Bagarres de rues, fumigènes lancés vers les joueurs ou le public, match arrêté: l'Italie-Serbie de mardi, interrompu (à 0-0) après six minutes à cause de la violence des ultras serbes a ravivé la peur du hooliganisme et déclenché de nombreuses critiques.

Le ministre des Affaires étrangères italien, Franco Frattini, a dit mercredi avoir reçu «les excuses formelles» de son homologue serbe, Vuk Jeremic.

Les évènements du stade Marassi de Gênes sont «la plus grande honte du sport serbe», titrait à la Une l'influent quotidien Politika. «La Serbie a été douloureusement déshonorée à Gênes», renchérissait Vecernje novosti, ajoutant: «ces images de jeunes cagoulés (feront) rougir de honte toute la nation».

En Italie, La Gazzetta dello sport titrait «Les bêtes» au-dessus d'une photo du chef des ultras, Yvan Bogdanov, cagoulé, «body-buildé» et couvert de tatouages, en train de faire le salut fasciste. Il a été arrêté et emprisonné à Gênes.

Les incidents avaient clairement un fond de revendication nationaliste: des ultras ont entonné un chant appelant à «tuer tous les Kosovars» et brûlé un drapeau du Kosovo.

Pendant les affrontements à l'extérieur du stade, dans la nuit, 16 personnes ont été blessées dont deux grièvement. En outre, 17 supporteurs serbes ont été arrêtés, dont Bogdanov.

Prandelli a pensé au Heysel

Le sélectionneur italien Cesare Prandelli, qui a vécu comme joueur en 1985 le drame du Heysel (où 39 personnes étaient mortes avant la finale de C1 entre la Juventus et Liverpool), a évoqué son souvenir. «Quand j'ai vu les ultras essayer de briser la vitre (séparant les supporteurs adverses, ndlr) et les gens qui s'enfuyaient terrorisés, j'ai pensé au pire, au fait que la violence de quelques uns peut mettre en échec un match de football et une ville entière. Il suffit de peu pour que ça se transforme en tragédie...»

La Serbie risque aussi des sanctions sportives. L'UEFA, le gouvernement du football européen, a annoncé l'ouverture d'une enquête. La commission de discipline se réunira le 28 octobre. La Serbie risque d'avoir match perdu 3-0, ainsi qu'une suspension pour ses matches à domicile, voire l'exclusion pure et simple des qualifications à l'Euro 2012.

Le déroulement des évènements mardi a suscité la polémique. Le maire de Gênes, Marta Vicenzi, a jugé mercredi inadaptées les mesures prises pour éviter les affrontements entre les supporteurs serbes et la police. «Pourquoi les avons-nous laissé entrer (dans le stade, ndlr)?» a-t-elle demandé.

Les Serbes menacés par leurs supporteurs

Les supporteurs serbes sont redoutés pour leur comportement, mais «nous n'avions aucune information nous permettant d'évaluer à quel point cette rencontre était à risques», avait expliqué mardi l'officier de police responsable de la sécurité du match, Roberto Massucci.

Le ministre de l'Intérieur serbe, et vice-premier ministre, Ivica Dacic, a pour sa part estimé que la police italienne avait mal préparé la rencontre.

Mardi, le public italien a été scrupuleusement fouillé mais les quelques 1750 supporteurs serbes ont gagné leurs tribunes équipés de fumigènes, pétards, tenailles, selon de nombreux témoignages.

Avant le match, les supporteurs avaient saccagé des boutiques en ville, mais selon M. Massucci, les hooligans étaient «plus facile à contrôler à l'intérieur du stade».

Autre signe avant coureur: les joueurs serbes avaient été attaqués par leurs propres fans en arrivant au stade (un fumigène lancé vers leur bus), et le gardien Wladimir Stojkovic «intimidé», selon la police. Il s'était réfugié, tremblant, dans le vestiaire des Italiens, et avait été remplacé.