On le sait, les gens se méfient beaucoup de l'invasion chinoise sur le marché du meuble dit contemporain. Les fabricants canadiens ont même essayé, mais en vain, de faire adopter des mesures de protection sur les importations de mobilier résidentiel.

On le sait, les gens se méfient beaucoup de l'invasion chinoise sur le marché du meuble dit contemporain. Les fabricants canadiens ont même essayé, mais en vain, de faire adopter des mesures de protection sur les importations de mobilier résidentiel.

 Ils croient que l'augmentation soutenue de marchandises bon marché constituent une menace réelle de désorganisation du marché. Parallèlement, chez les consommateurs, un engouement récent se fait sentir pour les antiquités chinoises qui s'avèrent à la fois abordables et exotiques. Elles sont souvent délaissées par les nouveaux riches Chinois qui se précipitent chez IKEA et autres exportateurs occidentaux. Ces gens ont envie de nouveauté, de confort à l'européenne.

«Les Chinois se redécorent à la moderne et ne veulent plus de leurs vieux meubles. Ils s'occidentalisent», résume Marie-Claude Dubuc, propriétaire de la boutique de meubles Home, à Beaconsfield, où l'on retrouve quelques pièces chinoises antiques. Elle transige avec un distributeur qui fait de l'importation directe. «On offre ce que ces gens ne veulent plus. Chacun y trouve son compte», dit-elle.

Ces meubles sont offerts depuis environ cinq ans. Le gouvernement chinois a ainsi permis l'ouverture du marché. Avant, ces meubles ne pouvaient sortir du pays. «Seules quelques pièces extrêmement coûteuses étaient disponibles. Maintenant, ce que l'on offre, ce sont des meubles de tous les jours datant d'environ 100 ans et qui étaient utilisés dans les maisons ordinaires. Ce ne sont pas des objets qui ont appartenu à des gens fortunés. Et ces meubles s'avèrent, pour l'instant, encore très abordables. Les antiquités provenant d'autres pays sont pour la plupart hors de prix.»

Buffets, tables à café, consoles, cabinets, tables de nuit, supports à bûches, c'est essentiellement ce que l'on retrouve. L'orme est la principale essence qui les compose et le bois de rose, plus rare, est également très prisé. Les couleurs vont principalement du rouge au vert céladon, et du turquoise au crème. Authentiques, ces meubles? Chez Home, un petit carré argenté fait office de certification et témoignerait du fait que le meuble compte au moins 100 ans, mais on ne connaît ni la région ni l'année exacte. «De toute façon, il serait plus coûteux de reproduire ces meubles, même en Chine, que de les redistribuer une fois remis en état, parfois repeint ou vernis» croit Mme Dubuc.

Le style représente une période, l'essence du bois aussi. «Moi, je dis que je vends des meubles décoratifs qui sont vieux puisqu'il est difficile d'en déterminer la date exacte», explique Keith Sulany de la boutique Tola, avenue Laurier Ouest. Depuis quelques années, il se rend lui-même en Chine environ deux ou trois fois par an et fait expédier quelque trois conteneurs par voyage. «J'adore faire du commerce avec les Chinois. Ils travaillent bien, ils sont honnêtes et très gentils». Mais déjà la réalité change explique M. Sulany.

Beaucoup de marchands européens s'y donnent rendez-vous. Et eux, ils y vont à coup de 40 à 50 conteneurs à la fois. La source serait-elle en train de tarir? «Il m'a semblé qu'il y avait moins de vieux morceaux en septembre et que plusieurs étaient moins originaux. Les fournisseurs chinois avaient du mal à répondre à la demande et semblent avoir plus de difficulté à trouver les petites perles.»

S'il est assez facile de se procurer ces meubles ici, surtout dans les petites boutiques du centre-ville de Montréal, c'est que des gens comme M. Sulany n'ont besoin que d'un permis d'importation pour procéder. Ils ne sont pas soumis à des quotas ou autres frais supplémentaires comme c'est le cas pour les marchands américains.

Un intérieur personnalisé

Pour Danièle Cabarrou, conseillère en ressources humaines, l'acquisition de tels meubles permet de se démarquer par rapport aux meubles standard. «J'ai toujours été attirée par ce qui a un caractère ethnique comme en fait foi ma maîtrise en anthropologie. J'ai un intérêt marqué pour le folklore, la culture. Je fais avec mon budget et j'aime mélanger les styles.» Elle privilégie le rouge chinois qui possède, selon elle, un caractère profond et traduit le symbole de la culture chinoise. «Cela évoque pour moi les traditions chinoises comme on peut les imaginer en tant qu'Occidentaux. J'aime les meubles simples pas ceux de l'aristocratie. J'aime imaginer comment les gens vivaient dans la Chine profonde. C'est l'histoire de la Chine qui vient se poser dans mon salon.» Elle a toutefois des scrupules: «Doit-on déposséder les Chinois de leur héritage pour leur substituer de la mélamine? Cet échange me paraît injuste. Faudrait-il développer un commerce équitable pour sauver la conscience des Occidentaux? Je me sens responsable de participer au dépouillement d'un patrimoine culturel».