L'écrasement d'avion qui a coûté la vie au couple présidentiel et d'autres hauts responsables polonais en Russie, ce matin, a profondément bouleversé les Montréalais d'origine polonaise. Pour la diaspora, il s'agit d'un jour doublement triste puisque les dignitaires étaient en route vers une cérémonie pour commémorer le 70e anniversaire du massacre de Katyn, tragédie au cours de laquelle 22 000 officiers polonais ont été exécutés par la police de Staline.

«Katyn c'est la fleur du peuple et encore une fois, la fleur est morte», s'est désolée Bozena Chylewska, enseignante de littérature et de grammaire à l'école polonaise de Montréal. «Je suis convaincue qu'il s'agit d'un accident, mais c'est terrible que ce se soit passé dans des circonstances aussi symboliques.»

L'école primaire polonaise de Montréal est nichée dans la cour du consulat général de Pologne à Montréal. À l'ombre du drapeau national mis en berne à la suite de la tragédie, les cris joyeux des enfants en récréation contrastaient avec les visages longs et atterrés des enseignants.

«Ce matin, les parents qui sont venus déposer leurs enfants à l'école étaient vraiment secoués», a raconté Anne-Marie Dziewiszek, bibliothécaire. «Avant le début des classes, nous avons rassemblé tous les enfants pour leur parler de ce qui s'était passé et pour observer une minute de silence. Nous leur avons aussi parlé de Katyn, mais pour eux c'est très difficile à comprendre.»

À l'école secondaire polonaise de Montréal, située à quelques minutes de marche, les adolescents semblaient un peu plus affectés que leurs cadets par la tragédie. «Même si je vis ici, c'est très troublant pour moi», a expliqué Martha, 17 ans. «Ça me rappelle les souffrances antérieures de notre pays.»

La thèse du complot écartée

Les yeux rivés sur son téléviseur qui diffusait en boucle des bulletins d'information en polonais, le consul-général de la Pologne à Montréal, Tadeusz Zylinski, s'est dit «ébranlé» par la nouvelle. Le diplomate connaissait le président Lech Kaczynski depuis les années 1970, alors qu'ils étaient tous deux professeurs de droit du travail à l'université.

«C'était un intellectuel et un homme très chaleureux», a-t-il affirmé. «C'est un jour triste et très, très difficile parce que j'ai perdu plusieurs collègues, dont mon ancien patron, le chef du protocole diplomatique.»

Selon des bilans officiels, 97 personnes ont péri dans l'accident dont 88 membres de la délégation polonaise et neuf membres d'équipage. L'appareil Tupolev 154 s'est écrasé à 10h50 (heure locale) près de la piste de l'aéroport militaire de Smolensk, après plusieurs tentatives d'atterrissage dans un épais brouillard, selon les autorités russes.

Parmi les victimes figurent le président de la Banque centrale polonaise, le chef d'état-major des forces armées, ainsi que les principaux chefs de l'armée polonaise. Le candidat de la gauche à la présidence, le vice-président de la Diète (chambre basse), la vice-présidente du Sénat, deux secrétaires d'État à la présidence et le président de l'Association des familles de Katyn étaient également à bord.

Photo: David Boily, La Presse

Anne-Marie Dziewiszek

Pour l'instant, Tadeusz Zylinski écarte la thèse d'un complot. «On me dit que les conditions d'atterrissage étaient très difficiles. Une commission d'enquête est déjà mise sur pied et les autorités russes nous on assuré qu'elles allaient coopérer avec nous pour découvrir toutes les causes de l'accident. Nous devons laisser les spécialistes faire leur travail.»

Il y aurait entre 30 000 et 40 000 Québécois d'origine polonaise à Montréal, selon les évaluations de M. Zylinski.

Les personnes qui souhaitent écrire quelques mots de condoléances au couple présidentiel et aux victimes de l'écrasement peuvent le faire dans un registre mis à la disposition de la population dans le hall du consulat.

Cascades de réactions

De la Russie aux États-Unis, en passant par les pays d'Europe de l'Est, la catastrophe aérienne a rapidement fait réagir les chefs d'État à travers le monde.

Au Canada, le premier ministre Harper a offert ses condoléances au peuple polonais. «Le président Lech Kaczynski était un homme qui défendait fièrement et avec vigueur la démocratie et les droits de la personne même dans les périodes les plus difficiles», a-t-il affirmé dans un communiqué. «Sa disparition soudaine est une grande perte pour son pays et pour ses nombreux amis ici au Canada, notamment au sein de la communauté polonaise.»

Le premier ministre du Québec, Jean Charest, a également exprimé ses sympathies. «Je tiens à dire au peuple polonais et à la communauté polonaise vivant au Québec que toutes nos pensées leurs sont dirigées», a-t-il déclaré.

- Avec AFP

Photo: David Boily, La Presse

Le consul-général de la Pologne à Montréal, Tadeusz Zylinski.