En finale du dernier Championnat du monde junior, Thomas Chabot avait fait tourner les têtes en jouant plus de 43 des 80 minutes qu'a duré le match, avant la séance de tirs de barrage.

Comme Dominique Ducharme aux Fêtes, l'entraîneur-chef des Sea Dogs de Saint John, Danny Flynn, a lui aussi compris qu'il avait un cheval de course entre les mains. Hier, dans le troisième match de la finale entre l'Armada de Blainville-Boisbriand et les Sea Dogs, Chabot était de toutes les situations.

On revenait d'une pause publicitaire ? Il était dépêché sur la patinoire. Un avantage numérique ? Le numéro 5 y passait essentiellement chacune des 120 secondes. Et il le faisait avec l'aisance d'un surdoué, dosant ses efforts, appuyant l'attaque seulement quand la situation le commandait. Au bout du compte, Chabot a joué 36 min 41 s hier, d'après les calculs du collègue de RDS Stéphane Leroux.

Plus on le regarde jouer, plus on a l'impression que les Sénateurs d'Ottawa ont un sapré beau projet entre les mains avec ce joueur réclamé au 18e rang au repêchage de 2015. Et ils l'ont déniché au Québec, où les défenseurs de ce type ne foisonnent pas.

Maigre bilan

Quand on demande à Chabot qui sont les défenseurs qui l'ont inspiré, il nomme bien sûr Erik Karlsson, qu'il a côtoyé au camp des Sénateurs, et Al MacInnis. Chabot est trop jeune pour avoir vu jouer ce dernier, mais « dans les jeux vidéo, il avait un bon tir frappé ! », blague-t-il.

Son coéquipier chez les Sea Dogs Simon Bourque nomme quant à lui Andrei Markov, « un style inspirant », et Duncan Keith, « un coup de patin de feu ».

L'anecdote est peut-être anodine, mais pas sans intérêt pour autant : aucun Québécois n'a été nommé. Un jeune gardien pourrait facilement évoquer Martin Brodeur ou Marc-André Fleury, et un jeune attaquant pourrait parler de Martin St-Louis ou de Patrice Bergeron. Bourque nomme bien Francis Bouillon, mais c'est pour « sa détermination ».

Ce constat nous ramène à une réalité bien crue : le Québec est incapable de produire des défenseurs offensifs. Kristopher Letang en est l'unique exemple dans la dernière génération. Depuis le lock-out de 2005, Philippe Boucher est le seul autre défenseur québécois à avoir réussi plus d'une saison de 40 points.

Marc-Édouard Vlasic et François Beauchemin ont connu énormément de succès, mais on ne peut pas parler d'eux comme des arrières très offensifs.

Les choses pourraient changer au cours des prochaines années. Les Predators de Nashville fondent beaucoup d'espoirs sur leur choix de deuxième tour en 2016, Samuel Girard, un défenseur petit format, mais ô combien talentueux.

Et il y a Chabot, dont les statistiques parlent d'elles-mêmes : 21 points en 17 matchs depuis le début des séries éliminatoires, 45 en 34 matchs en saison. Au Mondial junior, il a terminé au premier rang chez les défenseurs avec 10 points en 7 matchs.

Ses succès lui ont valu les titres de défenseur de l'année dans la LHJMQ et de joueur le plus utile à son équipe au Championnat du monde junior.

Pas appréciés ?

Chabot aimerait évidemment marcher dans les traces de Letang. S'il n'a pas vraiment de réponse pour expliquer pourquoi les défenseurs offensifs sont une denrée rare par ici, son expérience personnelle apporte un éclairage intéressant.

« Plus jeune, quand j'étais défenseur, je me retrouvais souvent à l'avant pour marquer des buts. Mais j'avais toujours tendance à revenir me positionner comme défenseur, racontait-il hier, après l'entraînement matinal. C'est pour ça que mon père a décidé de me laisser là. Mais tout le monde me demandait pourquoi je ne jouais pas attaquant ! »

Bourque, lui, a tenté une explication.

« Les défenseurs offensifs ne sont peut-être pas aussi appréciés qu'ils devraient l'être par les entraîneurs, explique le Longueuillois. Quand tu es jeune, tu te fais toujours dire qu'un défenseur, ça met l'accent sur la défense, ça joue défensif. Ça amène peut-être des gars qui ont plus de talent à se refermer et à se concentrer sur la défense. »

« Des gars comme Thomas, premièrement, c'est spectaculaire. Les gens aiment ça, nous, dans l'équipe, on aime ça. Et avec son coup de patin, s'il fait une erreur, il est capable de se replier. »

Chabot l'a bien montré hier. En milieu de première période, il y est allé d'une montée d'un bout à l'autre de la patinoire. Une fois derrière le filet adverse, il a tenté une passe vers l'enclave, mais le coéquipier visé a été incapable d'en profiter, ce qui a permis à l'Armada de relancer l'attaque. Cinq secondes plus tard, Chabot était dans son territoire acceptant la passe de son coéquipier qui venait de briser la montée de l'Armada.

Ses statistiques laissent aussi croire qu'il répare ses erreurs. Avant le match d'hier, Chabot affichait un colossal différentiel de + 27 depuis le début des séries. En fait, il faut remonter au 13 janvier pour le dernier match qu'il a terminé avec un rendement négatif. Une séquence de 37 matchs.

« Honnêtement, à ce temps-ci de l'année, les statistiques et le différentiel, ça ne change pas grand-chose, affirme Chabot. Notre but est de gagner le championnat, et je vais tout faire pour aider notre équipe à gagner. »

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

Simon Bourque