André Landry est propriétaire d'Antiquités Landry. Mais plus pour longtemps. En février dernier, son commerce était en vente. Après 25 ans de service.

Il n'est pas le seul dans le quartier des antiquaires de Montréal à devoir fermer boutique. «Quatre-vingt-cinq pour cent des antiquaires ont fermé leurs portes au cours des cinq dernières années», dit M. Landry, assis dans son local de la rue Notre-Dame. «C'est un phénomène mondial, qui est observable partout, dit-il, à New York comme à Montréal.»

Les antiquités seraient-elles moins populaires?

Les Américains nantis, qui étaient de grands consommateurs d'antiquités au Québec, ne sont plus au rendez-vous.

Le marché s'est effondré depuis 2003, estime le commissaire-priseur Iegor de Saint Hippolyte. Sauf les antiquités d'exceptionnelle qualité, précise-t-il.

«À ma connaissance, le volume de transactions n'a pas baissé, dit-il. Il n'y a pas moins d'acheteurs, il y a des acheteurs à moins cher.»

Iegor de Saint Hippolyte estime que les prix ont été divisés par cinq depuis une décennie, malgré une légère reprise depuis trois ans.

Qui achète des antiquités?

«Il n'y a que des riches pour acheter des antiquités», tranche Louise Fondrouge, vendeuse depuis 12 ans chez Freddy Weil Antiquités, rue Notre-Dame. «Et ce sont des gens qui font habituellement appel aux services d'un designer», précise la dame.

En insistant un peu, Mme Fondrouge concède que la classe moyenne fait partie de sa clientèle, pour des meubles petits et au prix de 2500$ «maximum». Et les jeunes? Pratiquement jamais!

Louise Fondrouge, elle-même, a commencé à s'intéresser aux antiquités sur le tard. Tous les trois mois, elle allait faire des achats en Europe, parcourant les encans, les brocantes et les grands déballages, ces marchés aux puces réservés aux meubles et aux bibelots à vendre par des commerçants ou des particuliers. Au fil des ans, elle en a garni toutes les pièces de sa maison.

«Les antiquités sont méconnues ici. Les jeunes vont connaître un peu le meuble québécois, mais pas l'italien, l'allemand, le hollandais, le français» déplore-t-elle.

En ce moment, c'est le style Louis XVI, les pattes de meubles aux lignes droites et les patines peintes qui ont la cote.

Un marché pour les 50 ans et plus

«En 25 ans, je n'ai pas livré à l'est du boulevard Saint-Laurent une seule fois, confie André Landry, qui note que les francophones sont nettement moins friands d'antiquités que les anglophones.

Les francophones ont tendance à mettre les meubles et les accessoires sur le trottoir quand cela brise ou quand ils déménagent, confie l'antiquaire.

Les jeunes se font aussi rares à courir les antiquités, rue Notre-Dame, «à part des couples qui entrent de temps en temps à la recherche d'un berceau en bois pour leur bébé».

Pourquoi les jeunes consommateurs boudent-ils les antiquités? D'abord, ils doivent disposer d'assez d'espace pour recevoir un meuble souvent massif, répond M. Landry.

Les jeunes fraîchement sortis de l'université, qui commencent leur vie d'adulte, regardent ailleurs au moment de meubler leur première maison.

«Plus de 50% des revenus après impôt peuvent être consacrés à leur logement ou à leur hypothèque, il n'en reste pas beaucoup pour des meubles», explique Julie Foisy, 43 ans, qui a travaillé pour d'autres antiquaires avant d'ouvrir sa propre boutique près de la basilique Notre-Dame.

Dans son Appartement 86, on trouve du mobilier et des objets d'art allant du vase à 200$ à la jolie commode pour... 35 000$!

Les jeunes qui entrent dans sa boutique sont surpris, dit-elle: ils ont l'impression d'être dans un château! «Ils n'osent pas toucher. Mais vous pouvez tourner le meuble à l'envers!»

Le commissaire Iegor de Saint Hippolyte croit pour sa part que les jeunes sont au rendez-vous. Ce qui a changé: il réalise la majeure partie de ses ventes en ligne.

Les objets d'art à vendre abondent sur des sites comme eBay. Les consommateurs d'antiquités sont-ils moins nombreux ou se sont-ils simplement tournés vers l'achat en ligne?