L'ancienne vedette du cyclisme Lance Armstrong a beaucoup à perdre s'il se résout à passer aux aveux pour confesser des années de dopage lors son entretien très attendu avec la célèbre Oprah Winfrey.

«Si j'étais son avocat, je lui dirais de ne pas le faire», déclare à l'AFP Peter Keane, professeur de droit à la Golden Gate University. «Je crois qu'il est fou» de donner cette interview, «il risque des poursuites pénales qui pourraient le conduire en prison».

Le coureur cycliste déchu avouera-t-il s'être dopé après ses années de dénégations ? Pour les experts en droit du sport interrogés par l'AFP, il y a peu de doute.

Le site du quotidien américain USA Today, citant une source anonyme, assurait vendredi qu'Armstrong allait avouer avoir triché durant sa carrière, mais sans forcément entrer dans les détails.

«Il faut s'attendre à une annonce majeure», estime Jordan Kobritz, directeur du département sports à SUNY Cortland.

S'il passe aux aveux lors de cet entretien enregistré lundi et diffusé sur la chaîne OWN jeudi soir, le Texan, muet depuis que la justice sportive l'a dépouillé de ses sept Tours de France, risque gros.

«Le pire qui puisse lui arriver est qu'il soit reconnu coupable de parjure», explique le professeur de droit Michael McCann.

«En disant qu'il s'est dopé, cela apparaîtrait contradictoire avec ses précédents témoignages et le gouvernement pourrait le poursuivre pour parjure, une accusation très grave», ajoute le futur directeur de l'institut du sport à l'université du New Hampshire.

Il encourt cinq ans de prison maximum pour chaque fausse déclaration prononcée sous serment en 2005 devant un grand jury fédéral.

«Cela ne sera probablement pas cinq ans, mais peut-être six mois. (Mais) n'importe quelle période derrière les barreaux sera néfaste», estime l'expert.

L'ancienne athlète Marion Jones, qui avait avoué s'être dopée devant Oprah Winfrey en 2008, avait passé six mois en prison pour avoir menti aux enquêteurs.

Et si ces aveux allaient plus loin, Armstrong, accusé par l'Agence américaine antidopage (Usada) d'avoir participé au «programme de dopage le plus sophistiqué jamais vu dans l'histoire du sport», pourrait être poursuivi pour d'autres motifs.

Affaire de gros sous

«S'il confesse qu'il a fait davantage que juste consommer de la drogue, mais qu'il l'a distribuée à ses coéquipiers, le dossier pénal peut être plus lourd encore», estime Michael McCann.

Le Texan n'ira pas jusque-là, «à moins qu'il ait passé un accord (avec le ministère de la Justice) par lequel il donnerait les noms des personnes qui ont fourni les produits dopants, en échange de l'abandon des poursuites», suggère le juriste.

Le ministère de la Justice peut «tout à fait rouvrir le dossier de parjure (abandonné en 2008) et, si on peut le prouver, poursuivre Armstrong pour fraude et représentation erronée» avec l'équipe US Postal dotée de fonds publics, selon Peter Keane.

«Le gouvernement fédéral peut engager une procédure contre lui pour récupérer une partie de l'argent des commanditaires qu'il a payé», explique aussi Jordan Kobritz.

D'autres plaintes peuvent aussi être déposées au civil parmi les anciens commanditaires du coureur et même les donateurs de sa fondation contre le cancer, qui peuvent s'estimer trompés et réclamer des dommages et intérêts.

La compagnie d'assurances SCA Promotions a déjà fait savoir qu'elle voulait récupérer les 7,5 millions de dollars (5,8 millions d'euros) versés à l'Américain après le Tour de France 2004.

M. Kobritz se dit persuadé que les répercussions de ses aveux se limiteront à une affaire de gros sous et «qu'on le laissera tranquille» sur le plan pénal. «Quoi qu'il dise, il y aura encore une majorité d'Américains qui diront "je m'en fiche, il est toujours mon héros"», estime-t-il.

Sinon, qu'est-ce que Lance Armstrong aurait à gagner d'une confession publique? «Une conscience propre, un nouveau départ», selon M. McCann.