Peu d'espoirs québécois ont frappé l'imaginaire des dépisteurs en vue du repêchage de la LNH qui aura lieu vendredi et samedi à Los Angeles. Est-ce à cause de la façon dont ils sont formés? Suite de notre dossier sur la formation des joueurs au Québec.

Pascal Vincent, directeur général et entraîneur du Junior de Montréal dans la LHJMQ, est l'un des coachs les mieux cotés au Québec.

Mais il a un pincement au coeur lorsqu'il est question des entraîneurs qui veillent à la formation des jeunes hockeyeurs québécois.

«Quand des joueurs quittent le junior et qu'ils arrivent dans la LNH, leurs entraîneurs se plaignent qu'ils n'ont jamais été coachés, raconte Vincent.

«Nous-mêmes, lorsque nos joueurs arrivent du Midget, on dit qu'ils n'ont jamais été coachés!»

Et pourquoi disent-ils cela?

Parce qu'il y a environ 22 000 entraîneurs qui s'impliquent dans le hockey mineur québécois. Et que de l'avis de plusieurs intervenants, leurs qualifications sont insuffisantes.

«Je sais que Hockey Québec tente d'améliorer les choses avec ses structures intégrées, mais je doute que ce soit suffisant», juge l'ancien attaquant du Canadien Stéphan Lebeau, qui s'implique dans le coaching du hockey mineur depuis quelques années.

«Ça prend des intervenants à temps plein.»

Le hockey mineur au Québec est une bête imposante. On parle non seulement de 22 000 entraîneurs, mais de tout près de 7000 équipes et d'environ 100 000 joueurs.

«C'est une grosse business, mais ce n'est pas une bête difficile à gérer», soutient Sylvain Lalonde, DG de Hockey Québec, qui se dit habitué à encaisser les critiques.

«Ce n'est pas vrai, comme le disent certains, qu'on est loin de notre base. Et les gens qui disent que la Fédération est pleine de fonctionnaires ne nous connaissent pas, ou alors ne veulent pas savoir ce qu'on fait.»

La Fédération essaie de faire avec ce qu'elle a. Mais ses limites budgétaires sont loin de garantir la pérennité d'une formation compétitive des jeunes joueurs.

L'expertise se paie

Bénévoles à la grandeur du Québec, les nombreux entraîneurs ont peu d'occasions de perfectionner leurs techniques.

Certes, le Québec compte sur quelques anciens hockeyeurs professionnels qui donnent généreusement de leur temps. On pense à Donald Audette, Éric Desjardins ou encore Donald Dufresne.

Mais au bout du compte, l'expertise se paie.

«À Toronto, les entraîneurs de la GTHL sont payés à temps partiel», observe un agent qui compte plusieurs Québécois parmi ses clients.

«Je ne dis pas que le Québec a les moyens de faire cela. Mais pour faire du hockey de haut niveau, on a besoin de compétence. Les meilleurs parmi la crème des entraîneurs au Québec devraient pouvoir enseigner à d'autres entraîneurs - des gens qui ont déjà de bonnes bases de hockey et de bonnes expériences.»

Les régions devraient-elles songer à engager un genre de «super entraîneur» à temps plein qui verrait à structurer les entraîneurs de sa région?

«Le programme en Suède a été complètement revu de cette façon», souligne Marc Chamard, recruteur pour le Wild du Minnesota.

«Il y a une personne en charge par région qui supervise le développement de la performance. La Suède a ainsi amélioré son bassin de joueurs même s'il n'est pas plus grand qu'avant.»

C'est exactement la vision de Hockey Québec, assure Sylvain Lalonde, qui soutient que son organisme a pris des décisions en ce sens.

«Nous sommes dans un changement de culture très important, explique-t-il. Autrefois, les gens étaient tous bénévoles à travers notre structure et ils ont quand même réussi à former des joueurs de la LNH.

«Aujourd'hui, c'est une formule hybride.»

Dans les prochains mois, de l'argent sera injecté dans le volet initiation de Hockey Québec afin d'attirer des maîtres-entraîneurs aux compétences spécifiques qui pourront aider les plus jeunes.

De plus, les directeurs hockey de chacune des régions sont maintenant rémunérés. On parle d'enveloppes budgétaires d'environ 20 000 $ par région.

«Ce n'est pas suffisant pour intéresser les personnes les plus qualifiées», croit cependant Stephan Lebeau, qui a quitté les Cantonniers de Magog, dans le Midget AAA, pour participer à l'école secondaire Bishop à la mise sur pied d'un programme scolaire parallèle.

La victoire avant tout

La recherche de véritables pédagogues permettrait peut-être de replacer la priorité sur la formation des joueurs. Car, de l'avis de plusieurs, il y a eu dans le hockey mineur une dérive vers la victoire à court terme.

Des entraîneurs ont recours à des stratégies plus paresseuses, comme les sorties de zone par la bande, qui donnent un rendement immédiat au lieu d'améliorer les habiletés.

«Peut-être que des jeunes de Bantam AA vont gagner tel ou tel tournoi deux ou trois ans d'affilée, peut-être vont-ils apprendre à gagner, mais au bout du compte, je me demande si les petits gars seront devenus de meilleurs joueurs de hockey», s'interroge Pascal Vincent.