En 2003, Katie Ledecky avait 6 ans quand elle a assisté aux championnats américains chez elle dans le Maryland. Dans le stationnement, après la compétition, elle a eu besoin de tout son courage pour demander un autographe à Michael Phelps, qui marchait vers son auto.

Huit ans plus tard, Ledecky a reçu un high five de Phelps alors qu'elle se préparait à disputer la finale du 800 m libre aux Jeux olympiques de Londres, hier soir. Il lui a simplement dit de s'amuser.

Quelques minutes plus tard, l'adolescente de 15 ans sautait dans la piscine, en route vers une victoire écrasante en 8:14,63, à une demi-seconde du record mondial établi par la tenante du titre, la Britannique Rebecca Adlington, qui a dû se contenter du bronze malgré les encouragements assourdissants de ses 17 500 compatriotes.

Au début de cette avant-dernière session, l'Américaine Missy Franklin, 17 ans, a outrageusement dominé le 200 m dos, établissant un record du monde en 2: 04,06. La jeune nageuse, dont les parents sont d'origine canadienne, a ainsi obtenu sa quatrième médaille des JO, la troisième en or.

Il n'y a pas de soucis, la relève de Phelps est bien assurée. Pour sa dernière course individuelle à vie, le Kid de Baltimore a ajouté une 21e médaille à sa collection olympique - la 17e en or - en s'imposant facilement au 100 m papillon. Il a devancé le Sud-Africain Chad Le Clos, son dauphin annoncé, et le Russe Evgeny Korotyshkin, qui se sont partagé l'argent. Il est ainsi devenu le premier nageur de l'histoire à remporter deux titres lors de trois Jeux olympiques consécutifs, 24 heures après avoir gagné le 200 m quatre nages, qu'il avait aussi dominé en 2004 et 2008.

À moins d'une disqualification, Phelps portera son total à 22 ce soir alors qu'il assumera la portion de papillon du relais 4 X 100 m quatre nages pour son chant du cygne.

Avec le podium attendu du relais féminin, les États-Unis quitteront Londres avec 30 médailles, soit sensiblement la même récolte qu'aux cinq JO précédents. À moins d'une surprise, ils surpasseront les 14 titres décrochés à Sydney en 2000.

Malgré le départ à la retraite de Phelps, l'avenir s'annonce aussi rose. «Beaucoup de jeunes s'en viennent et ils rempliront nos souliers facilement, a assuré l'athlète olympique le plus décoré. Il y a Missy, qui peut nager 15 millions d'épreuves, il y a Ryan (Lochte), qui continuera encore quatre ans, et Tyler (Clary), qui a eu une grande course (200 dos) l'autre soir et qui est très polyvalent. J'adorerais être aux championnats du monde l'an prochain pour les regarder compétitionner. Ça va être le fun.»

Derrière les États-Unis, les autres nations vont et viennent. Pour l'Australie en chute libre (20 podiums à Pékin, 8 à Londres, il y a la France en émergence (1 titre en Chine, quatre en Angleterre avec celui de Florent Manaudou, le petit frère de Laure, au 50 m libre hier). La Chine s'améliore constamment (2 médailles en 2004, 6 en 2008, 9 en 2012), mais n'a pas encore la profondeur des Américains.

«En voyant mes coéquipiers si bien faire, ça m'a aidée à calmer ma nervosité, a souligné Ledecky. Quand ça a été mon tour, je n'étais pas aussi intimidée.»

L'entraîneur québécois Martin Grégoire ne s'étonne pas de l'émergence d'une nouvelle génération de nageurs américains. Depuis un an, il dirige le Redlands Swim Team, en Californie, château fort de la natation mondiale.

«Là-bas, tout le monde, sans exception, s'implique d'une façon ou d'une l'autre dans un sport aquatique», racontait-il plus tôt cette semaine à Londres. «Et je ne parle pas juste de cours de natation: il y a les compétitions d'écoles secondaires, le water-polo, les ligues d'été. Il y a mille et une opportunités de se retrouver dans la piscine. On n'a comme pas le choix.»

Aux sélections olympiques américaines, Grégoire a vu une multitude de nageurs dont il n'avait jamais entendu parler en demi-finale et en finale. La relève vient de partout: «L'entraîneur de Missy Franklin, il a ton âge.»

USA Swimming est une organisation qui fonctionne comme une «gigantesque entreprise». «Il n'y a pas une semaine qui passe sans que je reçoive un courriel où on me fournit des outils pour attirer de nouveaux nageurs», a expliqué Grégoire.

Avant le début des Jeux, la fédération américaine a pris soin de rappeler à tous ses entraîneurs de se servir de la vitrine olympique pour maximiser les efforts de recrutement. Pour que dans 4 ans, 8 ans, 12 ans, de nouvelles petites Missy et Katie prennent le relais.

BONNE QUESTION - En un an, Katie Ledecky a abaissé son temps de 20 secondes au 800 m libre, a fait remarquer un collègue en conférence de presse. Comment se sentirait-elle si, à l'instar de ce qui est arrivé à la Chinoise de 16 ans Ye Shiwen, on insinuait qu'elle se dopait? «C'est totalement faux, a répondu l'adolescente. J'ai juste travaillé fort au cours de la dernière année. C'est aussi simple que ça.»

La récolte américaine à la piscine

Or Argent Bronze Total

Londres 2012   14     8           6          28*

Pékin 2008       12     9          10          31

Athènes 2004   12     9           7           28

Sydney 2000    14     8          11          33

Atlanta 1996     13    11          2           26

Barcelone 1992 11    9         7            27

* Avec quatre finales à disputer

Source: sports-reference.com/olympics