Certains seront devant les magasins dès l'aube, impatients de partir à la chasse aux aubaines. D'autres boycotteront plutôt le «Boxing Day», mercredi, pour s'opposer à la consommation en cette période des Fêtes.

Esclaves, victimes ou fiers acteurs du système? Pour le professeur de sociologie à HEC Montréal, Yves-Marie Abraham, la frénésie d'achats est un sujet de réflexion.

Il dénonce un système qui encourage la surproduction et force le consommateur à acheter, sous peine de s'effondrer.

Selon M. Abraham, rien ne sert donc «de culpabiliser et de responsabiliser le consommateur» avec des slogans comme «Acheter, c'est voter», car s'il est en partie responsable de ses habitudes de consommation, l'humain est surtout «prisonnier» du système capitaliste, qui dépend de la consommation pour fonctionner.

Le capitalisme est selon M. Abraham «une machine à produire des marchandises», qui doivent ensuite être achetées afin que l'économie fonctionne bien. Il y voit un cercle vicieux dont la «seule issue possible» tient dans une sortie du capitalisme, et rien de moins.

De l'avis du professeur, un réel changement ne pourra être opéré tant que les méthodes de production ne seront pas révisées. Si les gens arrêtent de consommer, illustre-t-il, plusieurs sociétés se retrouveront en situation de surproduction.

«Mais qui dit surproduction dit pertes d'emplois», avertit-il. «Un système basé sur la consommation a besoin de produire des consommateurs. Nous sommes donc les effets de ce système.»

À ceux qui ne prévoient pas revoir l'entièreté du système économique actuel pendant les vacances, M. Abraham propose à tout le moins une réflexion sur la consommation, peut-être pas intrinsèque à la nature humaine après tout.

«Des économistes soutiennent qu'on est naturellement portés à ce genre de consommation (comme on observe au «Boxing Day')», lance-t-il.

«Mais en travaillant dans d'autres sociétés, je me suis rendu compte que ce comportement-là est appris dans une large mesure. C'est surtout l'effet d'une éducation et d'une socialisation.»

L'humain comble-t-il donc un vide en cherchant les étiquettes rouges et en courant vers des objets à prix réduit?

«C'est possible qu'on cherche à compenser une souffrance. Après tout, on s'identifie aux objets qu'on achète», observe-t-il. «Ce qui est certain, en tout cas, c'est qu'il y a quelque chose que les spécialistes du marketing exploitent efficacement!»