En France, la tendance s'appelle upcycling (c'est logique). En français, on dit «surcyclage» ou, plus justement, «recyclage créatif». Cela consiste à transformer en oeuvres d'art des objets qui seraient autrement voués au dépotoir, et c'est de plus en plus à la mode. Mais l'artiste-meublière Anne-Marie Dion ajoute à ses créations un supplément d'âme. Portrait.

Pour définir Anne-Marie Dion, il a fallu inventer ce terme: «artiste-meublière», parce qu'elle est bien plus qu'une simple «rembourreuse». Depuis sa sortie de l'École des métiers du meuble, il y a quatre ou cinq ans, elle ressuscite littéralement les canapés mal-aimés, les fauteuils en deuil, les poufs à bout de souffle. Sa microentreprise s'appelle joliment «Petit point sur canapé».

C'est qu'Anne-Marie récupère non seulement les vieux meubles, mais aussi les tapisseries au petit point de nos grands-mères (ainsi que des couvertures en laine du pays, des tissus anciens et même des sacs de café en jute) pour en habiller ses créations, avec une fantaisie toujours renouvelée. Le résultat, à la finition impeccable, est étonnant et ravissant. 

Dans son atelier, plusieurs projets, à divers stades de réalisation, attendent comme des enfants sages la suite de leur transformation. «J'aime bien travailler à plusieurs choses en même temps, ça m'évite de me tanner!», dit-elle en riant, comme pour s'excuser. C'est que le travail répétitif n'est décidément pas son truc. C'est pourquoi chacune de ses pièces a son âme, sa personnalité: Anne-Marie ne fait jamais deux fois la même chose.

À vrai dire, elle ne fait rien comme tout le monde, mais elle fait tout avec soin et amour. Ce mélange de sensibilité et d'humour, de force et de fragilité, comme son petit côté «champ gauche» (le côté du coeur!), se reflète dans son travail autant que dans sa vie.

Son mari et elle ont vécu 25 ans (et mis au monde leurs cinq enfants) à L'Arche, une communauté fondée par Jean Vanier, où l'on partage sa vie avec des personnes atteintes de déficience intellectuelle. Des personnes, comme elle dit, «qui font du bien à l'âme». Le couple a ensuite tenu un gîte pendant sept ans dans le beau comté de Bellechasse, où la cuisine s'inspirait des principes du slow food.

Ils ont quitté la campagne pour s'établir à Montréal il y a quatre ou cinq ans. C'est alors qu'Anne-Marie s'est inscrite à l'École des métiers du meuble.

Photo fournie par Anne-Marie Dion

Photo fournie par Anne-Marie Dion

De fil en aiguille (c'est le cas de le dire!), elle est devenue bénévole auprès des Compagnons de Montréal, un organisme qui se consacre lui aussi aux personnes qui ont une déficience intellectuelle. Elle en est venue à réaliser certains projets avec des protégés des Compagnons, qui ont ainsi l'occasion d'acquérir de nouvelles compétences ou de mettre à profit celles qu'ils ont déjà. Deux d'entre eux, par exemple, ont assemblé le patchwork de couvertures de laine destiné à habiller un canapé ancien, dont le profit de la vente sera versé aux Compagnons. 

Chaque création d'Anne-Marie, résultat d'un improbable assemblage de matières, de textures et d'époques disparates, devient un tout étonnamment cohérent. Poétique ou pratique, sage ou déjanté, un meuble de Petit point sur canapé donne tout de suite un peu de zeste à une pièce un peu terne... et constitue un sujet de conversation assuré! 

Pour adopter une création ou donner une nouvelle vie à un de vos meubles, communiquez avec Anne-Marie Dion par courriel ou par Facebook.