Le grand argentier de la Formule 1 Bernie Ecclestone a reconnu mercredi avoir versé d'importantes sommes d'argent à un ancien banquier allemand lors du procès de ce dernier à Munich, tout en niant avoir cherché à le corrompre.

Gerhard Gribkowsky, 53 ans, est accusé d'avoir touché près de 44 millions de dollars de pots-de-vin de la part d'Ecclestone en 2006 et 2007, alors qu'il travaillait à la Bayern LB.

Ce versement aurait été une contrepartie à la vente des droits de la F1 par la banque bavaroise, qui en était alors propriétaire, au fonds d'investissement CVC pour 839 millions de dollars. Cette vente garantissait le maintien du Britannique à la tête de la discipline reine du sport automobile.

«Avez-vous versé d'importantes sommes d'argent à l'accusé via des sociétés en Autriche?» lui a demandé le juge Peter Noll. «Oui», a répondu M. Ecclestone, 81 ans, en costume bleu marine, accompagné par deux traductrices et Sven Thomas, un avocat renommé en Allemagne.

«Je n'avais vraiment pas beaucoup de choix», a-t-il ajouté. «J'avais une autre possibilité, mais ce n'était vraiment pas la bonne».

S'il ne payait pas le banquier allemand Gerhard Gribkowsky, ce dernier aurait pu donner des «informations» au fisc britannique sur sa fortune, ce qui l'aurait conduit à un procès de «plus de 2 milliards de livres» (3,3 milliards), a-t-il avancé.

«Il n'y a jamais eu de menace du genre: 'Soit tu paies, soit je vais voir le fisc'», a toutefois précisé M. Ecclestone. «Mais j'avais toujours cette arrière-pensée en tête».

Selon lui, il redoutait de devoir passer «une grande partie» du reste de sa vie devant un tribunal pour prouver qu'il n'était pas le fondateur de Bambino Trust, un fonds créé au Liechtenstein au nom de sa femme Slavica - dont il a divorcé depuis - pour éviter d'être taxé au Royaume-Uni.

Le richissime Britannique a toujours déclaré qu'il ne tirait pas les ficelles du trust et la justice lui a donné raison en 2004. Mais il pourrait redevenir imposable si les autorités britanniques venaient à changer d'avis.

En tant que directeur des risques de BayernLB, M. Gribkowsky avait été chargé en 2002 de la vente des droits de la F1 tombés dans l'escarcelle de la banque après la faillite du groupe de médias de Leo Kirch, dont elle était créancière.

D'autres arrangements financiers entre mm. Gribkowsky et Ecclestone ont causé à BayernLB un dommage de 66,5 millions de dollars, selon le parquet de Munich.

«Comment êtes-vous arrivés à vous entendre sur un paiement, si M. Gribkowsky ne vous a jamais concrètement réclamé quelque chose?» a encore voulu savoir le juge. «Il voulait un peu d'argent pour commencer son affaire. J'ai pensé que cela le tiendrait tranquille», a répondu évasivement M. Ecclestone.

M. Gribkowsky, dont le procès s'est ouvert le 24 octobre, envisageait d'entamer une nouvelle carrière de consultant privé en affaires et avait même songé un temps à détrôner M. Ecclestone à la tête de la Formule 1, selon le parquet de Munich.

A l'arrivée de M. Ecclestone dans la salle en début d'après-midi, M. Gribkowsky l'a salué en souriant. M. Ecclestone s'est contenté d'un bref salut de la tête.

Le Britannique a accepté de venir témoigner au procès en échange de la garantie qu'il ressortirait libre à l'issue de son audience, qui doit se poursuivre jeudi. Il fait l'objet d'une enquête séparée pour complicité d'abus de confiance.

Pour ses avocats, M. Gribkowsky a reçu une importante somme d'argent pour ses services, mais elle était appropriée dans le petit monde fortuné de la F1.