Quand il s'agit de choisir un revêtement de sol, que ce soit pour la cuisine, la chambre à coucher, le sous-sol ou le séjour, il y a de quoi s'occuper les méninges. Céramique? Pierre? Bois franc, bois exotique? Vinyle? Bambou? Parquet flottant? Usiné, préverni, laminé? Au secours!

Si des préoccupations écolos s'ajoutent à l'équation, la chose peut devenir singulièrement complexe... ou se simplifier d'autant, puisque se trouvent alors éliminés tous les matériaux qui viennent de trop loin, contiennent des composés organiques volatils (COV), des colles toxiques, des matières non renouvelables ou non recyclables, etc. Exit donc le vinyle, les bois exotiques, bon nombre de parquets flottants, la moquette...

Parmi les matériaux qui restent sur la liste des possibles, l'un s'offre alors comme une évidence: le liège.

Eh non, il ne sert pas qu'à faire des bouchons et des tableaux d'affichage! En fait, ses propriétés isolantes et acoustiques ainsi que sa souplesse et son élasticité le rendent utile, voire indispensable, dans toutes sortes de domaines, des gréements de pêche à l'industrie automobile en passant par la chaussure, l'aérospatiale et, bien sûr, la construction et la décoration intérieure.

Qui ne se souvient pas d'avoir vu, dans un sous-sol, des murs revêtus d'épais panneaux de liège brun chocolat? Si cet usage ne s'est jamais perdu (les musiciens et techniciens de son, particulièrement, apprécient toujours les propriétés acoustiques du liège), on trouve maintenant des revêtements de sol qui rivalisent d'élégance et de résistance avec des matériaux plus courants. En prime, ils sont dotés de propriétés naturelles uniques et laissent une empreinte écologique presque nulle.

C'est la raison pour laquelle Écohabitation a choisi le liège comme couvre-sol dans sa maison Edelweiss, première construction modèle certifiée LEED v4 (Leadership in Energy and Environmental Design, version 4) au Canada.

Lui-même architecte agréé LEED, Antonin Labossière, de la firme Rayside Labossière, est doublement bien placé pour apprécier les innombrables qualités du liège. «J'en ai installé chez moi, dans la cuisine et la salle à manger, il y a sept ans, puis au sous-sol il y a quatre ans.»

«C'est un matériau extraordinaire! Dans la cuisine, le liège est infiniment plus confortable que la céramique ou même le bois franc: il est toujours à la bonne température, frais en été et chaud en hiver, et sa texture souple et moelleuse est très agréable sous les pieds.»

«Quand on reste debout longtemps, si on a des problèmes de dos ou d'articulations, ça fait vraiment une différence, ajoute M. Labossière Et puis c'est tellement facile à poser que, moi qui ne suis pas manuel pour deux sous, je l'ai installé sans aucune difficulté.»

Il ajoute que le liège, en plus d'être naturellement hypoallergénique et antimicrobien, est imputrescible et antifongique, ce qui en fait le revêtement idéal au sous-sol, où l'humidité pose souvent problème.

Dans ce cas, le liège, généralement vendu en feuilles carrées ou rectangulaires (en «tuiles») d'environ 5 mm d'épaisseur, se colle directement sur le béton à l'aide d'un adhésif sans COV, lequel joue aussi le rôle de coupe-vapeur. Il existe également des feuilles préencollées prêtes à installer.

Pour un appartement, où l'insonorisation revêt une certaine importance, on peut préférer un parquet flottant de liège monté sur un panneau de fibres à haute densité (HDF). C'est du moins ce que conseille Cristina Anjos, de la firme Lusimat, spécialisée dans l'importation et la transformation de liège portugais depuis plus de 25 ans. Elle explique que, pour donner au revêtement de liège suffisamment de résistance aux égratignures, aux chocs et à l'usure, on lui fait subir diverses transformations qui le rendent plus dense, ce qui réduit son facteur insonorisant. Le parquet flottant, posé sur une membrane également de liège, mais à faible densité, assure selon elle une insonorisation conforme aux exigences des immeubles à logements multiples tout en offrant le fini unique de ce bois. Selon les fournisseurs et le type de matériau choisi, le prix d'un revêtement de sol en liège peut varier de 4 à 8 $ le pied carré, installation en sus.

Si l'on opte pour un parquet flottant, il faut s'assurer que son âme (le support sur lequel est collé le liège) soit faite de fibres à haute densité (HDF), plus résistantes au gonflement et à la déformation en cas d'infiltration d'eau que le MDF (medium density fiberboard), et qu'elle soit sans COV. Cristina Anjos fait en outre remarquer que les panneaux de Lusimat sont fabriqués en Europe, où les normes environnementales sont plus sévères, et qu'ils ont un taux de COV quasi nul. 

Mais Antonin Labossière reste sceptique: «Le HDF, même si c'est plus résistant à l'eau que le MDF, reste un matériau perméable. En cas de dégât d'eau, c'est sûr que ça va gondoler et gonfler. Les gens se disent que, comme ça ne coûte pas cher, ils pourront le remplacer, mais je ne réfléchis pas comme ça.»

Pour sa part, il n'hésite pas à recommander la feuille de liège posée directement sur le sol, même dans une copropriété, sauf si les habitants du lieu ont, par exemple, un grand danois ou une prédilection pour les talons aiguilles, ce qui risque d'abîmer le fini à la longue. 

De toute façon, il faut s'attendre à devoir revernir le parquet tous les cinq ans environ, selon Josef Hozer, de Duro Design, également importateur, producteur et distributeur de couvre-sols en liège. C'est une opération somme toute simple et rapide parce qu'elle ne requiert pas de ponçage et que les vernis, à base d'eau, sèchent en deux ou trois heures.

Qu'est-ce que le liège?

Le liège est en fait l'écorce du chêne-liège (Quercus super), un arbre qui ne pousse qu'au pourtour de la Méditerranée - en France, en Algérie, en Tunisie, mais principalement en Espagne et au Portugal. 

Sa récolte, si elle est bien faite, n'endommage pas l'arbre, qui peut vivre jusqu'à 200 ans. 

On commence à prélever l'écorce quand l'arbre atteint l'âge de 25 ou 30 ans. Le premier prélèvement, qu'on appelle «démasclage», donne un liège très dur (le liège «mâle»), dépourvu d'élasticité et impossible à travailler autrement que par trituration. Le granulé obtenu par ce procédé, mélangé à des résines (naturelles de préférence), peut servir à fabriquer des revêtements pour sols et murs, des matériaux isolants, etc. 

On ne procède à un nouvel écorçage (la «levée» du liège) que neuf ans après le démasclage. On obtient alors un liège de deuxième génération, un peu plus fin que le mâle, mais pas encore propre à la fabrication de bouchons. C'est à compter des écorçages suivants (réalisés à intervalles de 9 ou 10 ans) que le liège, dit alors «femelle», acquiert la structure régulière souhaitée pour la fabrication de bouchons. Comme dans le cas du liège mâle ou de celui de deuxième génération, les chutes et autres débris que laisse cette production sont réduits en granules, pressés ou autrement transformés pour la fabrication de revêtements, d'isolants et de divers matériaux. Rien ne se perd, mais tout se crée!

Photo Olivier PontBriand, La Presse

Antonin Labossière, de la firme Rayside Labossière