Les refuges pour animaux voient transiter des centaines de cas à longueur d’année, et certains de ces hôtes les ont marqués de leur patte. Nous vous présentons quelques histoires touchantes glissées par leur personnel.

Son 11-Septembre, Nathalie Bessette l’a vécu le 9 mars 2021. Le jour où sa maison d’Iberville s’est effondrée, consumée par les flammes. Et comme si le cauchemar d’un incendie n’était pas suffisant, ses trois chiens se sont volatilisés dans la nature. Un grand élan de solidarité, catalysé par le refuge Proanima, a fait boule de neige pour trouver les fugueurs.

Ce matin d’hiver, Maki tournoyait follement dans son logis, gémissant. Alertée par cette agitation inhabituelle de son jeune husky, sa propriétaire a jeté un œil dehors, pour constater avec effroi que la maison voisine était dévorée par les flammes. L’animal avait capté les complaintes terrorisées des trois chiens pris au piège dans le domicile.

Rendus sur les lieux, les pompiers ont délivré le trio et combattu les flammes, qui ont fini par avoir le dessus. La maison de Nathalie Bessette, qui était au travail durant le drame, était dévastée. Et son occupante, anéantie : elle l’avait bâtie avec son père et l’habitait depuis 29 ans. À ce choc est venu s’ajouter un autre tourment : ses chiens Kynouk, Kyra et Lili, à qui elle tient comme à la prunelle de ses yeux, probablement blessés, avaient pris la poudre d’escampette.

PHOTO FOURNIE PAR NATHALIE BESSETTE

La maison qu’elle avait bâtie et habitée pendant près de 30 ans a été totalement perdue.

« Mes chiens, j’étais là quand ils sont nés, c’est presque comme mes enfants », explique Mme Bessette, qui s’est immédiatement mise à leur recherche, pouvant compter très tôt sur l’aide de résidants, ainsi que du refuge Proanima, qui sert la Rive-Sud. « Ils étaient comme fous, désorientés, ils s’en allaient à travers les champs, les rivières, la route 133 qui est très passante, revenaient. Beaucoup de monde courait après eux, mais ils se sauvaient », se souvient la sinistrée. Jusqu’à cinq heures ont été nécessaires pour finalement réussir à mettre le grappin sur Kynouk et Kyra.

Comme si cela ne suffisait pas, en allant chercher des vêtements pour sa mère, la fille de Mme Bessette, enceinte, a été percutée en auto sur la route et transportée en ambulance vers un hôpital. Plus de peur que de mal, mais l’accident a jeté encore plus d’huile sur le feu de l’anxiété.

PHOTO FOURNIE PAR NATHALIE BESSETTE

Les trois chiens, traumatisés, étaient insaisissables. Traquée par de nombreux volontaires, Lili a erré pendant près d’une semaine.

Pendant ce temps, Lili, le troisième husky, manquait toujours à l’appel. Les heures passaient, puis les nuits, et impossible de retrouver la fugueuse. Son absence hantait sa maîtresse, au point de reléguer la perte de son toit au second plan.

Mes chiens, c’est ça qui me préoccupait le plus là-dedans. La maison, c’est juste du matériel.

Nathalie Bessette

« Je capotais. Certains soirs, j’entendais venter et je me disais qu’elle était seule, dehors, quelque part. Ça n’avait pas de sens », se remémore sa propriétaire, qui confie beaucoup gâter ses chiens, abonnés au sofa du salon.

Des centaines de soutiens

Un immense élan d’entraide s’est rapidement amorcé pour lui donner un coup de patte. Son ex-conjoint a diffusé des avis de recherche et écumé les environs d’Iberville. Le refuge Proanima, alerté, a permis de décupler les efforts en sollicitant une vague d’appuis sur les réseaux sociaux. Avec succès : des dizaines, puis des centaines de personnes se sont mises à surveiller rues et champs, informant le refuge ou la propriétaire sitôt qu’ils pensaient apercevoir Lili. Selon Mme Bessette, de 200 à 300 personnes ont prêté main-forte aux recherches. Mais la chienne, complètement déboussolée et traumatisée, se faufilait comme une anguille.

CAPTURE D’ÉCRAN

Selon Mme Bessette, de 200 à 300 personnes ont prêté main-forte aux recherches.

Il aura fallu six jours avant que la fille de Nathalie Bessette la localise près d’un bois, prête à s’échapper, son pelage noir de suie, des brûlures aux pattes. Une cohorte de volontaires s’est formée pour l’encercler et la guider. À la vue de sa maîtresse, elle s’est couchée sur le dos et a refusé d’avancer. C’est finalement un bon Samaritain charpenté qui l’a portée à bout de bras à bon port.

PHOTO FOURNIE PAR NATHALIE BESSETTE

Le jour où elle a été trouvée, Lili était noire de suie.

Relogement difficile

La sinistrée n’a pas les mots pour exprimer sa reconnaissance envers tous ceux qui l’ont aidée à surmonter cette épreuve et à retrouver ses chiens. Ceux-ci ont vomi de la suie des jours durant, mais sont aujourd’hui en pleine santé.

Elle n’était pourtant pas au bout de ses peines, car son relogement temporaire, avec trois gros chiens parfois incommodants pour ses hôtes, a été un autre défi à relever. En cherchant à les héberger dans des institutions, on lui fermait la porte au nez. « J’avais beau dire que j’étais passé au feu, avec la pandémie, personne ne voulait les accueillir. Tout le monde répondait que c’était fermé temporairement ou qu’ils ne prenaient que les petits chiens », déplore Mme Bessette, qui trouvera finalement son salut à l’auberge Wouf d’East Farnham.

Pour elle, impossible de revenir habiter dans le quartier qu’elle a toujours connu, ravivant les douloureux souvenirs de ces évènements. Elle a plutôt choisi de se réinstaller dans les environs de Lac-Mégantic pour tourner la page. Avec ses trois chiens saufs, le sentiment d’avoir tout perdu s’en est trouvé atténué. Car les assurances ont beau rembourser vos biens, jamais elles ne pourront ressusciter vos chiens.

À lire demain : Vieillir et mourir dans un refuge