En 2008, Philippe Malouin a débarqué dans l'une des villes les plus chères du monde avec une seule valise, petite et légère, un passeport attestant de sa naissance à Salaberry-de-Valleyfield et quelques diplômes obtenus dans les écoles de design les plus reconnues d'Europe. En 2014, dans son studio londonien voué à la création d'objets et à l'architecture d'intérieur, le designer commence à récolter les fruits de sa persévérance.

Partir ou rester

À 22 ans, avant même d'entrer à la Faculté des beaux-arts de l'Université Concordia, Philippe Malouin se doutait que pour surfer sur la vague du design international, il allait devoir s'exiler. «Je tripais complètement sur le studio Droog à Amsterdam, qui n'était pas très connu à l'époque, se rappelle-t-il, et sur le travail de la designer néerlandaise Hella Jongerius. Au Québec, il n'y a à peu près pas de demande pour ce genre d'expérimentations déjantées auxquelles j'aspirais à me livrer, ce qui fait que si j'étais resté à Montréal, j'aurais probablement été serveur et le design aurait été mon passe-temps!»



«À Londres, comparativement aux autres villes, on doit faire preuve d'une grande débrouillardise. À Amsterdam, à Bruxelles, à Rotterdam ou à Berlin, les designers peuvent bénéficier de subventions gouvernementales ou de loyers à prix modiques. Pas ici. Cette obligation d'être ingénieux pour créer avec presque rien a conféré au design londonien une saveur particulière. Même si chacun a développé une approche qui lui appartient, ça se sent que c'est "made in London".»

Aujourd'hui, le designer de 33 ans peut se targuer - ce qu'il ne fait pas - d'avoir vu transiter ses créations entre la Pologne, l'Autriche, le Liban, la Belgique, la France et les États-Unis. Au Canada, trois de ses produits s'apprêtent à être distribués par l'entreprise Umbra (Toronto), dont la Hanger Chair, une chaise pliante à suspendre dont le dossier forme un portemanteau. Sa collection de luminaires et de mobilier Gridlock, élaborée sur le principe du mécano, a trouvé preneur chez le très hip Ace Hotel de Londres. Certaines de ces pièces seront mises en marché par le producteur new-yorkais Roll and Hill. «Je me trouve à un point qui dépasse celui où j'ai espéré me rendre, avoue Philippe. Maintenant, je mange et je viens de m'acheter un appartement!»

Avant sa migration vers l'Angleterre, où il mène depuis déjà cinq ans ses activités de manière indépendante, Philippe Malouin est notamment passé par le Design Academy d'Eindhoven, aux Pays-Bas, d'où il est sorti transformé par un enseignement axé sur l'expérimentation.

Le cumul de ces expériences l'ont mené au Royal College of Arts, un pilier international de la pédagogie liée aux nouvelles approches du design, où il redonne à son tour en tant que chargé de cours à une nouvelle garde venue de Chine, de Corée, d'Allemagne et... du Canada, avec des ambitions aussi grandes que furent les siennes.

Philippe Malouin sera à l'Espace Infopresse à Montréal le 19 février pour une conférence axée sur sa démarche entrepreneuriale.

www.philippemalouin.com

Photo fournie par Philippe Malouin

La Hanger Chair, créée en 2008, sera bientôt distribuée par la maison ontarienne Umbra.

Photo fournie par Philippe Malouin

Conçue pour la Semaine du design à Vienne, cette série de bols est élaborée de façon expérimentale à partir de rouleaux de papier photosensible.