Se réinventer après avoir pratiquement inventé l'industrie du jeu vidéo, miser sur la nouveauté et la nostalgie, proposer une vision familiale alors que les jeux plus violents font fureur... C'est fort de tous ses paradoxes que Nintendo entend séduire les Québécois, la mission que Pierre-Paul Trépanier, nommé l'an dernier grand patron au Canada, s'est fixée.

Baisse au Québec

Alors que le Canada est un marché très payant pour les fabricants de consoles comme Nintendo, le Québec se montre plus réservé. « On trouve depuis quelques années que notre part de marché est plus basse qu'à l'époque de la Wii [à partir de 2006], explique M. Trépanier. On n'a pas assez investi pour expliquer nos jeux, nos expériences. Depuis un an, on se remet à trouver des façons originales de les présenter. »

Des messages publicitaires jouant sur les souvenirs de personnalités québécoises, comme Vanessa Pilon et Jean-François Baril, ont notamment été tournés. « Ce n'est pas de la vente ou du marketing, dit le directeur général de Nintendo Canada. Ce que les messages réussissent à faire, c'est le pont entre ce qu'on a vécu quand on était jeunes et les nouveaux jeux qui permettent de recréer ce plaisir. »

Penser famille

Si vous avez l'impression que le graphisme de Nintendo est souvent enfantin, avec un préjugé favorable pour les orgies de couleurs, vous avez raison : c'est voulu. « Si on regarde l'ensemble de nos jeux, il y en a beaucoup qui sont axés sur la famille, explique M. Trépanier. On parle de gens qui jouent de façon sociale, tous sur un divan. On est une des seules plateformes où l'accent n'est pas mis sur les jeux avec fusils. » 

Il a d'ailleurs eu la chance de visiter des studios de développeurs au Japon, où on est à mille lieues des ambiances jeunes et branchées nord-américaines. Contrairement aux autres fabricants de consoles, Nintendo conçoit l'écrasante majorité de ses jeux à l'interne. « Ce sont des centres très créatifs, des ateliers d'artisans qui travaillent à trouver ce qui fait sourire les gens », raconte M. Trépanier.

« Le design est axé sur les couleurs primaires, il y a beaucoup d'intérêt pour les parents et les enfants. »

C'est évidemment à l'approche du temps des Fêtes que Nintendo réalise ses plus grosses ventes, « 50 % de notre année ; c'est vraiment très important pour nous de faire une bonne job à ce moment-ci ».

En magasin

Les grandes vedettes du fabricant japonais, ce sont évidemment les consoles Wii U et 3DS, auxquelles sont couplés des classiques renouvelés, comme Super Mario Maker, Yoshi's Woolly World et The Legend of Zelda - Twilight Princess, en version HD. Depuis un an, ce sont cependant de drôles de bêtes, les amiibo, qui font fureur au Canada, avec plus de 1,1 million d'unités vendues. Ces figurines ou cartes de personnages comme Mario, Yoshi ou Inkling Boy, dotées d'une puce NFC, permettent d'interagir avec le jeu quand on les approche de l'écran. « Les plus adorables, ce sont les Yoshis faits de laine, dit M. Trépanier. Les amiibo font bien des choses différentes et peuvent être utilisés avec plusieurs jeux. Ça débloque un costume spécial, ça permet d'ajouter un partenaire de combat dans Super Smash Bros. »

Mobile pour l'avenir

Même si les jeux de console sont ceux qui permettent d'engranger le plus de revenus, Nintendo a pris bonne note du succès grandissant des jeux sur appareils mobiles, téléphones ou tablettes. « On a annoncé notre premier jeu sur téléphone cellulaire pour l'année prochaine », dit le directeur général. Quant au marché québécois, il acquiesce quand on lui suggère qu'il est peut-être davantage axé sur les jeux à grand déploiement pour adultes, comme Assassin's Creed ou Call of Duty, que sur les jeux familiaux. 

« Il y a peut-être un peu de ça... Mais plusieurs de ces joueurs traditionnels [core gamers] commencent à découvrir que ce n'est pas toujours nécessaire d'avoir les plus beaux graphiques et un niveau d'action super intense. On veut parfois s'asseoir avec la famille et s'amuser ensemble. C'est un peu ça, la magie de Nintendo. »