Eugène Lapierre et son équipe ont encore atteint leurs objectifs, cette année, en attirant près de 170 000 spectateurs au stade IGA, dont une foule enthousiaste pour la finale d'hier. «J'aurais aimé qu'on approche notre record de 175 000 [en 2016], mais nous avons eu deux séances perturbées par la pluie et nous sommes très satisfaits d'un tel résultat pour un tournoi féminin.»

Les chiffres sont évidemment bien loin du record pour le volet masculin - plus de 216 000 spectateurs l'an dernier -, et on a vu de larges sections des gradins restées vides cette semaine. «Ce n'est pas un problème du tournoi lui-même, plus le problème du tennis féminin, qu'on essaie de vendre, a expliqué le directeur de la Coupe Rogers.

«On a le record pour un tournoi féminin d'une semaine dans le monde, mais reste que j'espérerais qu'on fasse mieux et je pense que c'est beaucoup une question de vedettariat, de "stardom". Il y a quelques années, c'était l'inverse, le tournoi féminin faisait mieux, mais le tennis masculin est présentement au sommet.»

Lapierre a rappelé l'époque des années 90, avec des championnes de la trempe de Steffi Graf, Monica Seles, Martina Navratilova qui était encore là, les soeurs Williams qui arrivaient. «Toutes les filles du top 10 avaient des histoires incroyables et ça, ça ne se fabrique pas», a souligné celui qui est aussi vice-président de Tennis Canada.

«Il y a une transformation qui s'opère du côté féminin, avec de nouvelles vedettes, des personnalités fortes qui vont peut-être stimuler un peu plus l'intérêt. Et on fait des efforts pour que nos jeunes Canadiennes puissent aussi prendre leur place.»

Lapierre a expliqué que la WTA n'avait pas nécessairement les mêmes moyens que son pendant masculin, l'ATP. «Depuis trois ans seulement, le circuit féminin s'est organisé un peu comme le tennis masculin pour les droits de télévision au niveau international, et je pense que ça passe beaucoup par là, afin d'assurer une meilleure visibilité des joueuses. Plus elles seront vues, plus elles seront adulées.

«Au-delà de ça, ils font des efforts pour promouvoir les joueuses, mais à partir d'un moment donné, il faut que tu les aies, les joueuses, il faut qu'elles se démarquent sur le terrain. Il n'y a pas de secret.»



Le cas de Bouchard

Lapierre a raconté que la WTA croyait bien avoir trouvé la perle rare en 2014 avec Eugenie Bouchard. La Canadienne avait atteint la finale à Wimbledon, tout en explosant sur les réseaux sociaux.

«Ça prend des personnalités de ce calibre-là, a-t-il expliqué. Malheureusement, Eugenie a baissé au classement, mais tout le monde espère qu'elle retrouvera son niveau. Et si on peut trouver d'autres joueuses qui pourront remplacer les Williams et Sharapova de ce monde, le tennis féminin va bien se porter.»

Au-delà de ses performances, plusieurs ont déploré l'attitude de Bouchard pendant sa visite à Montréal, devant les médias notamment, où elle a raté une occasion de vendre le tennis et le tournoi.

«Je n'ai pas à émettre de commentaires sur les comportements des joueurs. On connaît Eugenie, et ce que je vois, c'est qu'elle a un potentiel énorme de marketing, incroyable pour le sport. Et j'aime ça voir ça. Bien sûr, j'aimerais qu'elle aille plus loin dans le tournoi, mais ce qu'elle fait sur le terrain, hors du terrain ou dans les médias sociaux m'importe peu; le fait qu'elle soit là est bon pour le tournoi.

«Et quand vous demandez à des petites filles qui commencent à jouer quelle est leur joueuse préférée, neuf sur dix vont dire Eugenie Bouchard. Son attitude est d'ailleurs bien différente dans d'autres circonstances, dans des cliniques avec les jeunes, par exemple.»

L'année prochaine, ce sont les hommes qui reviendront à Montréal pour un tournoi qui s'annonce déjà mémorable avec la première participation chez lui de Félix Auger-Aliassime et le retour de Denis Shapovalov, demi-finaliste en 2017.

«Les gens m'en parlent déjà, a reconnu Lapierre. Les gens voudront voir Félix, Denis, mais aussi Milos [Raonic], Vasek [Pospisil]; le tennis masculin canadien est vraiment dans une bonne position présentement.

«J'essaie de rester prudent, on est quand même encore à 12 mois du prochain tournoi et bien des choses peuvent se passer d'ici là. Il y a deux ans, Félix avait gagné l'Omnium junior des États-Unis en battant en demi-finale le Grec [Stéfanos] Tsitsipás, qui est en finale aujourd'hui à Toronto ! S'il suit la même courbe de progression, ce sera formidable!»

Photo Olivier Jean, archives La Presse

Eugenie Bouchard a été éliminée au premier tour de la Coupe Rogers.