Cela faisait 53 ans que le Canadien n'avait pas amorcé une saison en remportant sept de ses huit premiers matchs. Il faut remonter à la saison 1961-1962 (7-0-1) pour retrouver un départ aussi fulgurant.

De quoi s'emballer et festoyer?

Minute, papillon.

« On ne devrait pas voir trop de choses là-dedans », a prévenu Lars Eller, auteur de son premier but de la saison dans la victoire de 3-1, hier, aux dépens des Rangers de New York.

« Ce n'est pas comme si nous étions la meilleure édition du Canadien en 50 ans. »

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On aura beau distinguer ce qui relève de la chance de ce qui relève du talent, disséquer chaque décision de Michel Therrien ou triturer les statistiques dans tous les sens, il y a un trait indéniable dans le vestiaire du Canadien qui ne se voit pas dans les sommaires: l'humilité.

C'est un discours qui part de Marc Bergevin et qui est véhiculé avec plus de force que jamais auparavant dans l'entourage du Tricolore. C'est à des lieues de cette sorte de préséance que réclamait l'organisation à une certaine époque à cause de son histoire et de sa tradition.

« Le défi pour nous sera de garder la pédale au fond et de ne pas nous mettre à penser que nous sommes meilleurs que nous le sommes vraiment », a d'ailleurs ajouté Eller.

Une équipe « compétente »

En l'absence d'un capitaine, de nombreux observateurs ont jugé que Carey Price était de facto le leader de cette équipe. Pourtant, vous n'entendrez pas Price jouer les matamores dans le vestiaire. Il n'est pas exactement le plus enflammé sous les micros.

Mais c'est quand même son discours - son approche - qui reflète le début de saison du Canadien.

« Nous sommes un club de hockey compétent, évalue-t-il. Nous aimons venir au boulot à l'aréna et on se tient les uns les autres. Mais on n'essaie pas de faire quelque chose de particulier. Juste de faire le travail. »

L'an dernier, cette façon d'aborder les choses l'avait très bien servi et c'est comme si toute l'équipe le suivait dans son sillon cette année. Il n'y a pas que le gardien qui estime qu'aborder les matchs un à un est une optique gagnante!

« Il y a un feeling dans ce vestiaire », disait encore Eller, manifestement heureux que le travail de son trio ait enfin été récompensé.

« Nous formons un groupe à la fois humble et affamé. Ce qui est encourageant, c'est que nous nous améliorons de match en match. Les quatre victoires qu'on a récoltées à domicile étaient nos quatre meilleurs matchs jusqu'ici, et il y a encore place à l'amélioration. »

« L'autre truc, c'est qu'en ce moment, nous ne sommes pas éprouvés par les blessures. Ça joue toujours un rôle. On ne sera pas aussi chanceux pendant 80 matchs, mais en ce moment, nous n'avons pas ce problème-là. Et c'est l'une des raisons pour lesquelles nous avons du succès. »

Avoir les yeux rivés sur la tâche

Le Canadien vient de gagner ses quatre premiers matchs au Centre Bell cette saison, des matchs coincés entre deux voyages assez costauds. Le gain de samedi était le premier cette année où le CH manoeuvrait avec une avance de deux buts.

Ça illustre à quel point la ligue joue serré, et à quel point aussi certains éléments du jeu du Tricolore ne pouvaient être tenus pour acquis.

Par exemple, c'était seulement la deuxième fois de la saison qu'il inscrivait le premier but du match. Mais puisque les Rangers ont répliqué avant la fin du premier engagement, le CH n'a toujours pas terminé une première période cette saison avec une avance.

De plus, le Tricolore n'a pu soutirer qu'un seul avantage numérique aux Rangers. Depuis le début de la saison, seul le Wild du Minnesota (20) a eu moins de supériorités numériques que le Canadien (22). Or il a disputé deux matchs de moins.

Ce sont de petites choses dans le portrait d'ensemble. Mais c'est les détails de ce genre qui ne laissent pas croire à un succès durable et font dire à certains que « ça ne peut pas durer ». Voilà précisément ce qui motive le CH à s'atteler à la tâche et à éviter d'imaginer un trophée en octobre.

Des amateurs gâtés

Les amateurs du Centre Bell qui se sont tus en début de soirée pour le caporal Nathan Cirillo et qui ont ensuite crié pour le «capitaine Price» en fin de match ont été gâtés. Ils ont vu Tomás Plekanec et Max Pacioretty lancer le CH en avant lors d'une improbable échappée à deux contre zéro en infériorité numérique.

« Ça ne m'était jamais arrivé, c'est un jeu qu'on voit tellement rarement », confiait Plekanec, auteur d'un cinquième but déjà.

Ils ont vu en deuxième période leurs favoris neutraliser complètement l'équipe qui les avait éliminés en finale d'Association le printemps dernier.

En troisième, ils ont vu un Carey Price au sommet de sa forme qui affiche un taux d'efficacité de ,966 à ses trois dernières sorties.

Et dans l'ensemble, ils ont vu une formation qui déploie trois trios offensifs susceptibles d'embêter l'adversaire.

Cette équipe-là n'a rien gagné, mais Pierre-Alexandre Parenteau, fraîchement débarqué dans son nouvel environnement, cache mal son excitation.

« C'est super spécial en ce moment, dit-il. On est une bonne équipe, tous nos trios sont très dangereux, les défenseurs jouent super bien, et Carey, c'est Carey. Si on continue de jouer comme ça, on va être dangereux toute la saison. »