Boudés par la plupart des antiquaires pour cause de «non-rareté», les cadeaux de noces de nos aïeules n'attirent plus que de rares connaisseurs, collectionneurs ou tout simplement amoureux de ces jolies choses un peu surannées. Pourquoi ne pas leur redonner vie?

Tombés en désuétude quand ce n'est pas en disgrâce, ils dorment dans le haut des armoires du haut, où, avec un peu de chance, ils ont droit à un dépoussiérage occasionnel, un jour de grand ménage. Ou pis: ils sont enfermés à la cave, oubliés de tous, dans une caisse de carton laissée là lors du dernier déménagement. 

Quoi donc? C'est le «beau butin» de grand-maman ou de tante Ernestine, qu'elles ne sortaient que dans les grandes occasions (et encore): compotier en verre carnaval, service à thé plaqué argent, tasses de porcelaine, cristal taillé à motif soleil... Dans la plupart des cas, on n'en tirerait, en les vendant, qu'une somme presque symbolique. Autant les conserver et leur redonner vie! À leur tour, nos héritiers s'y attacheront peut-être et leur épargneront l'humiliation de finir bradés au marché aux puces. Car oui, c'est certain: ces objets ont une âme. Il faut la sauver!

Plaidoyer pour nos trésors oubliés.

Le verre carnaval

Coloré comme du bonbon, richement orné, chatoyant, irisé, opalescent, le verre carnaval parle à notre coeur d'enfant.

Pur produit de l'industrialisation, le verre carnaval est apparu au début des années 1900 aux États-Unis. Le fait qu'il soit moulé (plus précisément pressé entre deux moules), et non soufflé, a permis d'en produire de grandes quantités, si bien que le marché s'en est trouvé pratiquement inondé. Il paraît d'ailleurs qu'il tire son nom du fait qu'on le remettait en prix dans les foires (carnivals). On l'appelait aussi «le Tiffany du pauvre». Fenton, Northwood, Dugan, Imperial et Millersburg ont été les principaux fabricants aux États-Unis, et chacun avait sa spécialité (motifs, couleur, forme, destination). Les pièces authentiques portent habituellement au cul (désolée, c'est comme ça qu'on dit) la marque de leur fabricant, souvent une simple initiale. Fenton, l'entreprise qui a duré le plus longtemps, a produit avec des moules anciens des rééditions de ses grands modèles jusqu'en 2011. 

L'aspect iridescent si caractéristique du verre carnaval s'obtient par la pulvérisation de sels oxydants sur la pièce à sa sortie du moule, avant une dernière cuisson. 

La couleur la plus commune est un orange brûlé appelé marigold. La plus rare est le rouge. On trouve aussi notamment des teintes de bleu, de somptueux violets et plusieurs tons de vert.

Le verre carnaval a été décliné surtout en plats de service, compotiers, services à petit-déjeuner (pot à lait, beurrier, sucrier et pot à cuillers), tasses, gobelets et vases à fleurs. Certaines pièces très (très) rares atteignent jusqu'à 7500$ sur eBay, mais la plupart sont beaucoup plus abordables.

Les collectionneurs ont commencé à s'intéresser au verre carnaval vers 1950, mais les antiquaires, de nos jours, le boudent en général. Seuls quelques passionnés continuent d'entretenir la flamme. C'est le cas de la petite cinquantaine de membres de l'Association de verre carnaval du Québec (AVCQ), qui se réunissent cinq fois par année pour échanger, vendre ou acheter des pièces et assister à des conférences. 

En ligne, la somme de tous les savoirs en la matière se trouve probablement dans The Field Guide of Carnival Glass, le site d'un Américain du nom de David Doty. De l'histoire du verre carnaval aux pièces rares, en passant par les arnaques du web et les copies à éviter, tout y est, en plus de centaines de photos et de plusieurs index (par couleur, motif, genre, fabricant, etc.).

verrecarnavalquebec.orgddoty.com

Les tasses à thé

Avec la popularité grandissante que connaît le thé, les jolies tasses de porcelaine de nos grands-mères reprennent doucement du service. Furieusement à la mode dans les années 50 et 60, elles étaient même le thème de réceptions-cadeaux (communément appelées showers) organisées pour les futures mariées, où chaque invitée devait apporter une tasse fantaisie à la fêtée, qui se voyait ainsi instantanément propriétaire d'une chouette collection.

