Empêtré dans une affaire de scandale sexuel, le président de la FIA pourrait devoir quitter son poste dès demain. Mais il n'est pas certain que le sport en sorte grandi.

Tout commence le vendredi 28 mars, lorsque Max Mosley a rendez-vous avec cinq prostituées pour une séance sadomasochiste qui serait restée dans le domaine privé si le tabloïd britannique News of the World n'en avait publié des photos en insistant sur sa connotation nazie.

De telles révélations au sujet du très respectable président de la FIA (la Fédération Internationale de l'Automobile, qui regroupe les clubs automobiles du monde entier) ont produit l'effet d'une bombe. Dans la semaine qui a suivi, de nombreux constructeurs (dont Mercedes et BMW, outrés par la connotation nazie de l'affaire, mais aussi les géants japonais Honda et Toyota) et plusieurs clubs automobiles ont appelé à sa démission - dont le puissant ADAC allemand, l'AAA américain ou encore l'automobile-club israélien.

Demain, lors de l'Assemblée générale de la FIA, les déléguées des clubs automobiles réunis à Paris devront décider s'ils réitèrent ou non leur confiance en Mosley. Le portrait semble plutôt pessimiste. Même son bon ami, Bernie Ecclestone, lui a conseillé de démissionner avant qu'on l'oblige à quitter.

Mais Mosley s'accroche. Il préside aux destinées de la FIA depuis 1993. En 15 ans, il eut le temps de se faire de nombreux ennemis. Ses changements d'avis constants sont assez mal vus, et il s'est notamment mis à dos de nombreux grands constructeurs à force de critiquer leur gestion.

Jusqu'ici, il n'en avait cure et parvenait à écarter tous ses adversaires. Du triple champion du monde Jackie Stewart, très critique à son égard, Max Mosley dit qu'il est un «crétin certifié». De Ron Dennis, qui a mené une fronde visant à attirer les grands constructeurs hors de la F1, il a fait le patron d'une écurie condamnée à 100 millions de dollars pour mensonge et espionnage, et qui occupe désormais la dernière place dans le paddock, juste à côté des toilettes.

À ce jour, ses ennemis se sont tous cassé les dents sur Max Mosley. Mais la donne a changé. À l'avenir, plus aucun politicien ne voudra être aperçu en sa compagnie, et plus aucun directeur d'écurie ne le rencontrera sans l'imaginer dans son donjon londonien. Si les délégués lui montrent la porte demain, la FIA devra lui trouver un remplaçant.

Certains se sentent déjà pousser des ailes: Hermann Tomcyk, le candidat du puissant automobile-club d'Allemagne, Jean Todt, l'ex-directeur sportif de Ferrari, qui, il y a quelques semaines encore, ne niait pas son intérêt pour un rôle à la FIA, Marco Piccinini, ancien directeur sportif de Ferrari et président délégué de la FIA depuis 1998, ou encore Ari Vatanen, ancien champion du monde des rallyes, aujourd'hui député finlandais conservateur au parlement de Bruxelles et concerné par les aspects routiers. Quatre candidats sérieux.

Le rôle de président de la FIA est fondamental à la survie du sport automobile. C'est lui qui dicte les lignes politiques à suivre, qui doit assurer l'avenir de la discipline, et qui doit fixer les objectifs à atteindre.

Max Mosley excellait dans ce rôle de planificateur visionnaire. Il fut parmi les premiers à réaliser que le 21e siècle s'annonce comme celui des pénuries des ressources naturelles, celui où on ne va peut-être plus s'amuser en admirant des voitures rapides se battre les unes contre les autres, mais celui du règne de la responsabilité - tant au niveau de la sécurité que de l'environnement.

En 2008, comment continuer de faire courir des F1 qui brûlent 75 litres au cent kilomètres lorsque le baril atteint plus de 130 dollars ? Pourquoi poursuivre une activité qui ne fait qu'accroître le réchauffement climatique ? Certains politiciens songent déjà que ce genre d'activités « inutiles » devrait être interdit le plus tôt possible.

Prévoyant depuis longtemps ce genre de réactions, Max Mosley a lancé la F1 dans la voie «verte»: dès l'an prochain, les monoplaces seront équipées de systèmes de récupération de l'énergie de freinage. En 2011, les moteurs seront d'une nature complètement nouvelle, qui reste à définir, axée sur l'économie de carburant. Sans compter que, depuis 1997, Max Mosley a rendu le championnat de F1 «carbone neutre», en plantant des arbres au Mexique.

Des décisions qui semblent toutes avisées et seules en mesure de sauver le sport automobile de l'interdiction politique qui le menace.

Alors, qui pourra sauver la Formule 1 ? Aucun des quatre candidats pressentis n'a le charisme, l'expérience, la vision et surtout l'intelligence de Max Mosley. Tôt ou tard, il va pourtant falloir lui trouver un remplaçant. Sans candidat à la hauteur, le sport automobile risque d'écrire bientôt le dernier chapitre d'une histoire qui a débuté à l'orée du siècle dernier.