(Sant Joan de Vilatorrada) Les neuf indépendantistes catalans graciés mardi par le gouvernement espagnol sont sortis mercredi de prison après plus de trois ans derrière les barreaux, une libération destinée pour Madrid à « tourner la page » de la tentative de sécession de 2017.

Acclamés par des militants indépendantistes, sept d’entre eux ont quitté la prison de Lledoners à Sant Joan de Vilatorrada, au nord-ouest de Barcelone, vers 12 h (6 h heure de Montréal) et déployé une banderole où l’on pouvait lire « Freedom for Catalonia » (Liberté pour la Catalogne), a constaté l’AFP sur place.  

Parmi eux, Oriol Junqueras, ex-vice président du gouvernement régional indépendantiste de Carles Puigdemont, qui avait été condamné à la peine la plus lourde avec 13 ans de prison.

Présent pour les accueillir, le président régional catalan, Pere Aragonès, les a pris successivement dans ses bras.

« Nous continuerons à travailler jusqu’au jour de la victoire […] pour que le rêve de la république catalane devienne une réalité. Vive la Catalogne libre ! », a lancé M. Junqueras.

« Nous n’accepterons en aucun cas de nous taire en échange de cette grâce », a également mis en garde Jordi Sanchez, dirigeant d’une importante association indépendantiste lors de la tentative de sécession de 2017.

Incarcérées dans deux autres prisons pour femmes en Catalogne, l’ex-présidente du Parlement catalan Carme Forcadell et l’ex-membre du gouvernement régional Dolors Bassa, sont sorties à peu près au même moment.  

Devant la prison de Lledoners, Ignasi Solé, mécanicien à la retraite âgé de 65 ans, a indiqué avoir voulu rendre hommage au « sacrifice pour la Catalogne » de ces dirigeants indépendantistes.

« En finir avec la division »

Annoncée en grande pompe lundi par le premier ministre socialiste Pedro Sánchez, cette grâce, approuvée formellement mardi, doit marquer, selon lui, « une nouvelle étape de dialogue » destinée à « en finir une fois pour toutes avec la division et l’affrontement ».

Les services de M. Sanchez ont annoncé mercredi qu’il recevrait mardi M. Aragonès au siège du gouvernement espagnol, une réunion préalable à la reprise prochaine des négociations entre gouvernements central et régional afin de tenter de trouver une issue à la crise séparatiste en Catalogne.

Les neuf dirigeants séparatistes graciés avaient été condamnés à des peines allant de 9 à 13 ans de prison pour leur rôle dans la tentative de sécession de 2017, marquée par l’organisation d’un référendum d’autodétermination le 1er octobre. Une consultation interdite par la justice et émaillée de violences policières dont les images avaient fait le tour du monde.

Le Parlement régional catalan avait ensuite voté, quelques semaines plus tard, une vaine déclaration unilatérale d’indépendance. En réponse, Madrid avait destitué le gouvernement régional et mis la région autonome sous tutelle. Plusieurs membres du gouvernement catalan avaient fui à l’étranger, dont Carles Puigdemont, aujourd’hui en Belgique et que Madrid veut toujours voir jugé en Espagne.

La tentative de sécession de cette riche région du nord-est de l’Espagne peuplée de 7,8 millions d’habitants a constitué l’une des pires crises politiques vécues par l’Espagne depuis la fin de la dictature franquiste en 1975.

Une « trahison » pour l’opposition

Partielle, cette grâce ne lève pas la peine d’inéligibilité à laquelle ces indépendantistes avaient été condamnés. Elle est aussi « conditionnée » au fait qu’ils ne commettent pas un « nouveau délit grave » pendant trois à six ans.

M. Sanchez a souligné dans une tribune publiée mercredi par le quotidien El País que ce « nouveau chemin » devait permettre de « tourner la page » de 2017. Avant de marteler que « sans l’Espagne, la Catalogne ne serait ni européenne, ni prospère ni plurielle », une manière de réaffirmer son opposition à l’indépendance de la région.

Les indépendantistes campent, eux, toujours sur leur exigence d’un référendum d’autodétermination et d’une amnistie totale, c’est-à-dire un effacement du délit, pour toutes les personnes condamnées ou poursuivies, comme Carles Puigdemont. Madrid a balayé ces deux revendications.

Pour sa part, l’opposition de droite, qui accuse Pedro Sanchez de « trahison », l’a appelé mercredi à démissionner.  

« Vous sortez de prison neuf délinquants en échange de leur engagement à ne pas vous sortir, vous, de la Moncloa », le siège du gouvernement espagnol, a lancé le chef du Parti Populaire (PP), Pablo Casado, à M. Sanchez lors d’un vif échange à la Chambre des députés, en référence au soutien d’une partie des indépendantistes catalans à son gouvernement minoritaire.