La voiture de Kubica qui touche la roue arrière de la Toyota de Jarno Trulli avant de partir en vol plané et de heurter de plein fouet le muret de béton contre lequel est rangée la Toro Rosso de Scott Speed. Les débris qui volent dans toutes les directions, pendant que la voiture traverse la piste en faisant un tonneau, avant d'arrêter sa course, couchée sur le côté, contre les glissières de sécurité de l'épingle.

La voiture de Kubica qui touche la roue arrière de la Toyota de Jarno Trulli avant de partir en vol plané et de heurter de plein fouet le muret de béton contre lequel est rangée la Toro Rosso de Scott Speed. Les débris qui volent dans toutes les directions, pendant que la voiture traverse la piste en faisant un tonneau, avant d'arrêter sa course, couchée sur le côté, contre les glissières de sécurité de l'épingle.

Et Kubica qui gît, inerte dans son cockpit, ses pieds émergeant du museau éventré de sa monoplace.

On regarde, tétanisé. Et on se dit que personne ne peut sortir indemne d'un tel crash. L'estomac se noue, on fouille dans sa mémoire pour y repêcher le souvenir embrouillé d'un autre pilote, Ricardo Paletti, mort sur cette même piste il y aura 25 ans mercredi. Et on espère, sans trop y croire, que le pire pourra cette fois être évité.

Il faut croire que Kubica mène une bonne vie. Qu'il se soit tiré d'une telle collision avec un léger traumatisme crânien et une simple entorse à la cheville tient du miracle.

Enfin, pas tout à fait. Car plus qu'à une intervention divine ou à un karma favorable, Kubica doit surtout sa survie aux efforts que la Fédération internationale de l'automobile, en collaboration avec les écuries de F1, a déployés depuis une vingtaine d'années afin d'assurer une meilleure protection des pilotes.

«Il y a dix ans, Robert n'aurait pas survécu à un tel accident», a reconnu après la course le patron de BMW-Sauber, Mario Theissen, qui n'a pas voulu dire si le pilote essayeur Sebastian Vettel remplacerait Kubica à Indianapolis le week-end prochain.

Avant l'avènement des coques en fibre de carbone, vers la fin des années 80, le châssis des F1 était fait d'aluminium riveté et n'offrait qu'une protection limitée - lire inexistante - aux pilotes. Gilles Villeneuve, paix à son âme, en sait quelque chose : lors de son accident fatal, il avait été éjecté de sa Ferrari, réduite à un amas de ferraille sur la piste de Zolder.

Aujourd'hui, la cellule de survie dans laquelle sont installés les pilotes (une cellule qui inclut le réservoir de la voiture) doit être en mesure de résister aux chocs considérables résultant d'accidents à haute vitesse. Les normes ont d'ailleurs été resserrées plusieurs fois, y compris cette année.

Une structure anti-tonneau protège le pilote quand la voiture part en culbute. Et le dispositif HANS (pour Head and Neck Support) permet d'éviter que le pilote ne subisse un traumatisme dit du «coup du lapin» (whiplash injury).

Ce dispositif a d'ailleurs vraisemblablement sauvé la vie de Kubica. «Dans mon temps, si j'avais eu un tel accident, je me serais tué deux fois», a confié à La Presse le triple champion du monde Niki Lauda, qui avait failli brûler vif lors d'un accident au Nurburgring, en 1976. «Une première fois en frappant le mur à 90 degrés, à pleine vitesse. Et une deuxième fois en me brisant le cou.»

Développé aux États-Unis dans les années 80 et d'abord utilisé en Champ Car, le dispositif HANS est obligatoire en F1 depuis la saison 2003. Il consiste en un «collet» en fibre de carbone relié par des courroies au casque du pilote. Le système permet de réduire considérablement la force avec laquelle la tête bascule vers l'avant lors d'une décélération rapide causée par une collision.

«La F1 est devenue formidablement sûre, parce que c'est le pire accident que j'aie vu depuis celui d'Ayrton Senna à Imola, en 1994, a ajouté Lauda. Et l'accident de Senna n'était pas aussi spectaculaire: la seule raison pour laquelle il s'est tué est ce stupide wishbone (bras de suspension) qui a heurté son casque.»

La meilleure preuve de l'amélioration de la sécurité en F1 demeure la réduction massive de la mortalité au fil du temps. Sept pilotes ont perdu la vie dans les années 60 et huit au cours des 10 années suivantes. Mais à part Villeneuve et Paletti en 1982, aucun autre coureur ne s'est tué dans les années 80, tandis que Senna et l'Autrichien Roland Ratzenberger, morts à une journée d'intervalle à Saint-Marin, ont été les seules victimes des années 90. Depuis, le grand cirque ne déplore aucun accident mortel.

N'empêche, l'accident de Kubica pourrait forcer la FIA et les organisateurs du Grand Prix de Montréal à revoir la configuration des abords du circuit. Comme l'a souligné avec justesse Jarno Trulli, il faudra sans doute orienter différemment la barrière sur laquelle la voiture de Kubica s'est écrasée lors de l'impact initial.

Nul doute que la F1 continuera de faire de la sécurité des pilotes une priorité. «Nous avons été extrêmement chanceux au cours des dernières années de ne pas connaître d'accident vraiment grave, a souligné le coéquipier de Kubica, Nick Heidfeld, après la course. Mais il ne faut pas oublier que lors d'une course de monoplaces, quand on file à 300 km/h, tout peut arriver.»

En Formule 1, le risque zéro, malheureusement, n'existe pas.