Bernie Ecclestone a décidé de retirer à Montréal son Grand Prix parce qu'il estimait que Normand Legault et le Grand Prix du Canada lui devaient, à lui et aux propriétaires du championnat de Formule 1, une dizaine de millions de dollars. C'est cette dette qui aurait rendu caduc le contrat liant GPF1, la compagnie de Normand Legault, et la compagnie dirigée par le grand manitou de la Formule 1.

C'est l'information que Bernie Ecclestone a lui-même transmise à quelques intervenants au cours des derniers jours.

Ce qui n'empêche pas les hommes politiques de se liguer pour sauver un Grand Prix qui rapporte des retombées économiques directes de plus de 75 millions à la métropole et aux différents ordres de gouvernement.

 

Aujourd'hui, le ministre fédéral responsable de la région de Montréal, Michael Fortier, le ministre québécois de l'Industrie et du commerce, Raymond Bachand, et le maire de Montréal Gérald Tremblay vont se réunir avant de tenir un point de presse à 15 heures.

Par ailleurs, le premier ministre du Canada, Stephen Harper, a demandé hier avant-midi à Michael Fortier de joindre Bernie Ecclestone pour s'enquérir de ce qui pouvait être fait pour sauver le Grand Prix. M. Fortier a confirmé qu'il avait parlé une vingtaine de minutes avec M. Ecclestone, hier.

M. Fortier n'a pas voulu confirmer l'information obtenue par La Presse à propos de cette dette d'une dizaine de millions mais il a indiqué qu'Ecclestone ne voulait pas seulement régler un problème se rapportant aux deux dernières années : « Quand bien même on réglerait ce problème, il faudrait avoir la garantie que nous allons avoir un plan d'affaires qui va assurer aux propriétaires de la F1 qu'ils toucheront les sommes dues «, a dit Ecclestone au ministre Fortier.

En fait, même si Fortier n'a pas voulu dévoiler les sommes impliquées, il est établi que des partenaires devraient éponger les déficits des deux dernières années et garantir à M. Ecclestone que le Grand Prix de Montréal verserait les sommes prévues au contrat jusqu'en 2011. Dans les faits, on parle d'une somme de 10 à 15 millions pour les deux dernières années et une possibilité de six ou sept millions par saison pour les trois années suivantes.

Compte tenu des retombées du Grand Prix, il s'agit encore d'une très bonne affaire pour les gouvernements qui rentabiliseraient facilement leur investissement tout en sauvant un évènement majeur.

En fin d'après-midi, M. Fortier a rappelé le premier ministre Harper pour lui rapporter le contenu de sa conversation avec M. Ecclestone. «J'ai dit à M. Ecclestone que nous étions tous impliqués dans une campagne électorale et que personne n'avait de temps à perdre. Je lui ai demandé, advenant que les gouvernements du Canada, du Québec et de Montréal forment une sorte de partenariat pour appuyer M. Legault, s'il était encore possible de sauver le Grand Prix. Il a dit que ce serait très difficile mais il n'a certainement pas dit non», a précisé le ministre.

Ce « très difficile « est lié à deux obstacles. Bernie Ecclestone est tenu par les accords de la Concorde à se limiter à la présentation de 18 courses par année. Le retour de Montréal le forcerait à convaincre les équipes et autres partenaires à faire une exception pour Montréal. Quelques millions de plus devraient sans doute servir d'argument.

Mais le « très difficile « d'Ecclestone est surtout lié à Normand Legault. M. Legault était le dernier promoteur indépendant du grand cirque de la F1. Hier, il a fait déclarer par son porte-parole Paul Wilson qu'il refusait de demander de l'aide aux gouvernements et qu'il se retirait du Grand Prix du Canada. La tâche des politiciens devient encore plus lourde. Ils doivent convaincre les électeurs, Bernie Ecclestone, les constructeurs... et Normand Legault de reprendre le collier pour quelque temps.

Il serait très douteux que M. Legault accepte d'oeuvrer avec des partenaires qui auraient accès à toutes ses stratégies et à ses livres comptables. Ce n'est pas son style de négociation ni d'opération. Par ailleurs, M. Legault a fait savoir hier qu'il accepterait d'agir comme consultant pour aider quelqu'un à prendre la relève.

M. Legault est en Europe pour un mois. Hier, M. Wilson a dit que c'était un voyage personnel mais que M. Legault n'était pas en vacances.

Par ailleurs, La Presse a également appris que non seulement Bernie Ecclestone a-t-il imposé lui-même l'option de cinq ans qu'il détenait à Normand Legault en 2007 mais qu'il l'a fait en doublant pratiquement le plateau (les redevances) en se basant sur les 35 millions exigés de Tony George, promoteur du Grand Prix des Etats-Unis à Indianapolis.

Le calcul devient facile. Les millions de profits générés par le Grand Prix du Canada selon les termes du contrat d'avant 2007 se transformaient automatiquement en autant de déficits au cours des deux dernières saisons. Ce sont ces déficits ainsi que le prix du plateau que Normand Legault a tenté de renégocier au cours des derniers mois. Lundi, il croyait être arrivé à une entente. Mardi, Bernie Ecclestone et la FIA retiraient le Grand Prix du Canada du calendrier officiel de la saison 2009.

On devrait en savoir encore plus aujourd'hui.