Après l'obtention des Jeux olympiques d'hiver de 2014 et l'inclusion de Sotchi dans le circuit de Formule 1, la Russie a réussi une troisième fois à vendre à une fédération sportive internationale un rêve grandiose qui n'existe pour l'instant que sur papier.

Même si la Russie ne dispose d'aucune des infrastructures nécessaires, la FIFA lui a attribué hier soir à Zurich la tenue de la Coupe du monde de soccer en 2018.

Encore hier matin, les sites de pari en ligne donnaient la Russie largement perdante contre l'Angleterre. C'est que contrairement à la Fédération russe, le royaume d'Élisabeth II aurait pu tenir un Mondial dès le lendemain de son attribution. Tous les stades y sont prêts.

En Russie, c'est une autre paire de manches. Seul le stade Loujniki de Moscou est en état d'accueillir des compétitions de cette envergure. Des stades sont en construction à Sotchi - ville hôtesse des JO de 2014 - et à Saint-Pétersbourg. Mais dans les 10 autres villes incluses dans le projet, tout reste à bâtir.

Et le défi ne réside pas seulement dans les stades. Partout, les routes, les hôtels, les aéroports sont loin de répondre aux normes pour accueillir autant de visiteurs étrangers. Compte tenu des milliers de kilomètres qui séparent les 13 villes hôtesses, les déplacements des équipes et des fans exigeront une coordination hors pair et de nombreuses nouvelles liaisons aériennes.

Une marque de respect

Devant tous ces casse-tête à l'horizon, le premier ministre russe Vladimir Poutine, grand supporteur du projet, a jugé que cette victoire constituait une marque de respect envers le potentiel de son pays. «Cela signifie qu'on fait confiance à la Russie, qu'on croit en ses capacités, bien que certaines installations sportives ne soient pas prêtes», a-t-il déclaré hier, avant de s'envoler vers Zurich pour aller remercier les membres du comité exécutif de la FIFA.

La Russie promet que tous les stades seront prêts d'ici moins de trois ans. Comme pour les JO de Sotchi en 2014, elle risque d'avoir à déployer des moyens surhumains pour ne pas décevoir la planète. Et elle est prête à le faire. À tout prix.

Le budget pour la préparation à la Coupe du monde n'a pas encore été fixé, mais le ministre russe des Finances Alekseï Koudrine a assuré hier qu'il serait moins élevé que celui des JO de 2014. Encore heureux. Depuis leur attribution il y a trois ans, l'estimation des coûts du projet olympique a été triplée, passant de quelque 10 milliards de dollars - déjà du jamais vu pour des Jeux d'hiver - à 31 milliards!

Mondial patriotique

Le thermomètre indiquait -16°C hier soir à Moscou. Certainement pas un temps à mettre un ballon rond dehors. Mais des fans ont quand même bravé le froid pour aller célébrer la victoire dans les rues de la capitale.

Pour Andreï, étudiant en publicité, c'était un «devoir patriotique».

«Nous devons faire monter l'enthousiasme dans la ville pour le Mondial!» a-t-il lancé, frigorifié, sous sa cagoule noire. Avec un groupe d'une douzaine de jeunes, il a impatiemment attendu durant plus d'une heure et demie le résultat du vote de la FIFA dans un minibus affrété par la Fédération russe de soccer, stationné en bordure du périphérique du Jardin, qui ceinture la capitale.

La bande de jeunes patriotes est ensuite sortie pour distribuer des tricolores russes aux passants et automobilistes pris dans les bouchons de circulation monstres de fin de journée.

À quelques mètres de là, pris dans sa voiture, Rouslan avait des sentiments plus partagés sur la victoire. «C'est super que nous ayons gagné. Mais ça demandera beaucoup de préparation, ça coûtera cher, nos routes sont mauvaises, il y a des bouchons partout», fait remarquer l'agent de voyage de 30 ans.

Grand fan de soccer, Rouslan est surtout content d'une chose: «Puisque nous serons le pays hôte, nous serons automatiquement qualifiés.»