Anciens du studio Lambert & fils, Alexandre Joncas et Gildas Lebars, derrière la marque de luminaires D'Armes, ont choisi d'emprunter une voie personnelle où chaque création résulte d'une investigation insolite. Incursion dans leur laboratoire montréalais, entre tubes de néon et franges de soie.

Alexandre Joncas fourbit peigne et ciseaux pour égaliser les franges d'un luminaire d'un geste sûr. Il y a quelques années, il était coiffeur. « À l'époque, on me disait que je sculptais les cheveux, ça m'agaçait, mais aujourd'hui, je dois reconnaître que je suis, à ma façon, un sculpteur », glisse-t-il.

Cette lampe étrange, comme « incarnée », baptisée Cé et dévoilée au récent souk@SAT, est un hommage aux Premières Nations. « Elle est inspirée de mes origines, explique le designer. Comme beaucoup de Québécois, je suis issu d'un métissage. »

Après une exploration artistique de son héritage et une collaboration avec un tisseur italien, il a donné forme à cette lampe murale en bronze coiffée de soie qui rappelle par ailleurs les années folles. De profil, sa silhouette, nimbée d'un halo doré, suggère une présence sacrée. « Lorsque je l'ai fixée au mur, j'ai eu l'impression qu'il y avait quelqu'un dans la pièce », confie Alexandre.

Alexandre Joncas et Gildas Lebars ont installé leur loft et studio dans un ancien atelier de costumes du quartier des manufactures textiles de Chabanel, à Montréal. Le nom D'Armes, clin d'oeil à leur ville, provient d'une enseigne récupérée dans une station de métro en travaux.

Autodidacte, Alexandre a entamé des études en arts visuels avant de se tourner vers la coiffure, puis d'apprendre à cintrer les néons et de rejoindre l'équipe de Lambert & fils, où il était responsable des projets spéciaux et de la fabrication. Gildas, arrivé de Bretagne il y a huit ans pour terminer une maîtrise en communication politique, était, quant à lui, directeur d'atelier chez Lambert & fils. « Nous nous sommes rendu compte que c'était le design qui nous unissait, et que nous nous complétions bien », pointe Alexandre. « Alexandre est passionné par l'art, et j'aime l'aspect plus technique des choses », ajoute Gildas.

L'espace au-dessus du bureau fraîchement investi est le terrain d'expérimentation de l'équipe épaulée, depuis novembre dernier, par une coordinatrice d'atelier, Marie-Ève Petit.

« Je suis constamment animé par l'idée d'aller à l'opposé de ce qui existe déjà; c'est peut-être dû à mon côté punk. » - Alexandre Joncas, designer

Des néons rectangulaires attendent d'être montés en suspensions RA, le premier modèle « signature » de la marque que l'on retrouve dans la boutique Frank And Oak pour femmes ouverte en septembre dernier dans le Mile End. D'Armes a réussi à balayer l'image froide du néon grâce à une poudre spéciale diffusant une lumière douce. Une version murale toute en courbes autour d'une base en bronze a d'ailleurs remporté le prix Archiproducts, sorte de sésame pour pénétrer le milieu du design. Un pas de plus dans l'ouverture au marché international après leur participation à la semaine du design de Milan en avril dernier et la mise sur pied d'un réseau de distributeurs en Europe et en Asie.

Mais les jeunes entrepreneurs tiennent à conserver une structure qui permettra à Alexandre de continuer à créer, par exemple, des lampes inspirées de films de science-fiction, « de repaires de méchants, audacieuses et élégantes ».