(Édimbourg) Tristesse, bruine, mais aussi une forme étrange d’effervescence. Édimbourg pleure la reine Élisabeth II et se prépare à accueillir le cercueil de la monarque qui s’est éteinte jeudi dans son château écossais de Balmoral.

Contre un mur humide qui ceint Holyroodhouse, palais officiel de la monarchie dans la capitale écossaise, les fleurs se font de plus en plus nombreuses.

Gary Millar, technicien de 45 ans, dépose un bouquet et se recueille en silence. Dès le petit matin, il est venu pour témoigner son « respect » envers la reine.

« Elle nous a honorés pendant tout son règne en accomplissant son devoir », souligne-t-il la voix serrée. C’est le moment pour le public de « lui rendre un peu de ce qu’elle a offert au pays pour marquer son respect ».

En Écosse, dirigée par un gouvernement indépendantiste, la reine est bien plus populaire que la monarchie elle-même. Mais pour Gary Millar, la souveraine a « maintenu le pays ensemble ». « Elle a été là toute ma vie ».

La foule se fait de plus en plus nombreuse, va et vient, fait la queue pour voir et prendre en photo l’annonce officielle de la mort de la reine placardée sur les grilles.

La lire « rend peut-être les choses plus réelles », explique Emma Bennett, médecin de 47 ans qui vit non loin d’Édimbourg.

L’un de ses premiers souvenirs est d’être allée voir passer le navire de la reine en Irlande du Nord, dont elle est originaire, à l’occasion de son jubilé d’argent, en 1977.

Des barrières sont mises en place, tout comme une estrade où prendront place les caméras qui retransmettront dans le monde entier les images du cortège.

Le « bon monarque pour l’époque »

C’est à Holyroodhouse que le cercueil de la reine est attendu dans les prochains jours. La dépouille sera ensuite portée en procession par le Royal Mile, l’artère principale de la capitale écossaise, jusqu’à la cathédrale Saint-Gilles où un service religieux se tiendra en présence de la famille royale et le public pourra se recueillir.

Le cercueil sera ensuite acheminé vers Londres.

Au pied du mur fleuri, des jardiniers arrangent la pelouse sur un fond sonore de tondeuse et de débroussailleuse, dans une odeur humide mêlant essence et herbe coupée.

Émue aux larmes, Rebecca Evans, 44 ans est simplement « triste », bien que la disparition de la reine ne soit pas « inattendue ».

« Elle a accueilli la nouvelle première ministre » Liz Truss mardi et semblait « aller bien » et « jeudi elle nous quitte », sanglote-t-elle.

« Il se passe tellement de choses au Royaume-Uni en ce moment », poursuit cette femme blonde vêtue d’un sweat-shirt fuchsia, énumérant le Brexit, « ce gouvernement », la « crise de l’énergie », « la récession ». La mort de la reine représente une « telle tristesse ».  

Les Écossais sont « notoirement grincheux », relève-t-elle, mis « on aime vraiment la reine » et « la famille royale ». Travaillant pour un cercle de réflexion sur l’environnement, elle prédit que le roi Charles III, de longue date attaché à la défense de la nature et du climat, sera le « bon monarque pour cette époque ».

« Jamais en grève »

Le fait que le cercueil de la reine repose dans un premier temps en Écosse est selon elle une source de fierté localement, alors que « tout est centré sur Londres ».

Par respect pour la reine, postiers et cheminots ont annulé leurs grèves. « C’est peut-être la réponse la plus britannique », parce que la reine « ne s’est jamais mise en grève », souligne Rebecca Evans.

Irlandaise de 48 ans installée à Édimbourg, Orla Bell est venue pour déposer des fleurs, car sa mère est une « grande fan de la famille royale ». Tant et si bien qu’il y a 25 ans, elle avait laissé un bouquet pour sa mère quand la princesse Diana est morte.

« La reine était comme une mère pour tout le pays », songe-t-elle, « je crois que Tony Blair l’avait qualifiée de matriarche du pays ». Mais « même si vous n’êtes pas un fan de la famille royale ou n’êtes pas Britannique, je crois que c’est important pour tout le monde ».