Jacques Villeneuve n'abandonne pas son rêve de courir en NASCAR, mais il a finalement compris qu'il ne servait à rien de mettre la charrue devant les boeufs, c'est-à-dire de courir sans commanditaires.

Six jours après son abandon dans le duel qualificatif du Daytona 500, Villeneuve était souriant et détendu, hier matin, lorsqu'il a rencontré les journalistes au Newtown, son restaurant de la rue Crescent.

Il était flanqué de Barry Green, propriétaire de l'écurie pour laquelle il a remporté les 500 Milles d'Indianapolis et le championnat de la série CART, en 1995. Le mandat de Green, que Villeneuve a sorti d'une retraite dorée en Australie, est de trouver des commanditaires prêts à avancer les 15 à 25 millions que coûte une saison en NASCAR. Une entreprise dans laquelle l'ancien manager du pilote, Craig Pollock, a lamentablement échoué.

«Il faut préparer un bon programme pour l'année prochaine. Là, c'était chaotique. On n'était pas organisés et pas prêts pour tout mettre en place», a reconnu Villeneuve, sans volant depuis que Bill Davis Racing, à bout de patience devant son incapacité à dénicher des commanditaires, l'a remplacé par Mike Skinner et Johnny Benson pour les prochaines courses de la Coupe Sprint.

Quand Pollock et lui ont rompu, le mois dernier, Villeneuve a été forcé de prendre ses affaires en main, une tâche pour laquelle il n'était pas préparé. «C'est comme commencer l'école en dernière année, après avoir sauté les autres classes. On patauge, on est un peu paumé, a-t-il dit. J'ai pris au cours du dernier mois des décisions qui n'étaient pas toujours les meilleures, parce qu'il fallait que ça bouge vite. Barry Green va me permettre de me concentrer sur le pilotage, de me calmer un peu et d'apprendre plus lentement.»

De fait, et même si ça peut paraître paradoxal pour un pilote de course, Villeneuve doit lever le pied. Six mois de course effrénée - sur la piste et dans la recherche infructueuse de commanditaires - l'ont mené tout droit dans le mur à Daytona. Il doit repartir à zéro et prendre le temps nécessaire pour bâtir un programme solide, ce que Green, un homme crédible, devrait lui permettre de faire.

Villeneuve a refusé de critiquer directement Pollock, qui gérait sa carrière depuis 1990. «On a eu des hauts et des bas, comme dans tout mariage. Mais on a eu de très belles années, surtout en Champ Car et à mes débuts en Formule 1, qui me permettent d'ailleurs aujourd'hui de pouvoir piloter en NASCAR.»

Il suffit toutefois de l'écouter décrire ce qu'il espère bâtir avec Green - «quelque chose de bien, stable, long terme, solide et professionnel» - pour comprendre, a contrario, tout ce qui manquait dans les efforts récents de Pollock.

Après avoir reçu un appel de Villeneuve il y a quelques semaines, Green est allé l'observer pendant les essais de Las Vegas. «Il fallait que je le voie dans la voiture, que je voie s'il avait ça dans les yeux, a dit Green. Après une demi-journée, j'étais convaincu qu'il était très sérieux à propos du NASCAR.»

Green assure que l'échec de Villeneuve à Daytona ne doit pas être perçu comme «le début de la fin» de son association avec le NASCAR. Les discussions se poursuivent avec Bill Davis Racing, mais l'Australien n'a pas caché que Villeneuve pourrait devoir se trouver un nouveau point de chute si l'équipe déniche un nouveau pilote à plein temps.

La course de la série Nationwide (ex-Busch) de Montréal, au début du mois d'août, serait le moment tout désigné pour relancer la carrière de Villeneuve, qui pilotera entre-temps une Peugeot aux 24 Heures du Mans, à la mi-juin. «Un retour peut se produire n'importe quand, mais la course de Montréal serait un bon point de départ, a reconnu Villeneuve. Tant mieux si c'est plus tôt, mais je ne veux pas me précipiter et me rendre compte après coup qu'on a agi stupidement.»

Signe qu'il est vraiment déterminé à se faire une place en NASCAR, où il souhaite s'établir pendant «cinq à 10 ans», il n'écarte pas la possibilité de finir la saison en Nationwide ou même dans la série des camionnettes Craftsman. «Quand je me couche le soir et que je pense à ça, dit Villeneuve, la question ne se pose même pas: il y a juste le NASCAR.»

En espérant que cette fois, Villeneuve et son entourage n'essaient pas de brûler les étapes. Les portes du NASCAR restent ouvertes, mais Villeneuve n'a plus le droit à l'erreur.

Et les circuits routiers ?La course de Montréal mise à part, Jacques Villeneuve n'est pas très chaud à l'idée de profiter de son expérience des circuits routiers (deux en Sprint et quatre en Nationwide) pour réintégrer le NASCAR en douceur. « Les circuits routiers, c'est ce qui me fait le plus peur en NASCAR, dit Villeneuve. Ce serait le plus difficile. Les circuits ressembleraient à ce que je connaissais en monoplace, mais il y aurait une grande différence dans le pilotage. « Un autre pilote issu de la F1, Juan Pablo Montoya, a pourtant connu beaucoup de succès sur ce type de circuit, terminant premier à Mexico (en Busch) et à Sonoma (en Nextel).