L'image a choqué l'Italie et a causé une onde de choc dans le monde entier, la semaine dernière : à la 30e minute du match opposant Pescara à Livourne, le milieu de terrain Piermario Morosini s'écroule une première fois, victime d'un malaise cardiaque. Il essaie de se relever à deux reprises avant de rester au sol, ventre contre terre. Malgré les manoeuvres de réanimation, le décès du joueur de 25 ans est prononcé quelques minutes plus tard.

L'histoire du soccer compte d'innombrables cas de joueurs qui ont perdu la vie sur le terrain. En 1906, David Wilson, de Leeds, est l'un des premiers à être victime d'un arrêt cardiaque. Le phénomène n'est donc pas nouveau, mais semble avoir pris de l'ampleur ces dernières années (voir autre texte). La mort de Morosini est survenue un mois après le malaise cardiaque de Fabrice Muamba (Bolton), qui a pu être réanimé grâce à une intervention appropriée des secouristes anglais.

Si la cause de l'arrêt cardiaque de Muamba n'a pas été dévoilée, celle du décès du joueur italien n'a pas encore été découverte. Bien que choquants, ces deux épisodes n'ont rien de surprenant, selon le Dr Patrick Garceau, cardiologue et écho-cardiographiste à l'Institut de cardiologie de Montréal.

«Le nombre n'est pas forcément disproportionné par rapport au groupe d'âge. Quand c'est Pierre, Jean, Jacques qui meurt, on n'en parle pas. Alors qu'ici, ce sont des athlètes en pleine forme.»

Dans la moitié des cas, ces problèmes cardiaques sont causés par une cardiomyopathie hypertrophique, une maladie génétique caractérisée par un muscle cardiaque plus épais que la normale. Elle touche une personne sur 500 à 1000 ou, comme l'illustre le Dr Garceau, de «20 à 40 personnes présentes au Centre Bell à chaque match du Canadien». Ce chiffre ne prend pas en compte les personnes asymptomatiques, qui ne présentent donc aucun signe clinique et dont le premier épisode peut tout simplement être la mort subite.

«C'est une maladie contre laquelle on ne peut rien au niveau de son avancement. On ne peut pas la traiter ni la retarder, mais on peut prévenir la mort subite.

«Elle peut survenir à un moment où les gens sont déshydratés ou durant un exercice physique. Donc, on prohibe les activités de haute intensité, comme le soccer, le hockey ou le marathon», explique le cardiologue.

Le cas de Morosini est toutefois différent puisque l'autopsie pratiquée en début de semaine n'a pas permis de faire la lumière sur les raisons de son décès. Selon le Dr Garceau, il aurait pu succomber à une anomalie arythmique - du système électrique -, l'une des autres causes de mortalité chez les athlètes, avec les maladies coronariennes précoces. Si celles-ci peuvent être causées par un historique familial, le dopage peut aussi entrer dans l'équation.

«Chez les athlètes, une partie de ces décès peuvent être reliés aux stéroïdes - l'usage d'anabolisants - et aux substances prohibées comme la cocaïne et les amphétamines, qui peuvent provoquer des infarctus.»

Politique stricte en Europe

Si le Canada ne dispose pas encore d'une politique en la matière, les découvertes de malformations cardiaques se sont accélérées ces dernières années en Europe grâce à une meilleure prévention. L'Italie fait figure de modèle depuis 1977, année du décès d'un joueur de Pérouse, Renato Curi.

«En Italie, tous les athlètes, même ceux du secondaire ou de l'université, doivent passer une évaluation médicale et un électrocardiogramme (ECG), indique le cardiologue. L'ECG va évaluer le système électrique du coeur, mais il n'est pas infaillible puisque des maladies peuvent aussi se développer avec le temps. Les athlètes peuvent aussi passer un échocardiogramme pour voir la morphologie du coeur.»

L'UEFA et la FIFA ont également pris la situation au sérieux en multipliant les examens avant chaque grande compétition internationale. L'organisme gouverné par Sepp Blatter a d'ailleurs proposé l'instauration d'examens dès 2005.

«Cette mesure a été appliquée lors de la Coupe du monde 2006 et de la Coupe du monde féminine 2007, a récemment rappelé le professeur Jiri Dvorak, médecin en chef de la FIFA. Par la suite, la Fédération a déclaré cet examen obligatoire avant chaque compétition.

«On peut toujours aller plus loin. Nous avons ainsi recommandé que les joueurs subissent un examen médical avant les rencontres internationales.»

Fabrice Muamba, le miraculé

Le joueur de Bolton Fabrice Muamba a reçu son congé de l'hôpital, 30 jours après avoir subi une crise cardiaque face à Tottenham. Le fait qu'il n'ait conservé aucune séquelle de cet incident est aujourd'hui considéré comme un miracle par les médecins londoniens. Son coeur s'est arrêté de battre pendant 78 minutes, a révélé le médecin de son équipe.

«C'est rare que quelqu'un revienne comme ça. Au-delà d'une heure, c'est la première fois que je vois ça, a expliqué Patrick Garceau. Habituellement, à l'hôpital, cela dépasse rarement 45 minutes ou 1 heure pour des jeunes sans maladie.»

L'idéal, dans ce genre de situation, est de procéder à un massage cardiaque, ajoute le cardiologue, ce qui prévient les séquelles d'arrêts prolongés.

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DES CAS QUI SE MULTIPLIENT

Marc-Vivien Foé, 26 juin 2003

Âgé de 28 ans, le Camerounais Marc-Vivien Foé s'écroule en plein match de Coupe des confédérations contre la Colombie. Son décès sera constaté à l'hôpital quelques minutes plus tard. L'autopsie révélera une cardiomyopathie hypertrophique.

Miklos Feher , 25 janvier 2004

Rentré en deuxième mi-temps contre Guimaraes, l'attaquant Miklos Feher, du Benfica Lisbonne, succombe à un arrêt cardiaque en fin de match. Les autorités portugaises concluent à une mort de causes naturelles, «certainement due à une arythmie cardiaque, vraisemblablement à la suite d'une cardiomyopathie hypertrophique».

Antonio Puerta , 25 août 2007

Le défenseur Antonio Puerta, du FC Séville, est victime d'un arrêt cardiorespiratoire lors d'un match contre Getafe. Au moins cinq autres arrêts ont été constatés avant l'annonce de son décès, trois jours plus tard. Il a été terrassé par une arythmie ventriculaire due à une malformation cardiaque rare (dysplasie arythmogène du ventricule droit).

Fabrice Muamba, 17 mars 2012

La panique s'empare de White Hart Lane, domicile de Tottenham, lorsque Fabrice Muamba, de Bolton, s'écroule tout juste avant la mi-temps. Victime d'un malaise cardiaque, il est rapidement pris en charge et reçoit 15 décharges électriques (défibrillations). Après 78 minutes, son coeur se remet à battre. Miraculeusement, il ne garde aucune séquelle et a reçu son congé de l'hôpital plus tôt cette semaine. Les causes n'ont pas été dévoilées publiquement.

Piermario Morosini, 14 avril 2012

L'Italie est en deuil après l'annonce de la mort du milieu de terrain Piermario Morosini, de Livourne. Fauché par un malaise cardiaque, l'ancien espoir n'a jamais repris connaissance, une situation aggravée par des secours déficients. L'autopsie n'a pas révélé la cause du décès, mais de nouveaux examens auront lieu dans les prochains jours.