Depuis quelques années, on ne compte plus le nombre de boutiques qui ferment leurs portes, aussitôt remplacées par des restos et des cafés branchés. Si bien qu'aujourd'hui, la rue Notre-Dame, près du Théâtre Corona, ressemble de plus en plus à la rue Saint-Denis. La survie du quartier des antiquaires est-elle menacée?

Depuis quelques années, on ne compte plus le nombre de boutiques qui ferment leurs portes, aussitôt remplacées par des restos et des cafés branchés. Si bien qu'aujourd'hui, la rue Notre-Dame, près du Théâtre Corona, ressemble de plus en plus à la rue Saint-Denis. La survie du quartier des antiquaires est-elle menacée?

L'embourgeoisement de Saint-Henri, avec la construction massive de nouveaux condos aux abords du canal Lachine, fait mal aux antiquaires. «Des investisseurs débarquent dans le quartier, achètent les immeubles commerciaux et augmentent les loyers. Certains antiquaires ont vu leur loyer tripler, voire quadrupler. Plusieurs ont donc décidé de plier bagages», constate Francis Lord, président-fondateur de l'Association du quartier des antiquaires de Montréal et propriétaire de la boutique Milord.

Attirés par les loyers modiques et la proximité de Westmount, les antiquaires ont investi la rue Notre-Dame, entre Atwater et de la Montagne, dans les années 70. On y comptait alors jusqu'à une soixantaine de commerçants. Mais les affaires ont périclité depuis. En deux ou trois ans, plus d'une dizaine, voire une vingtaine de commerçants, ont mis la clé sous la porte, affirme plusieurs antiquaires. Et les choses ne risquent pas de s'améliorer de sitôt. «Le quartier des antiquaires est en transition. Que va-t-il en rester? On n'en sait rien», dit M. Lord.

Les causes de ce déclin sont multiples. Non seulement les Américains se font plus rares depuis le 11 septembre, mais en plus, les antiquités ont moins la cote par les temps qui courent. La mode change. Le luxe était autrefois associé aux antiquités. Aujourd'hui, le design contemporain gagne en popularité, même chez les plus riches.

Les gens moins fortunés auraient également tendance à privilégier les imitations au détriment des originaux. Les reproductions ne coûtent qu'une fraction du prix et sont, naturellement, en excellente condition. «Les commerçants qui font davantage dans la brocante traversent une période difficile, tandis que les antiquaires haut de gamme s'en tirent mieux. Il y aura toujours une clientèle riche à la recherche de pièces authentiques», estime Julie Foisy, de la boutique Grand Central.

L'arrivée d'Internet bouleverse aussi le milieu. Le magasinage en ligne compte de plus en plus d'adeptes. Ce phénomène affecte les boutiques de pièces de collection, qui ferment leurs portes, faute de clients. Il est également devenu plus difficile de s'approvisionner. Beaucoup de propriétaires d'antiquités essaient de vendre par eux-mêmes leurs trésors sur Internet ou refusent de s'en débarrasser à bon compte.

D'autres commerçants attribuent la baisse des affaires à un désintéressement général face aux antiquités. «Les gens veulent des meubles utilitaires, fonctionnels, sans tenir compte de leur valeur intrinsèque, de leur histoire, de leurs caractéristiques. C'est beau et fonctionnel, ça vaut combien?» déplore un antiquaire préférant garder l'anonymat.

Face à la hausse des loyers et au ralentissement du marché, les antiquaires les plus âgés prennent leur retraite. «Dans le passé, il y avait toujours des jeunes pour les remplacer. Aujourd'hui, il n'y a plus de relève», déplore M. Lord.

Le déclin du marché des antiquités serait mondial. «À Paris, l'atmosphère est carrément morose», dit le propriétaire de Milord. Malgré tout, les antiquaires de la rue Notre-Dame ne se découragent pas. Certains affirment que seuls les moins bons ferment leurs portes. Les meilleurs résistent au ralentissement. «C'est un marché cyclique. On traverse tout simplement une mauvaise période», pense Mme Foisy. Dans quelques années, le style Louis XV reviendra sûrement à la mode.