Noël sera là dans moins d'un mois. Noël, c'est-à-dire, entre autres traditions, les cadeaux à offrir à ceux qu'on aime. Dans le secteur qui m'est assigné, celui de la musique dite «classique», «cadeaux» veut dire livres, billets de concert et, avant tout, disques.

L'exercice consiste donc à choisir un disque (ou un coffret de disques) en tenant compte, d'abord, des goûts de la personne à qui il est destiné et, mieux encore, en y mêlant un élément de surprise.Bauer retrouvé

Commençons par le piano, l'instrument qui occupe le plus de place dans le monde musical. Presque oublié aujourd'hui, Harold Bauer fut pourtant l'un des grands pianistes de l'histoire. Anglo-américain né en 1873, mort en 1951, sa carrière englobe la fin du romantisme et l'époque moderne. Appian a rassemblé en trois compacts l'intégrale de ses enregistrements solo: Beethoven, Schubert, Schumann, Liszt, Brahms, Grieg et autres. Des gravures de 1924-1942 qui sonnent encore bien et font revivre, en près de quatre heures, un art du piano hélas! disparu.

Appian, coffret de 3 d., APR 7302

Cliburn: un inédit

Du piano encore, cette fois un seul disque. En 1958, à 23 ans, Van Cliburn remporta le premier prix au Concours Tchaïkovsky de Moscou en jouant d'affilée le premier Concerto de Tchaïkovsky, précisément, et le troisième de Rachmaninov. Après sa victoire, saluée comme «la réponse des USA au spoutnik», il enregistra les deux concertos à New York, chez RCA. Testament nous donne encore mieux: le live du concert moscovite, resté inédit. Avec Kyril Kondrachine et l'Orchestre Philharmonique de Moscou, le pianiste apporte aux deux oeuvres l'écrasante virtuosité et le grand lyrisme qui, malgré quelques petites erreurs, lui valurent le premier prix.

Testament, SBT 1440

Gould compositeur

Troisième cadeau: encore du piano. Pas tout à fait. Le disque annonce bien Glenn Gould, mais c'est Glenn Gould compositeur qu'on découvre, à travers son Quatuor à cordes op. 1, très dense travail de contrepoint qu'il réalisa à 24 ans sous l'influence de la Nouvelle École de Vienne. Le jeune Quatuor Alcan joue cela avec conviction et accorde le même soin à un autre quatuor de jeunesse, celui-là de Sir Ernest MacMillan, autre Torontois qui, lui, fut chef d'orchestre.

ATMA, ACD 22596

Bartoli en castrat

Le titre du dernier enregistrement de Cecilia Bartoli est explicite: Sacrificium. C'est le monde des castrats, en deux compacts totalisant 100 minutes et un livre de 150 pages en trois langues (français, anglais, allemand). Avec les instruments anciens d'Il Giardino Armonico, Bartoli déploie la plus étourdissante virtuosité, suggérant celle des castrats qu'ont décrite les historiens. Le livre contient divers montages de la mezzo en castrat (!) et reproduit les instruments qui servaient à la cruelle opération.

Decca, album de 2 d., 4781521

À découvrir: Hausegger

L'amateur de musique symphonique qui, comme on dit, «possède tout» sera heureux de découvrir Siegmund von Hausegger. Ce chef d'orchestre autrichien, spécialiste de Bruckner, fut aussi compositeur et signa une ambitieuse Natursymphonie - ou «Symphonie de la nature» - pour grand orchestre et choeur final, sorte de réflexion mystico-philosophique évoquant Mahler. Ari Rasilainen et l'Orchestre et le Choeur de la Radio de Cologne en donnent une interprétation grandiose.

CPO, 777237-2

Les neuf violons d'Ehnes

Pour les amateurs de violon, un must: l'album du jeune violoniste canadien James Ehnes enregistré sur neuf violons et trois altos de la fameuse collection Fulton signés Stradivari, Guadagnini et compagnie. On l'entend dans Ravel, Wieniawski, Kreisler, Bazzini, avec piano, puis on le voit présenter les instruments sur un DVD qui accompagne le disque.