Quand l'espace de vie diminue, mais que l'intérêt pour le vin continue de grandir, les bouteilles accumulées peuvent devenir encombrantes. Qu'à cela ne tienne, des passionnés ingénieux nous ont ouvert la porte de leur condo, à la découverte de leur cave à vin... dont certaines font rêver!

«C'est une oeuvre d'art»

Lorsqu'il a découvert le vin, il y a une vingtaine d'années, Paul Daigle a immédiatement eu le coup de foudre. Il a rapidement rassemblé 600 bouteilles dans sa maison. À l'époque, sa collection ne posait pas de problème: il avait de l'espace. 

Lorsque l'homme d'affaires a acheté son condo, il n'était pas question de se départir de ses précieuses bouteilles. Au contraire ! Il souhaitait bonifier sa collection. Il a investi dans une solution aussi astucieuse qu'élégante: il a fait construire un immense cellier fermé et vitré dans une section de l'appartement.

«J'ai prévu un espace pour 2000 bouteilles, explique Paul Daigle. C'est une oeuvre d'art.» 

Sur les étagères, champagnes et grands crus reposent au frais. L'éclairage intérieur du cellier change au gré des envies du propriétaire. Lorsque la chaleur du soleil devient trop intense, des rideaux se ferment pour protéger le vin. Un environnement unique, pour une collection d'exception. 

«Je continue d'acheter des vins exceptionnels comme des Pétrus qui seront prêts à boire dans 30 ans, explique Paul Daigle. J'ai 69 ans, ce n'est pas moi qui vais les boire. C'est un héritage exceptionnel que je vais laisser.» 

Paul Daigle n'est pas le seul à voir sa passion du vin augmenter avec l'âge. À Chicoutimi, l'ancien président d'Intercar, Jasmin Gilbert, a profité de l'achat de son condo pour ajouter un cellier de 70 bouteilles dans sa salle à manger. Un rêve qu'il caressait depuis longtemps. 

«Je conserve une vingtaine de bouteilles pour la garde, dit-il. Les autres, c'est pour ma consommation courante. Avec la retraite, les occasions augmentent.» 

Les experts le constatent: la demande pour les celliers dans les condos augmente, et de plus en plus de promoteurs y répondent en réservant des espaces dans leurs plans. C'est le cas à Outremont, où le nouveau projet Maison d'Outremont a mandaté Vinum pour aménager 10 grands celliers au sous-sol de l'immeuble. Ils sont vendus séparément et rattachés à des unités par des actes notariés, comme un espace de stationnement. Ils ont tous trouvés preneurs en un clin d'oeil.

Réduire sa collection

Un collectionneur du Bas-Saint-Laurent voit lui aussi l'approche de la retraite comme davantage d'occasions de peaufiner sa passion du vin. Seul hic, il ne pourra pas déménager les 500 bouteilles de sa cave dans son condo de Québec. Les quatre celliers qu'il a fait installer pourront en contenir un total de 300.

Une situation que connaît bien André Provencher. Le consultant a dû réduire le nombre de bouteilles de sa cave après la vente de sa maison. Il a retenu les services de l'entreprise québécoise Alfred pour se départir de 75 bouteilles.

«Il a fallu convaincre ma femme que c'était la bonne solution, dit-il. Ce sont des vins qui nous accompagnent depuis 12-15 ans, et qu'on voit partir sans les avoir dégustés. C'est difficile.» 

Alfred est d'abord un outil de gestion de cave à vin. L'entreprise a développé un logiciel qui évalue le potentiel de garde des bouteilles de ses clients.

Elle est autorisée depuis peu par la SAQ à revendre du vin entre ses clients. En seulement quatre mois, l'entreprise a fait 2700 transactions. Un nombre qui a surpris son président, Guy Doucet. 

«Ce sont surtout les baby-boomers qui vendent, remarque-t-il, soit parce qu'ils déménagent en condo et qu'ils n'ont plus de place, soit parce qu'ils sont malades ou parce que leur goût a changé.» 

La plateforme permet aux membres d'acquérir des bouteilles rares et des millésimes anciens. M. Doucet constate que ce sont surtout les jeunes professionnels qui achètent ces bouteilles d'exception, mais pas toujours. 

Dans son condo, Paul Daigle a lui aussi à l'oeil les crus mis en vente. Entre deux séries de grands vins de Bordeaux, il reste encore un peu de place dans son cellier.

PHOTO PASCAL RATTHÉ, collaboration spéciale

Quelques bouteilles du cellier de Paul Daigle.

Six astuces pour garder son vin à la maison

Éviter la chaleur

Envie de démarrer votre collection de vin à la maison? Peu importe la quantité de bouteilles, voici quelques paramètres de base à respecter.

Le vin n'aime pas la chaleur. Si on souhaite garder ses bouteilles longtemps, il est préférable de les conserver dans un endroit climatisé où la température est maintenue entre 12 et 15 °C. Cette température permet de ne pas accélérer le vieillissement du vin et de servir la plupart de ses vins rouges sans devoir les refroidir à la sortie du cellier.

Garder une température stable

Les bouteilles qui ne sont pas destinées à une longue garde n'ont pas besoin d'être entreposées à 12 °C. Une température constante et fraîche peut suffire. «Il faut surtout éviter les variations de température, par exemple, les pièces où ça monte à 24 degrés le jour et ça descend à 12 le soir», résume Jean-François Perron, de La Vieille garde.

