Dès l'âge de 8 ans, les enfants de la commission scolaire Eastern Townships obtiennent de leur école un ordinateur portable qu'ils peuvent rapporter à la maison, grâce à un programme de 15 millions qui profite de la même manière à leurs professeurs.

Dès l'âge de 8 ans, les enfants de la commission scolaire Eastern Townships obtiennent de leur école un ordinateur portable qu'ils peuvent rapporter à la maison, grâce à un programme de 15 millions qui profite de la même manière à leurs professeurs.

Le hic? L'acquisition de 5600 ordinateurs Apple place maintenant la commission scolaire en mode compression, le financement des appareils n'ayant pas été ficelé au préalable.

« C'est très irresponsable de la part de la commission scolaire d'avoir engagé des fonds publics sans s'être d'abord assurée que les promesses de dons se matérialiseraient », dit Pierre Bell, membre du conseil d'établissement de l'école Parkview, à Granby, et comptable de profession.

« En plus, mon fils m'a déjà demandé pourquoi l'école lui avait fourni un ordinateur portable puisqu'il ne s'en sert à peu près jamais en classe. Quand les enfants sont plus vieux, c'est une bonne idée, mais à 9 ans, c'est tôt. »

Nancy Canning dit que son fils, qui fréquente la même école, n'a fait que quelques présentations PowerPoint et écrit quelques petites phrases à l'ordinateur. « Autrement, le portable est surtout utilisé pendant les temps libres des enfants. »

« Et si encore il ne s'agissait que d'argent! lance Clothilde Richer. Mon fils de 9 ans m'est revenu de l'école en larmes un jour parce qu'il avait vu des images d'animaux maltraités à l'écran. Une autre fois, il s'est fait punir parce qu'il avait fréquenté un site avec des petits lutins qui forniquent! »

« C'est incroyable de mettre des ordinateurs entre les mains de si jeunes enfants sans avoir installé au préalable des filtres appropriés et sans exercer une surveillance adéquate », renchérit Nancy Canning, qui a envoyé une lettre sur le sujet au journal local The Record. « Mon fils a dû lui-même dénoncer son voisin de bureau qui fréquentait des sites carrément pornos en classe. »

Michael Murray, président de la commission scolaire, dit ne pas croire aux filtres, trop faciles à contourner. Il compte plutôt sur l'autodiscipline des enfants et raconte que, si ce genre d'incident est survenu a l'école, « il est arrivé bien plus fréquemment que les sites pornos soient visités par les parents, quand les enfants apportent les ordinateurs à la maison »

Pendant ce temps, 7,5 millions ont déjà été dépensés. La commission scolaire a jusqu'ici déboursé trois millions, elle a emprunté à la banque 4,5 millions et elle ne remet pas en question la deuxième partie du programme de 15 millions. « Ce sera payé d'une façon ou d'une autre », dit M. Murray, qui estime que le financement du programme représentera annuellement entre 2 et 5 % du budget annuel de la Commission scolaire.

Une difficile collecte

M. Murray compte sur l'aide d'une fondation, chargée de ramasser des dons, pour combler le manque à gagner. Combien d'argent la fondation a-t-elle récolté jusqu'à maintenant? « Je ne sais pas, je ne siège pas à la fondation », répond M. Murray.

Le président de la fondation, Marc Lamarche, dit avoir récolté environ 75 000 $ jusqu'ici. « On essaie de solliciter les gouvernements du Québec et du Canada pour qu'ils nous aident. »

Mais pourquoi cherche-t-on le financement a posteriori? Pourquoi ne pas s'être d'abord assuré d'avoir des dons et des subventions? « Pour cela, il faut parler à la commission scolaire », dit M. Lamarche.

Au ministère de l'Éducation, Marie Claude Lavigne, attachée de presse du ministre Jean-Marc Fournier, dit qu'il n'est pas du tout dans les cartons du Ministère d'aider la commission scolaire à se tirer de son faux pas. « Il revient aux commissions scolaires de gérer leur budget. »

Oui, la commission scolaire subit des compressions, « mais seulement au niveau administratif pour l'instant, dit son président, M. Murray. Les directeurs d'école ont aussi volontairement accepté des compressions supplémentaires qui sont de l'ordre de 25 $ par élève ».

M. Murray ne voit que du bon au programme d'acquisition d'ordinateurs. Il dit que des études indépendantes, financées par le ministère de l'Éducation, démontrent déjà une amélioration notable des performances de ses élèves en lecture.

Plus encore, les enseignants reçoivent aussi un ordinateur portable, et cet avantage indéniable « facilite beaucoup leur recrutement », dit M. Murray, qui note que sa commission scolaire ne subit pas les mêmes pénuries de professeurs que ses voisines.

Quant au danger de laisser des enfants trimbaler des ordinateurs portables de plus de 2000 $ chacun dès la troisième année, M. Murray dit qu'il n'est arrivé qu'à une seule famille de devoir débourser une réparation de 186 $.

Pierre Bell, de l'école Parkview, interdit quant à lui à son fils de rapporter son portable à la maison. « À 9 ans, mon fils est plutôt du genre à perdre sa boîte à lunch, à oublier l'argent de son dîner et à perdre sa tuque et ses mitaines. Je ne vais certainement pas le laisser transporter un ordinateur avec lui. »