Perchée dans une falaise, elle servait de repère aux marins du Saint-Laurent. En l'apercevant, ils savaient que Québec était tout près.

Perchée dans une falaise, elle servait de repère aux marins du Saint-Laurent. En l'apercevant, ils savaient que Québec était tout près.

Jadis «maison d'aristocrate», elle est aujourd'hui le refuge de deux artistes. Chaque centimètre carré porte l'empreinte de ce couple qui voit la beauté en tout. Les yeux de Jean-Paul Garneau captent la poésie d'un lambeau de chaloupe. Ses mains la transforment en oeuvre d'art, grâce à l'ajout de jacinthes d'eau sculptées dans le bronze. Sous ses doigts infatigables, une petite porte d'armoire devient tableau.

Huguette Garneau et Jean-Paul Joncas

Alors, vous pensez bien que le poêle de fonte à trois ponts a vite retrouvé sa splendeur d'antan, grâce à la cure minutieuse que lui a fait subir le sculpteur octogénaire. «C'était un poêle de bourgeois, affirme Jean-Paul Garneau. Il a fait le tour de Saint-Antoine-de-Tilly avant de revenir ici, dans sa maison d'origine.»

Cette demeure est un sanctuaire. Elle impose le respect, parce que ses propriétaires en ont éprouvé eux-mêmes pour elle lorsqu'ils l'ont achetée, en 2001, dans un état de délabrement extrême. «Il y avait des écureuils dans le solage», glissent-ils.

À l'étage, la cheminée semble en suspension

À l'étage, dans la grande pièce dégagée qui est leur chambre, Jean-Paul Garneau s'émeut du seul fait d'avoir découvert derrière le plafond des poutres de cèdre centenaires. «On les a fait décaper aux jets de sable, ce qui a effacé des coups de hache», déplore ce grand sensible. L'immense cheminée était aussi camouflée dans une gangue de bois. Une fois libérée, elle a révélé une singularité que nul ne peut expliquer : elle semble en suspension, à un pied du sol.

Le poêle à trois ponts, dans le salon, a retrouvé sa splendeur d'antan sous les doigts agiles du sculpteur.

Des fenêtres occupent toute la largeur du mur qui donne sur le fleuve. «C'est un couloir pour les outardes», fait observer Huguette Joncas. Ces grands oiseaux sont des muses pour cette artiste aux 1000 talents. Dans la jolie pièce du rez-de-chaussée où le couple expose ses oeuvres, il y en a une en bronze, un brin bizarre : ses pieds sont des mains. «Les mains de ma nièce Émilie», précise Huguette. Un hibou est doté, lui, des mains de Jean-Paul. Drôle de faune...

Bijou d'originalité

Une sculpture d'Huguette Joncas

La cuisine est un bijou d'originalité. Les électroménagers en inox se mesurent à un vaisselier des Ursulines que Jean-Paul avait repéré, du temps où il était facteur dans le quartier latin. C'était après la guerre et bien après l'époque où il fabriquait des munitions, à l'Arsenal de la côte du Palais, à Québec «On faisait des balles en nickel, c'était pas cheap», raconte-t-il avec humour.

Les anciennes portes du presbytère de Lauzon, auxquelles M. Garneau a fait ajouter des vitraux.

Sa fascination du métal lui vient de là. Elle ne l'a jamais lâché. Non content de sculpter des bronzes qui se retrouvent aujourd'hui dans des collections à travers le monde, il trouve encore de la joie à retaper des maisons. Cette beauté de Saint-Antoine-de-Tilly ne sera pas sa dernière, jure-t-il. Il a fabriqué lui-même ses armoires de cuisine, en un mariage très réussi d'érable et de cuivre martelé. Au centre, trône un bloc de boucher, digne ancêtre de nos îlots modernes.

Un luminaire signé Jean-Paul Garneau

Ici, le vieux est soudé au moderne avec un mortier intemporel : l'inspiration, qui repère dans chaque objet, chaque être vivant, son plein potentiel de beauté.