Le scandale de dopage russe semble avoir ressuscité un vieux projet cher à certains acteurs influents du mouvement olympique: déménager le siège social de l'Agence mondiale antidopage (AMA) de Montréal vers la Suisse.

La dernière salve contre Montréal est venue à la mi-novembre, lors d'une rencontre de l'Association des comités olympiques nationaux (ANOC) à Doha, au Qatar. Le président de l'ANOC, le cheikh Ahmad Al-Fahad Al-Sabah, a alors lancé une charge contre l'AMA: il a réclamé une réforme de l'agence et son déménagement de Montréal vers Genève.

La sortie vient dans le contexte où plusieurs gros bonnets de l'olympisme sont furieux contre l'AMA et son président, Craig Reedie. Ils leur reprochent la gestion du scandale de dopage russe, et notamment la publication d'un rapport dévastateur seulement quelques mois avant les Jeux de Rio. La prise de position de l'AMA en faveur de l'exclusion de la Russie aux derniers Jeux a aussi indisposé plusieurs haut placés au Comité international olympique (CIO).

«Punition»

Cette idée de déménager le siège social vers l'Europe serait une façon de «punir» l'AMA, selon Christiane Ayotte, directrice du laboratoire de contrôle du dopage de l'Institut Armand-Frappier.

«Il y a beaucoup de nouveaux ténors au CIO qui font cette demande-là pour punir l'AMA. Je trouve ça tout à fait déplorable, dit-elle. D'ailleurs, au nom des laboratoires, j'ai écrit au CIO pour leur faire savoir que c'était tout à fait contre-productif, leur façon de faire.»

«Ils veulent que l'agence déménage en Suisse de façon qu'elle soit plus proche des fédérations et du CIO. Mais c'est exactement pour être loin de ces influences que l'AMA est à Montréal. »

L'Agence est installée à Montréal depuis 2002. À l'époque, Lausanne et Montréal se faisaient la lutte pour attirer les bureaux de l'organisation nouvellement créée. En août 2001, en Estonie, Montréal l'avait emporté lors d'un vote à 17 voix contre 15.



Rapport McLaren

Le maire Denis Coderre avait mené campagne en faveur de Montréal alors qu'il était à l'époque ministre fédéral du Sport. «Denis Coderre avait dit: gardons le M dans AMA, pour que ce soit réellement mondial», raconte l'avocat montréalais Dick Pound, qui a été le premier président de l'AMA.

Pound a publié en janvier dernier, pour le compte de l'AMA, un rapport accablant sur la corruption en athlétisme. «Plusieurs des attaques contre l'AMA visent à détourner l'attention du scandale russe. Ils sont encore fâchés de mon rapport et le seront encore plus lors du prochain rapport McLaren, le mois prochain», dit Pound, en référence au rapport final sur le dopage d'État en Russie que doit dévoiler le 9 décembre Richard McLaren.

En définitive, l'AMA est maître de choisir où se trouve son siège social. Selon Pound, l'AMA ne souhaite pas partir pour la Suisse. «À Montréal, l'AMA est à bonne distance du CIO et des fédérations, et c'est exactement comme ça que ça doit être», dit-il.

Un porte-parole de l'Agence a confirmé «qu'il n'y a aucune discussion officielle à propos d'une relocalisation de l'AMA».

L'Agence mondiale antidopage emploie 78 personnes dans ses bureaux de Montréal, dans la Tour de la Bourse.

Photo Michael Dalder, archives Reuters

L'avocat montréalais Dick Pound, premier président de l'Agence mondiale antidopage.