contre des opposants de partout dans le monde. Il peut y avoir 20 000 personnes qui jouent simultanément. Ça demande beaucoup de bande passante, et c'est ici que transitent toutes ces données.»

Réseau mondial

Cette année, John Savageau a été appelé à travailler d'urgence durant les vacances de Noël. Au moment où les Nord-Américains réveillonnaient, un tremblement de terre d'une magnitude de 7,1 à l'échelle de Richter est survenu près de Taiwan. Plusieurs liens de fibre optique qui rejoignent l'île ont été sectionnés, coupant ou ralentissant les communications entre Taiwan et le reste du monde.

Pendant les trois jours qui ont suivi, la quasi-totalité des communications vers Taiwan ont été déviées de manière à transiger par le One Wilshire, au centre-ville de L.A., à 11 000 km de là.

«C'était une situation critique, se souvient M. Savageau. Nous travaillions 24 heures sur 24. Dans ces moments-là, on ne pense à rien d'autre qu'au travail. Le réseau est mondial et tout le monde doit se serrer les coudes.»