Le père Fouettard et ses déclinaisons
Le père Fouettard est la figure antagoniste de Noël la plus connue, que l’on retrouve dans les célébrations du nord-est de la France, en Suisse, en Belgique et dans certaines zones de culture germanique. Il prend part au défilé du personnage légendaire de saint Nicolas (une des inspirations pour le père Noël), entre le 5 et le 6 décembre. Selon les lieux ou pays, le sinistre personnage prend divers noms et aspects. Dans la tradition alsacienne, il se nomme par exemple Hans Trapp, présenté sous les traits d’un rustre campagnard, muni de chaînes, d’un fouet ou d’un sac pour enlever les enfants désobéissants. En Belgique et aux Pays-Bas, il est nommé Zwarte Piet et grimé de noir ; usage folklorique qui a fini par déclencher des polémiques. Il s’est souvent radouci, endossant plutôt le rôle de joyeux saltimbanque.
Le Krampus
Si le père Fouettard était un Pokémon, Krampus serait son évolution. Mi-bête, mi-démon, cette créature effrayante se retrouve surtout dans les festivités de pays germaniques, notamment en Autriche, ou d’Europe de l’Est. Selon la tradition, pendant que les enfants sages reçoivent des cadeaux, les turbulents héritent de punitions ou de mises en garde de sa part. La créature mythologique défile aux côtés de saint Nicolas, début décembre, dans les rues des cités. Malgré son aspect effrayant, il est là pour de bon : en 2020, le Krampus a été inscrit au patrimoine immatériel de l’UNESCO.
Féérique, l’Islande ?
L’Islande se drape de couleurs assez féériques pendant tout le mois de décembre, avec 13 lutins jouant le rôle de pères Noël. Mais au-delà des lumières des Fêtes, il y a aussi un côté obscur du folklore national, avec un trio composé de Grýla, des Yule Lads et du Yule Cat. La première est une sorcière et ogresse géante dont le plat favori est composé d’enfants cuits peu sages. Les deuxièmes sont les enfants de Grýla, hommes rustres débarquant en ville un par un 13 jours avant Noël ; selon les localités, ils distribuent des cadeaux, des patates pourries pour les petits tannants ou volent de la nourriture. Quant au Yule Cat (Jólakötturinn), c’est un énorme chat qui dévore ceux qui ne portent pas de nouveaux vêtements pour le temps des Fêtes.
Les Kallikatzaros, petits démons grecs
Plutôt méconnus, les Kallikantzaros appartiennent au folklore grec. Vivant sous terre, ils scient les racines du monde dans le but de voir celui-ci s’effondrer, avant d’émerger à la surface peu avant Noël pour tourmenter les bonnes gens. L’aspect de ces petits démons, semblables à des gobelins ou à des lutins maléfiques, varie selon les représentations. Début janvier, ils retournent dans leurs galeries pour reprendre leur travail… mais selon la légende, l’arbre souterrain s’est régénéré, et tout est à recommencer, le scénario se répétant à l’infini chaque année.
Le Grinch
À l’instar d’Ebenezer Scrooge, personnage de Charles Dickens, le Grinch (ou Le Grincheux) montre une profonde aversion pour le temps des Fêtes, qu’il souhaite saboter. Il est tout d’abord apparu dans le livre illustré pour enfants How the Grinch Stole Christmas ! du Dr Seuss, avant de s’inviter devant les caméras. Il s’agit de l’une des rares figures populaires nord-américaines anti-père Noël à s’être imposée, mais aussi contextualisée avec une morale et des explications pour son comportement malveillant.
Quel rôle social pour ces personnages ?
Au fil des ans, le côté terrifiant de ces personnages s’est émoussé, voire évanoui. Ainsi, aux Pays-Bas, le père Fouettard s’est muté en saltimbanque festif. Au Québec, et plus généralement en Amérique du Nord, ce type de figure antagoniste de Noël n’a jamais vraiment pris racine. Il y a certes eu les lutins qui, au départ, espionnaient le comportement des enfants dans les chaumières avant d’aller faire leur rapport au pôle Nord, souligne la psychoéducatrice Solène Bourque, mais ils sont aujourd’hui cantonnés à des rôles de farceurs.
« Ce sont les seuls personnages au Québec qui pourraient avoir une connotation moins positive. On a plus de représentations positives, comme la fée des Étoiles, on est davantage dans l’éducation bienveillante », avance-t-elle, soulignant comment ces manifestations reflètent les valeurs véhiculées dans une société. Les personnages de type Bonhomme Sept Heures se sont raréfiés, leur invocation n’étant pas recommandée par les spécialistes.
« Ils ont quand même des fonctions intéressantes, ils rattachent l’enfant à la part d’ombre de l’humain. Avoir un personnage moins positif peut suggérer que nous ne sommes pas parfaits, qu’il peut parfois y avoir un petit Grinch dans notre cœur, c’est quelque chose de réel auquel l’enfant pourra être confronté. La grande tendance est d’adoucir les finales des histoires, où les enfants retiennent une certaine morale », dit-elle.
La psychoéducatrice ne voit pas cette tendance d’un mauvais œil, si les personnages négatifs tirent une leçon en fin de compte ; mais avoir les figures très négatives et menaçantes, « ce n’est pas quelque chose dont les enfants ont besoin dans leur développement ».
Le sociologue Jean-Philippe Warren note quant à lui que des figures antagonistes au père Noël comme celles du père Fouettard ont rapidement disparu de la culture canadienne-française, alors que la période de festivités se moulait à la logique d’une société de consommation. « On va plutôt essayer de convaincre d’avoir une approche modérée de Noël, fête carnavalesque de l’excès, en vertu non pas de la punition qu’apporte le père Fouettard, mais plutôt d’autres valeurs, comme le partage, la simplicité et surtout en ce moment, les valeurs écologiques », remarque-t-il.