(Sokolka) L’UE et les États-Unis ont annoncé lundi préparer de nouvelles sanctions contre le régime biélorusse, peu convaincus par les assurances de Minsk de faire rentrer « chez eux » les migrants campant à la frontière polonaise après avoir, selon les Occidentaux, orchestré leur afflux.

« Attention ! Tout franchissement illégal de la frontière est interdit. Vous risquez des poursuites au criminel », répétaient lundi par haut-parleurs les gardes-frontières polonais aux centaines de migrants massés lundi au poste-frontière de Brousgui (Biélorussie), face à la ville polonaise de Kuznica.

Des images diffusées par les médias biélorusses les montraient autour de feux de camp, s’allongeant dans des sacs de couchage à l’ombre de barbelés ou faisant face aux membres casqués des forces polonaises qui gardent la zone frontalière.

Manipulés et pris en étau

Prises en étau le long de la frontière entre les deux pays, deux à trois mille personnes au total, souvent originaires du Kurdistan irakien, dont de nombreux enfants, se préparaient lundi soir à passer une nouvelle nuit dehors par des températures négatives.  

« On attend ici, entre soldats polonais et biélorusses. Ils ne nous laissent aller nulle part », a dit au téléphone à l’AFP, Aryan Wali Zellmi, un Kurde d’Irak âgé de 25 ans. « Je veux aller dans n’importe quel pays. Nous sommes tous fatigués et à bout », a renchéri, également au téléphone, un ex-chauffeur routier irakien, bloqué avec sa femme et leurs trois enfants, dont un nourrisson et un garçon de huit ans amputé des quatre membres.

Les Européens accusent la Biélorussie d’avoir organisé depuis l’été des mouvements migratoires à partir du Moyen-Orient vers les frontières polonaise et lituanienne pour se venger de sanctions occidentales prises après la répression de l’opposition dans ce pays à la suite d’une élection présidentielle contestée.

L’UE va adopter « dans les prochains jours » de nouvelles sanctions contre des personnes et organisations contribuant à l’afflux des migrants, a fait savoir lundi le chef de la diplomatie de l’UE, Josep Borrell, à l’issue d’une réunion des ministres des Affaires étrangères des Vingt-Sept à Bruxelles.

Ces sanctions toucheront « un nombre important » de personnes et d’entités, a-t-il souligné.

Exploitation « inhumaine » des migrants

Le même jour, les États-Unis ont eux aussi annoncé « préparer » des sanctions supplémentaires contre la Biélorussie pour dénoncer l’exploitation « inhumaine » par le régime d’Alexandre Loukachenko des flux migratoires et plus largement « ses attaques persistantes contre la démocratie, les droits humains et les normes internationales ».

Washington a à cet égard précisé agir « en coordination avec l’Union européenne ».

Parallèlement, des entretiens entre le chef de l’État français Emmanuel Macron et son homologue russe Vladimir Poutine ainsi qu’entre la chancelière allemande Angela Merkel et Alexandre Loukachenko ont eu lieu pour accroître la pression sur les présidents russe et biélorusse.

Selon l’Élysée, M. Poutine, interpellé sur la crise des migrants aux confins orientaux de l’Union européenne, a promis d’« en parler » à son homologue biélorusse.

Le président Loukachenko, dont la réélection en août 2020 n’a pas été reconnue par l’UE, a de nouveau nié lundi toute responsabilité.

Mur polonais

Il a même assuré vouloir le retour des migrants « chez eux » : « Nous sommes prêts […] à les mettre tous dans des avions qui les ramènent à la maison. Un travail actif est en cours pour convaincre ces gens », a-t-il déclaré, selon l’agence de presse d’État Belta.

Mais, a-t-il insisté, « ils ne veulent pas rentrer. Il est clair qu’ils n’ont plus où rentrer, plus de domicile et n’ont rien pour y nourrir leurs enfants ».

Ses propos n’ont pas semblé convaincre les ministres européens des Affaires étrangères.

« Je n’ai aucune raison de croire que ce que (M. Loukachenko) dit est vrai », a martelé le chef de la diplomatie lituanienne Gabrielius Landsbergis.

De son côté, la Pologne a annoncé lundi qu’elle commencerait en décembre la construction d’un mur le long de la frontière avec la Biélorussie, en vue de l’achever au premier semestre 2022.

Alexandre Loukachenko s’est dit prêt lundi à se « défendre » en cas de mesures de rétorsion européennes.

Il s’était précédemment dit prêt à couper le transit du gaz russe vers l’Europe, mais Moscou a rapidement minimisé la portée de la menace. Vladimir Poutine a appelé les Européens à renouer le dialogue.

La Russie a également rejeté les accusations de Varsovie, qui considère Moscou comme le véritable commanditaire de la crise migratoire, sur fond de tensions russo-occidentales.

Le Kremlin invoque les « idéaux européens d’humanisme »

Lundi, le Kremlin a encore jugé « erroné » d’imputer à Minsk la responsabilité de la crise et regretté que l’UE « fasse abstraction des idéaux européens d’humanisme » en ne portant pas secours aux migrants bloqués dans le froid.

Varsovie refuse de laisser ces milliers de personnes entrer dans l’UE, qui a été déstabilisée à partir de 2015 par l’afflux de centaines de milliers de malheureux fuyant les guerres et la misère au Moyen-Orient ou en Afghanistan.

Si certains groupes ont franchi les barbelés ces derniers jours, ils ont souvent été interpellés et renvoyés en Biélorussie.

La compagnie aérienne biélorusse Belavia a annoncé que Syriens, Irakiens, Afghans et Yéménites étaient désormais interdits de vol de Dubaï vers la Biélorussie, sur « décision des autorités compétentes des Émirats arabes unis ». La Turquie a imposé les mêmes restrictions la semaine passée.

Enfin, le gouvernement irakien a annoncé l’organisation jeudi d’un premier vol de rapatriement de migrants irakiens « sur la base du volontariat ».