Coucher ses bouteilles

Un taux d'humidité élevé, entre 55 et 75 %, est essentiel pour préserver l'élasticité et l'étanchéité du bouchon de liège. Pour cette même raison, il faut conserver ses bouteilles à l'horizontale de manière à ce que le vin garde le bouchon humide. Si la cave à vin n'est pas climatisée, placez un bol d'eau en hiver lorsque le chauffage électrique rend l'air ambiant plus sec. Ce geste simple permet d'augmenter l'humidité du cellier.

Éviter la lumière

La cave à vin vitrée est très populaire dans les condos. La vitre peut toutefois être un inconvénient pour la garde du vin. «Il faut protéger les bouteilles des rayons ultraviolets», dit Jean-François Perron. Ces rayons sont responsables du «goût de lumière», un défaut dont les caractéristiques rappellent l'oxydation du vin. Les spécialistes utilisent en général du verre teinté ou anti-UV pour la conception des celliers vitrés.

Penser aux différents formats

Les bouteilles de grand format, comme les magnums, sont recherchées des collectionneurs, car elles permettent un meilleur vieillissement du vin. Marc Gaudry, chez Vinum, suggère de prévoir quelques espaces pour entreposer les différents formats, les petites bouteilles comme les grandes. Il remarque aussi que les passionnés achètent fréquemment du vin à la caisse. Un aspect qu'il prend en considération lorsqu'il dessine un cellier. «J'aime l'idée d'avoir des tiroirs dans la cave à vin pour placer les caisses, dit-il. On peut y mélanger différents millésimes d'un même vin.»

Attention au bruit

«La sonorité n'est pas une condition de garde du vin, mais c'est une condition de santé mentale de nos clients», dit Jean-François Perron en riant. Le spécialiste conseille de ne pas acheter un climatiseur qui émet des sons de plus de 30 décibels, lorsque l'appareil est installé dans une pièce à aire ouverte, comme dans un condo. Il rappelle aussi que le climatiseur doit être installé de manière à ne pas créer de vibrations nuisibles aux bouteilles.

Photo Pascal Ratthé, collaboration spéciale

Caves à louer

Partager un espace de rangement pour ses bouteilles et avoir accès à un lieu privé pour les déguster, c'est ce que proposera sous peu Le Parloir.

Inspirée par le concept Wework, ou espace de travail partagé, cette nouvelle entreprise d'entreposage du vin ouvrira ses portes dans quelques jours dans le quartier Griffintown. 

Le long couloir d'une ancienne usine débouche sur un endroit inusité. Après avoir été déverrouillée à l'aide d'empreintes digitales, la porte s'ouvre sur un grand espace aux murs de brique et de pierre où se trouvent des tables, des fauteuils et un bar. Plus loin, de précieuses bouteilles reposent dans des casiers. 

«J'avais envie de créer un endroit convivial qui vient compenser le manque d'espace dans les condos.»

«Les gens achètent des micro-unités. Ils ont très peu d'espace pour mettre un cellier et pour en profiter», explique la présidente de l'entreprise, Sandrine Balthazard.  

La femme d'affaires nage dans l'univers du vin depuis qu'elle est toute petite. Ses parents Andrée et Jacques ont fondé l'agence Balthazard en 1995. L'entreprise familiale représente toujours plusieurs vignobles auprès de la SAQ. C'est d'ailleurs en visitant un producteur en Allemagne que Mme Balthazard a eu l'idée de créer un cellier collectif. 

Le Parloir n'est pas la première entreprise d'entreposage de vin au Québec, mais elle est la seule à offrir à ses membres un espace commun accessible sans réservation. 

«On peut venir y travailler pendant la journée, sans nécessairement boire de vin, précise Mme Balthazard. On peut aussi y amener un client et ouvrir une bouteille avant d'aller voir une partie au Centre Bell.» 

Carafes, verres à vin de différents formats et seaux à glace, l'endroit possède tout le nécessaire pour déguster.

Combien ça coûte?

Entreposer son vin au Parloir coûte plus cher que dans les autres endroits qui offrent ce service au Québec. Il faut débourser annuellement 10,80 $ par vin pour un cellier de 100 bouteilles. Ce tarif unitaire décroît à mesure que la grandeur du cellier augmente. Le prix inclut l'abonnement mensuel de 60 $ au club privé. 

«Si tu isoles le prix de la location du cellier, ça revient plus ou moins à 3,60 $ par bouteille par année, précise-t-elle. Ça demeure très compétitif.» 

La SAQ exploite deux espaces de location de celliers. Le premier est situé sous son siège social, rue De Lorimier, à Montréal, l'autre est à L'Île-des-Soeurs. Le coût est de 2,55 $ par bouteille, par année. Les places sont toutefois rares et la demande est forte. 

La Cave Saint-Jacques à Montréal et Dans ma cave à vin offrent aussi un service d'entreposage. Le coût moyen est d'environ 2,20 $ par bouteille par année.

Photo François Roy, La Presse

Le Parloir ouvrira ses portes dans quelques jours dans Griffintown. Il sera possible d'y entreposer et même d'y déguster du vin.