L'entraîneur Frédéric Blackburn donnait des explications aux journalistes interloqués quand les patineuses néerlandaises sont passées derrière lui, les bras dans les airs. Elles célébraient leur médaille de bronze... acquise grâce à leur première place en finale B.

Juste avant, les quatre relayeuses canadiennes s'étaient perdues en conjectures pour tenter de comprendre leur disqualification en finale du relais 3000 m aux Jeux olympiques de PyeongChang, mardi soir (heure locale).

Valérie Maltais a fait une chute avec quatre tours à faire, cherchant à éviter une Sud-Coréenne tombée devant elle après un échange laborieux. Elle a glissé sur quelques mètres avant de taper fort dans le coussin de protection. Une Italienne l'a ensuite heurtée.

Après un moment de confusion qui a semblé durer une éternité, Kasandra Bradette a donné le relais à Marianne St-Gelais, qui a franchi la ligne d'arrivée au quatrième rang, longtemps après la Corée du Sud, la Chine et l'Italie.

Malgré tout, Maltais, St-Gelais, Bradette et Kim Boutin se sont rejointes sur le bord de la bande, espérant une décision favorable après une évaluation de la reprise par les arbitres. Attente interminable. De l'autre côté, Charles Hamelin et Samuel Girard leur tapaient dans les mains, les félicitant pour leur superbe course avant l'incident.

«On s'attendait à beaucoup de choses... sauf à être disqualifiées!», a résumé Bradette, qui avait interpellé un arbitre au centre de la glace.

Puis, la voix dramatique de l'annonceur québécois Dany Lemay a retenti. Deux pays étaient disqualifiés: la Chine et le Canada. La Corée du Sud remportait l'or, ce qui a plongé le Palais des glaces de Gangneung dans une presque hystérie. Troisième à la ligne, l'Italie de l'entraîneur québécois Kenan Gouadec a finalement gagné l'argent. Les Néerlandaises, qui venaient de réaliser un record mondial en finale B, ont hérité du bronze.

Pendant que Maltais tentait de reprendre son souffle, St-Gelais s'est mis les mains sur la tête, catastrophée. «Je m'attendais zéro à ça, a-t-elle raconté plus tard en zone mixte. Je suis super déçue de ce résultat-là. On a travaillé super fort, notre course était "malade", honnêtement. Je n'ai pas de mots parce qu'on ne méritait pas du tout cette disqualification-là.»

Blackburn a demandé des explications à l'arbitre en chef. C'est finalement l'assistant québécois Jacques Grégoire qui les lui a fournies. Au moment où la Sud-Coréenne et la Chinoise se disputaient la première place à l'arrivée, Boutin leur aurait un peu bloqué le chemin. Celle-ci ne faisait que tourner à l'intérieur du tracé, attendant de voir si St-Gelais lui donnerait un relais.

«Ils ont considéré que Kim était dans leurs jambes, a rapporté Blackburn. Moi, ce que je vois, c'est qu'elle n'a nui à personne, n'a touché à personne. La seule affaire, ça enlevait une possibilité à la Chinoise de venir à l'intérieur parce que Kim était là.»

«En maudit» mais très calme en apparence, Blackburn se désolait pour ses quatre patineuses qui venaient d'exécuter le plan à la perfection. Elles voulaient occuper la tête avec deux tours à faire. Elles y étaient juste avant que Maltais ne culbute, victime d'une bête circonstance de course.

«Ce que je trouve le plus triste, c'est que les filles étaient vraiment compétitives, a souligné le coach. Les quatre dernières années, les efforts qu'on a mis. Le show, l'intensité que les filles ont mise, elles étaient prêtes pour essayer de le gagner. Le plus hot, c'est qu'elles ont couru avec confiance, détermination, ç'aurait été une méchante fin de course.»

Au bout du compte, la finale s'est plutôt transformée en un imbroglio dont le courte piste a le secret. «C'est frustrant quand ça nous arrive, mais les gens aiment le courte piste parce qu'il y a ces situations qui peuvent arriver, a dit Blackburn. Je ne pense pas que ça va nuire au sport. Là, c'est arrivé à nous, mais les autres vont dire: c'est incroyable, parce qu'ils ont eu une médaille à cause de ça...»

Victime d'une disqualification (500 m) et d'une chute (1500 m) à ses deux premières épreuves individuelles à PyeongChang, St-Gelais a accusé cet autre coup au moral.

«C'est sûr que ces temps-ci, ce n'est pas facile, a admis la patineuse de Saint-Félicien. Mais j'aime mon sport pour les bons et les mauvais côtés. Si tu regardes la feuille, tu te dis que Marianne n'a pas eu une belle compétition jusqu'à présent. Mais les courses sont incroyables.»

Incroyables à bien des égards. Pour la première fois depuis l'introduction du courte piste aux Jeux olympiques en 1992, l'équipe féminine n'est pas montée sur le podium au relais. Reléguées au huitième rang, les quatre patineuses canadiennes de 2018 s'en souviendront longtemps.