Telle la citrouille de Cendrillon changée en carrosse, l'Halloween se transforme, bon an mal an, en milliers de dollars pour les commerçants, en bonbons pour les enfants, en dons pour l'UNICEF et en combien d'autres trésors de l'imagination.

Telle la citrouille de Cendrillon changée en carrosse, l'Halloween se transforme, bon an mal an, en milliers de dollars pour les commerçants, en bonbons pour les enfants, en dons pour l'UNICEF et en combien d'autres trésors de l'imagination.

Or cette fête dont l'histoire remonte à quelque 2000 ans a été inventée par les Celtes. Ceux-ci étaient persuadés que le 31 octobre les défunts de l'année revenaient des entrailles de la terre pour participer à la grande fête de Samhain, le prince de la mort, qu'on célébrait le 1er novembre. Pour se concilier ses bonnes grâces et tenir les morts à distance, les paysans allumaient alors des lanternes et préparaient des offrandes que les druides (grands prêtres) ramassaient de porte en porte. Puis quand les Romains ont conquis les Celtes, l'Halloween s'est arrimée avec la fête chrétienne de la Toussaint. Mais comme les rites profanes ont la vie dure, la veille de la Toussaint (All Hallow Even) devint par contraction, chez les Américains, «Halloween» et reste une nuit où les esprits, les flammes et les ténèbres sont à l'honneur.

Libérer l'imaginaire

D'un point de vue anthropologique, Jean-Jacques Chalifoux, professeur à l'Université Laval estime toutefois que l'Halloween est un rituel important, une fête sociale extraordinaire «parce qu'elle permet de libérer l'imaginaire et de prendre conscience des rôles dans nos sociétés».

«Prenez l'enfant qui se déguise en Batman, dit-il. Ce n'est pas neutre de se déguiser en Batman, ça traduit quelque chose. Selon lui, les personnages que l'enfant reproduit véhiculent les valeurs proposées dans notre société.»

«Rappelez-vous les années 90, lors de la crise du pétrole, des centaines d'enfants se déguisaient en Arabes avec des serviettes enroulées autour de la tête. C'était une façon de tourner le problème en dérision, de lui donner un sens, poursuit M. Chalifoux. Même chose si vous portez un masque de Jean Chrétien ou Georges Bush. Dans ce cas-ci, c'est la politique que vous ridiculisez.» Toutefois certains préfèrent des personnages plus sombres, plus mystérieux comme le gothique et les vampires. Ceux-là sont tout droit inspirés des romans d'Anne Rice.

«Et puis le déguisement favorise l'échange avec les autres. Ça crée une relation directe avec les gens, insiste le professeur. Si la caissière de votre supermarché est sorcière ou fée, vous allez sans doute lui sourire, lui passer une remarque gentille. Des choses que vous ne feriez sans doute pas en d'autres temps.»

«Même situation dans votre quartier, vous décorez, vos voisins le font et ensemble vous faites de l'animation.» Le professeur ajoute: «Je trouve qu'on vit dans une société où il n'y a pratiquement plus de fêtes sociales pour rire et se moquer. Je suis donc un farouche partisan de l'Halloween et je ne me scandalise nullement qu'elle soit commerciale. Si les petits Chinois fabriquent des barbiches artificielles à 1$, eh bien je dis bravo! parce qu'il faut bien gagner sa vie. Tous ces trucs pas chers signifient aussi que l'Halloween devient carnaval et donc qu'elle est de moins en moins associée à la fête des morts.»