Selon qu'elles sont anciennes ou récentes, peintes à la main ou non, de fine porcelaine (auquel cas elles sont translucides) ou de demi-porcelaine (ou bone china), de fabrication anglaise, française, chinoise ou japonaise, une tasse et sa soucoupe peuvent valoir plusieurs centaines de dollars sur un site comme eBay. On en trouve toutefois de fort jolies, faites par de grandes marques comme Aynsley, Royal Albert ou Royal Worcester, pour une dizaine de dollars, parfois moins. On ne s'enrichira donc pas en vendant la collection de tante Gilberte, mais on peut enrichir la collection à peu de frais! Et puis le thé est tellement meilleur dans ces jolis objets fleuris, à fioritures et à dorures...

Photo Marco Campanozzi, La Presse

Les tasses de nos grands-mères reprennent du service avec la popularité grandissante que connaît le thé.

L'argenterie

Il était de bon ton de l'exhiber dans une vitrine, au salon ou dans la salle à manger. Hélas, l'argenterie a cette fâcheuse manie de ternir inexorablement sous l'effet de l'acide sulfhydrique contenu dans l'air ambiant, d'où la corvée récurrente du polissage.

Mais la vie de la plupart de nos mères avait peu à voir avec les fastes de Downton Abbey. C'est pourquoi, faute de domesticité idoine, elles ont relégué l'argenterie à la cave ou dans l'armoire au-dessus du frigo. C'est compréhensible, mais néanmoins dommage. On ne le sait pas assez : l'argent, lorsqu'on l'utilise régulièrement, ternit fort peu.

Ressortons donc le sucrier, la soupière ouvragée, le pot à lait, le joli plateau ciselé ! Ils resteront tout beaux, pourvu qu'on les lave de temps à autre avec un savon doux, sans phosphate ni parfum de citron.

Pour savoir si l'on a affaire à de l'argent massif (sterling) ou plaqué, un indice simple : l'argent massif est beaucoup plus léger que le plaqué. Second indice: le poinçon, qui indique la composition de l'alliage. Dans le doute, consulter un expert.

Sur le marché, un service à thé et café peut valoir de quelques dizaines à plusieurs milliers de dollars. Au Canada et au Québec, toutefois, rares étaient les familles en mesure de se procurer de l'argent massif. Inutile de se précipiter à l'Hôtel des encans avec l'argenterie familiale, donc...

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

L'argent, lorsqu'on l'utilise régulièrement, ternit fort peu. L'argent massif et le plaqué se différencient facilement: le sterling est beaucoup plus léger que le plaqué.

Le cristal tailléà motif soleil

Dans les années 50 et 60, on trouvait dans pratiquement tous les foyers au moins un objet de cristal à motif soleil (pinwheel en anglais), un grand classique des cadeaux de mariage. Le vrai cristal taillé se reconnaît à son poids (il est plus lourd que le verre, car il contient du plomb) et à ses arêtes aiguës (contrairement à son imitation en verre moulé, dont les arêtes sont plus douces). Comme il est taillé à la main, il n'y a jamais deux pièces exactement identiques. C'est ce qui fait leur charme sinon leur valeur, surtout sentimentale.

Ils ne sont donc ni rares ni précieux, mais on aime quand même le plat à hors-d'oeuvre, le petit pot à confiture avec sa délicate cuiller de cristal, la belle carafe au long cou, le joli beurrier et son couvercle en dôme. Tout cela rutile et scintille, ça vous égaie un petit-déjeuner. Ça ne s'appelle pas soleil pour rien!

Photo Marco Campanozzi, La Presse

Les objets de cristal à motif soleil constituaient un grand classique des cadeaux de mariage dans les années 50 et 60. Comme ils sont taillés à la main, il n'y a jamais deux pièces exactement identiques.