Critiqué et moqué avant la Coupe du monde, le sélectionneur russe Stanislav Cherchesov aura réussi à retourner l'opinion de son pays et quitte une compétition qu'il a marquée de son empreinte, après une élimination aux tirs au but contre la Croatie en quart.

Patiemment, l'entraîneur, dont le principal fait d'armes était jusqu'à présent un doublé coupe-championnat avec le Legia Varsovie en 2016, a construit une équipe solide et a laissé infuser une incroyable «grinta» dans le vestiaire.

À l'image de Mario Fernandes, auteur du but du 2-2 à la 115e minute pour donner le droit à la «Sbornaïa» d'abattre sa dernière carte aux tirs au buts, perdus de peu (4 à 3).

Le coach de 54 ans originaire de la république d'Ossétie du Nord-Alanie, dans le Caucase russe, a pourtant été la cible de critiques sévères. Jusqu'au coup d'envoi du Mondial, l'ambiance autour de sa sélection, sans victoire depuis plus de huit mois, était exécrable.

En cause alors, des choix tactiques jugés incompréhensibles, comme sa décision d'écarter plusieurs cadres vieillissants de la sélection, ou encore son apparente désinvolture lors de ses apparitions devant la presse.

Car sous pression, le sélectionneur de 54 ans s'en sortait devant micros et caméras par des pirouettes, n'hésitant pas à surjouer son image bourrue.

Trois semaines plus tard, ces mêmes choix tactiques sont célébrés en Russie et le pays se délecte des plaisanteries et de l'art de la langue de bois de l'ancien gardien de but du Spartak Moscou.

«Tête froide»

Pendant les trois semaines qu'aura duré le parcours russe, Cherchesov, devenu la moustache la plus célèbre de Russie, a pourtant veillé à garder la tête froide. «En tant que coach, j'essaye de ne pas regarder la télévision, de ne pas lire les journaux, je me concentre sur mon boulot et c'est tout», expliquait-il avant le quart de finale contre la Croatie.

Impassible sur le terrain après la victoire arrachée en 8e de finale contre l'Espagne aux tirs au but, le sélectionneur russe avait toutefois gardé en réserve une pique pour les journalistes russes. «Il a été l'un des rares à croire en nous», avait glissé Cherchesov en offrant un maillot de la «Sbornaïa» dédicacé à un journaliste péruvien installé à Moscou.

«On a été critiqués avant le tournoi? Croyez-moi ou non, nous, nous croyions en nous, et le pays nous aimait», a-t-il déclaré dans les entrailles du stade Fisht de Sotchi après l'élimination contre les Croates, expliquant que lui et ses joueurs se sentaient «comme des conscrits démobilisés avant l'heure».

«Tu es simplement cosmique, Stas!». La phrase, tirée d'un tube du groupe de rock le plus populaire de Russie, est devenue en quelques semaines la légende à accoler sous toute photographie de l'entraîneur moustachu.

Le pays entier semble s'être pris de passion pour Cherchesov, l'agence spatiale russe Roskosmos allant jusqu'à publier sur son compte Twitter un photomontage du sélectionneur en tenue de cosmonaute après l'élimination.

Dimanche, la presse russe était unanime pour saluer son travail. «Les champions de notre coeur», titrait le premier quotidien sportif du pays, Sport Express, à l'unisson des supporters de la Sbornaïa dont le principal mot d'ordre après l'élimination, dans les rues de Moscou, était «Merci les gars!».

Réconfortés 

Les joueurs de la sélection russe, éliminés du Mondial-2018 après une défaite sur le fil du rasoir contre la Croatie, ont été réconfortés dimanche à Moscou par les ovations de milliers de supporters venus les remercier pour une performance inattendue.

Le sélectionneur Stanislav Cherchesov a mené ses joueurs sur scène sous un soleil radieux dans la fan-zone de la capitale, remerciant le public qui a soutenu jusqu'au bout une équipe que personne n'attendait à aller aussi loin.

«Vous n'étiez pas le 12e joueur. Vous étiez les 12e, 13e, 14e, 15e et 16e joueurs. Nous avons senti votre soutien dès la première seconde», a lancé l'entraîneur devant la foule de supporters et une mer de drapeaux russes.

La Sbornaïa a réussi «son» Mondial, malgré la défaite en quarts de finale contre la Croatie samedi (2-2 a.p., 4-3 aux t.a.b.), et a donné le goût du ballon rond aux Russes, qui étaient sortis par dizaines de milliers dans les rues lors de la victoire contre l'Espagne au tour précédent (1-1 a.p., 4-3 t.a.b.) .

Le président russe Vladimir Poutine a invité Cherchesov au Kremlin et le premier ministre, Dmitri Medvedev, s'était rendu dans le vestiaire pour remercier les joueurs après le match samedi soir.

Les joueurs russes, qui paraissaient inconsolables la veille, semblaient réconfortés par leur accueil triomphal à Moscou dimanche.

«Je suis si heureux d'être un citoyen russe. Aucune autre équipe n'a de supporters comme ça», a lancé Fyodor Smolov, qui a reçu une longue ovation malgré son échec au tir au but.

Le milieu Denis Cheryshev a dédié ses quatre buts dans la compétition au «pays tout entier». «Bien sûr, nous voulions aller plus loin», a-t-il regretté avant de remercier les fans.

«Hier, il y avait des larmes. J'en avais et les gars aussi. Des larmes de défaite et des larmes de joie», a déclaré pour sa part le défenseur Sergei Ignashevich, qui a annoncé la fin de sa carrière de joueur le jour même.