À l’issue d’une longue journée où se sont étalées au grand jour leurs divisions et dysfonctions, les démocrates progressistes et modérés de la Chambre des représentants ont eu besoin de l’aide de républicains pour permettre à Joe Biden de remporter une victoire au forceps et de revendiquer une réalisation qui avait échappé à ses deux derniers prédécesseurs.

Par 228 voix contre 206, la Chambre a adopté un projet de loi de 1200 milliards de dollars sur les infrastructures, un investissement massif pour remettre à neuf des routes, ponts, aéroports et autres ouvrages aux États-Unis. Le Sénat avait déjà approuvé cette initiative en août dernier par 69 voix contre 30.

Treize représentants républicains ont voté pour le projet de loi. Six démocrates s’y sont opposés. Les démocrates ne pouvaient se permettre plus de trois défections sans obtenir l’aide de républicains pour assurer l’adoption de la plus importante mesure législative de la présidence de Joe Biden depuis le passage de son plan de relance économique de 1900 milliards de dollars en mars dernier.

Après avoir reporté son départ de la Maison-Blanche pour un week-end au Delaware, Joe Biden a reçu le texte de 2000 pages, qui doit être ratifié par sa signature.

Cette victoire est survenue à la fin d’une semaine pénible pour Joe Biden et son parti, dont les défaites électorales ont été attribuées en partie à leur incapacité à adopter leurs réformes. Elle a été obtenue à l’issue d’une journée au cours de laquelle démocrates modérés et progressistes ont failli saboter ces mêmes réformes.

Compromis

Au bout du compte, les deux parties se sont entendues sur un compromis. Le groupe progressiste, à quelques membres près, a accepté de voter pour le plan d’investissements dans les infrastructures en échange d’une promesse des modérés de voter à la mi-novembre sur la réforme la plus ambitieuse de Joe Biden.

Il s’agit d’un programme social et climatique de 1750 milliards de dollars sur dix ans qui devait faire l’objet d’un vote avant celui sur les infrastructures.

« Je demande à chaque membre de la Chambre de voter oui sur ces deux projets de loi », avait déclaré Joe Biden lors d’une intervention matinale à la Maison-Blanche au cours de laquelle il avait pu se réjouir de deux bonnes nouvelles : l’économie américaine a ajouté 531 000 emplois en octobre et Pfizer a dévoilé les succès initiaux d’un médicament prometteur pour traiter la COVID-19.

Pendant une bonne partie de la journée, cet appel semblait être tombé dans l’oreille de sourds.

Cinq démocrates modérés ont d’abord annoncé qu’ils n’étaient pas encore prêts à appuyer le programme social et climatique. Ils ont dit vouloir attendre une estimation indépendante du coût du programme. Préparée par le Bureau du budget du Congrès, cette estimation ne sera pas disponible avant la mi-novembre.

Négociations

Face à une telle exigence, la présidente de la Chambre, Nancy Pelosi, et ses lieutenants ont décidé de mettre de côté le programme social et environnemental et de tenir plutôt un vote sur le deuxième projet de loi au menu.

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Nancy Pelosi, présidente de la Chambre des représentants

Or, les démocrates progressistes avaient déjà laissé savoir qu’ils étaient opposés à la tenue d’un vote sur ce projet de loi avant l’adoption de leurs priorités sociales et environnementales.

« Si nos cinq collègues veulent encore attendre l’estimation du Bureau du budget du Congrès, nous serions d’accord pour leur donner ce temps – après quoi, nous pouvons voter sur les deux projets de loi en même temps », a déclaré la représentante démocrate de l’État de Washington, Pramila Jayapal, présidente du groupe progressiste de la Chambre, aux journalistes.

Comme les autres membres de ce groupe, elle craignait que les démocrates modérés de la Chambre et du Sénat ne se désintéressent du programme social et environnemental après l’adoption par la Chambre du projet sur les infrastructures.

Au milieu de l’après-midi, Nancy Pelosi a refusé d’admettre que son plan risquait d’échouer.

« Nous ne sommes pas un parti qui marche au pas cadencé. C’est un défi additionnel, mais je vois chaque défi comme une opportunité », a-t-elle déclaré lors d’une conférence de presse.

Des négociations se sont poursuivies jusqu’au milieu de la soirée. Vers 22 h, les cinq modérés ont publié une déclaration dans laquelle ils se sont engagés à voter pour le programme social et climatique voulu par le président si le Bureau du budget du Congrès confirme qu’il ne creusera pas le déficit.

Ce programme prévoit notamment d’augmenter les impôts des millionnaires. S’il est adopté par la Chambre, il sera ensuite examiné par le Sénat, où les sénateurs démocrates Joe Manchin et Kyrsten Sinema pourraient vouloir apporter des changements.