Cette fois, les relayeurs canadiens n'ont pas fait de tour d'honneur avec le drapeau unifolié sur les épaules. Ils ont laissé ça aux Américains - et à Usain Bolt. Mais à la fin de la soirée, ce sont eux qui sont partis hilares, songeant à la belle grosse médaille de bronze qu'ils iront cueillir ce soir sur le podium en bois du stade olympique de Rio de Janeiro.

Quatre ans après une disqualification crève-coeur en conclusion des JO de Londres, le relais 4 x 100 m canadien a savouré une douce revanche, vendredi soir. Quatrième sur la ligne, le quatuor a été promu à la troisième place après la disqualification des États-Unis pour un échange de témoin avant la zone permise.

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Justin Gatlin et ses trois compatriotes venaient de faire leur tour de piste au moment de l'annonce de la décision. Pendant ce temps, les relayeurs canadiens, la mine basse, donnaient une entrevue à CBC lorsque l'heureuse nouvelle leur a été transmise.

Andre De Grasse a levé le poing en souriant, mais s'est gardé de trop célébrer. On ne sait jamais, l'équipe américaine avait apparemment fait un appel, information qui s'est confirmée plus tard dans la soirée. Aucun des quatre relayeurs canadiens n'était là à Londres, mais ils avaient tous le sentiment de venger le mauvais sort subi par leurs amis.

De Grasse devient le premier triple médaillé canadien en athlétisme depuis 1932. 

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« C'est un feeling incroyable. Je suis arrivé à ces Jeux en disant que je voulais gagner trois médailles olympiques. Je l'ai fait, c'est un rêve devenu réalité. La prochaine fois, je veux juste améliorer ces médailles. »

- Andre De Grasse

Chose certaine, Usain Bolt n'a pas raté son chant du cygne olympique. Encore une fois impérial dans la dernière ligne droite, il a mené la Jamaïque vers l'or, concrétisant ainsi un triple triplé inédit des épreuves de sprint après ses succès à Pékin (2008) et à Londres (2012).

« Rien n'est impossible », a affirmé Bolt, qui est arrivé à la conférence de presse en dansant avec son cellulaire à plein volume. « Je ne me suis jamais imposé de limites. J'ai toujours voulu repousser les barrières et c'est ce que j'ai fait. J'ai accompli ce que je voulais et c'est une joie. »

Asafa Powell a affirmé que son équipe avait pratiqué les échanges deux fois cette année, dont une fois avec Bolt...

Tout le contraire du Japon, qui a surpris tout le monde - à part peut-être les entraîneurs canadiens - pour se frayer un chemin jusqu'à la deuxième marche du podium en 37,60 s. Le père du dernier relayeur, Asuka Cambridge, est Jamaïcain, ceci expliquant peut-être cela.

Les Américains ont suivi en 37,62 s après une roulade spectaculaire de Trayvon Bromell sur le fil.

De Grasse a tout tenté, mais a échoué par deux centièmes à revenir sur son ancien grand rival de la NCAA. Akeem Haynes, Aaron Brown, Brendon Rodney et lui ont néanmoins amélioré le record national, qui remontait au relais médaillé d'or de 1996 à Atlanta, dernière fois que le relais canadien était monté sur le podium.

« Quand j'ai reçu le bâton, je me suis dit : "J'ai du travail à faire, a raconté De Grasse. J'étais peut-être 5 à 10 mètres derrière le Japon et les États-Unis. Bolt était déjà parti. Mais je savais que j'avais une excellente chance de prétendre à la médaille d'argent." »

Le Torontois de 21 ans estime qu'il lui a manqué « un mètre » pour rattraper ses deux rivaux. « Je ne sais pas ce qui est arrivé, je pense que mes jambes étaient juste un peu fatiguées après toutes ces rondes de 100 et 200 mètres. »

Exténué, oui, mais le voilà triple médaillé olympique après le bronze au 100 m et l'argent au 200 m. « Peu importe la couleur, c'est très dur d'arriver aux Jeux olympiques et de gagner trois médailles, a commenté Bolt. C'est le plus haut niveau de compétition, les autres te forcent à repousser tes limites, à travailler plus fort. C'est un grand exploit, et il [De Grasse] sera une force à surveiller dans les prochaines années aux Championnats du monde et aux Jeux olympiques. »

Bolt, qui aura 30 ans dimanche, a annoncé que sa saison se terminait à Rio. Il compte s'aligner au 100 m des Mondiaux de Londres, l'été prochain.

De Grasse a bien l'intention de ne pas rater sa chance de battre l'« immortel » avant sa retraite définitive.

« Si je peux rester en santé toute l'année prochaine, sans blessures, continuer de travailler fort sur mon art, c'est possible, a-t-il estimé. C'est un apprentissage pour moi parce que je pense avoir laissé trop d'énergie dans cette demi-finale du 200 mètres. Je n'avais juste pas assez d'essence à la fin de la finale. J'ai appris de ça et la prochaine fois, je serai prêt. »

En traversant la ligne d'arrivée, Usain Bolt a levé le témoin bien haut. Comme si le plus grand sprinteur de l'histoire signifiait que jamais plus personne ne monterait aussi haut.

Relais 4x100 m messieurs (finale):

1. Jamaïque 37.27.

(Powell, Blake, Ashmeade, Bolt)

2. Japon 37.60

(Yamagata, Iizuka, Kiryu, Cambridge)

3. Canada 37.64

(Haynes, Brown, Rodney, De Grasse)

4. Chine 37.90

(Tang, Xie, Su, Zhang)

5. Grande-Bretagne 37.98

(Kilty, Aikines-Aryeetey, Ellington, Gemili)

6. Brésil 38.41

(de Souza, dos Santos, de Barros, Vides)

7. Trinité-et-Tobago Disqualifié

(Bledman, Sorrillo, Callender, Thompson)

8. Etats-Unis Disqualifié

(Rodgers, Gatlin, Gay, Bromell)

4 x 100 m féminin: le Canada septième

Les Canadiennes ont dû se contenter du septième rang à l'occasion de la finale du relais 4 x 100 m vendredi soir, aux Jeux de Rio.

L'équipe, composée de Farah Jacques, Crystal Emmanuel, Phylicia George et Khamica Bingham a franchi le fil d'arrivée en 43,15 s. Seul le Nigéria (43,21) a moins bien fait.

C'était la première fois depuis les Jeux de Los Angeles, en 1984, que le Canada participait à la finale féminine du relais 4 x 100 m. Le pays avait d'ailleurs remporté la médaille d'argent à ce moment.

La médaille d'or est allée aux États-Unis, qui ont complété le parcours en 41,01 s. Rappelons que les Américaines avaient d'abord été exclues de la finale après qu'une des coureuses eut échappé le témoin en demi-finale. On a ensuite constaté qu'elle était entrée en collision avec sa voisine de couloir, de sorte qu'elles ont pu disputer l'épreuve à nouveau en solo et ainsi accéder à la finale.

Elles ont devancé la Jamaïque (41,36 s), grande favorite de la compétition, au fil d'arrivée. Christania Williams, première relayeuse jamaïcaine, a éprouvé des difficultés à remettre le témoin à sa coéquipière Elaine Thompson, faisant perdre de précieuses secondes à son équipe. Shelly-Ann Fraser-Pryce a bien tenté une poussée en fin de course, mais ce fut insuffisant.

Le Royaume-Uni (41,77 s) a pour sa part mis la main sur la médaille de bronze.

- Jean-Philippe Arcand