Le premier ministre japonais, Naoto Kan, critiqué de toutes parts pour sa gestion de la catastrophe du 11 mars, a jeté l'éponge vendredi, ouvrant la voie à l'élection du sixième premier ministre en cinq ans dans un pays traumatisé et fortement endetté.

«Aujourd'hui, je démissionne de mon poste de président du Parti démocrate du Japon (PDJ)», a annoncé M. Kan devant les parlementaires du PDJ. «Une fois qu'un nouveau président sera élu, j'abandonnerai sans tarder mon poste de premier ministre et mon gouvernement démissionnera collectivement.»

L'élection de son successeur à la tête du parti se déroulera lundi et le vainqueur sera élu premier ministre, probablement le lendemain, par le Parlement.

Au Japon, le président du parti majoritaire à la Chambre des députés est assuré de sa nomination à la tête du gouvernement, même avec un Sénat contrôlé par l'opposition, comme c'est le cas aujourd'hui.

M. Kan, 64 ans, élu en juin 2010, est critiqué par l'opposition conservatrice, mais aussi au sein de son propre camp, pour ses hésitations et maladresses face au désastre engendré par l'énorme séisme et le tsunami géant qui ont dévasté les côtes du nord-est du Japon faisant plus de 20 000 morts et disparus.

Le tsunami a également provoqué à la centrale de Fukushima la plus grave catastrophe nucléaire depuis celle de Tchernobyl en 1986.

Évoquant son bilan lors d'une conférence de presse, M. Kan a reconnu qu'il y avait eu «des moments très difficiles». «Je pense que nous avons fait ce que nous devions faire», a-t-il dit.

Mais il a reconnu qu'après le tsunami, «la réponse n'avait pas été suffisante, ni assez rapide».

«Les autorités avaient des structures pour gérer les catastrophes, mais l'ampleur du séisme et de l'accident (nucléaire) a dépassé les moyens prévus», a-t-il dit, en rappelant que les liaisons téléphoniques ne fonctionnaient plus et que les routes étaient impraticables.

Depuis la catastrophe, M. Kan s'est fait l'avocat d'un abandon progressif de l'énergie nucléaire au Japon au profit des énergies renouvelables. Mais son parti ne s'est pas prononcé sur cet engagement.

Parmi les favoris pour lui succéder figurent l'ancien ministre des Affaires étrangères, Seiji Maehara, 49 ans, le plus populaire auprès des Japonais selon les sondages, et l'actuel ministre des Finances, Yoshihiko Noda, 54 ans, partisan d'une hausse de la taxe sur la consommation actuellement de 5%.

S'il est élu, M. Maehara, qui est pour sa part opposé à toute augmentation d'impôts, deviendra le plus jeune Premier ministre japonais depuis la Deuxième Guerre mondiale.

D'autres candidats sont sur les rangs, comme le ministre de l'Économie, du Commerce et de l'Industrie, Banri Kaieda, celui de l'Agriculture, Michihiko Kano, et un ancien ministre des Transports, Sumio Mabuchi.

«Des tâches très difficiles attendent le prochain Premier ministre, avec en premier lieu la reconstruction dans les zones dévastées», a souligné Shinichi Nishikawa, professeur de sciences politiques à l'université Meiji de Tokyo. «Mais ce changement à la tête du pays va une nouvelle fois donner l'impression au reste du monde que le pouvoir au Japon est inconstant.»

L'agence de notation financière Moody's vient d'ailleurs de baisser d'un cran à Aa3 la note de la dette à long terme du Japon à cause de son endettement massif --environ deux fois son produit intérieur brut (PIB)--, mais aussi du fait de l'instabilité politique.

«Au cours des cinq dernières années, les changements fréquents de dirigeants ont empêché le gouvernement de mettre en oeuvre des stratégies économiques et fiscales qui puissent être efficaces et durables», a-t-elle souligné.

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Principaux candidats à la succession de Naoto Kan

Seiji MAEHARA, 49 ans > Ex-ministre des Affaires étrangères, partisan de la fermeté face à la Chine et la Corée du Nord, il apparaît comme le favori pour remplacer M. Kan. S'il est élu, il deviendra le plus jeune Premier ministre de l'après-guerre.

Un des rares élus à ne pas être issu d'une famille d'hommes politiques, il a gravi les échelons jusqu'à diriger pendant six mois le Parti démocrate du Japon (PDJ), en 2005, à l'époque où cette formation était dans l'opposition.

Diplômé de l'université de Kyoto, il a ensuite étudié à l'Institut Matsushita de l'administration et du management, école privée chargée de former les futurs dirigeants en recourant notamment au sport et à la méditation.

Le 6 mars, M. Maehara a démissionné de son poste de ministre des Affaires étrangères après avoir reconnu qu'une Coréenne résidant de longue date au Japon lui avait versé, à son insu, des dons de 250.000 yens (2.250 euros), en contravention avec la loi sur le financement politique.

Il est partisan de doper la croissance plutôt que d'augmenter les impôts.

Yoshihiko NODA, 54 ans > L'actuel ministre des Finances est davantage réputé pour être un homme compétent qu'un visionnaire.

Pendant son mandat, il a assisté au retour dans la récession de la troisième économie mondiale après le séisme et le tsunami du 11 mars, la pire tragédie au Japon depuis la Deuxième guerre mondiale.

M. Noda est partisan d'une vaste réforme du système fiscal, incluant une hausse des impôts, dont la taxe sur la consommation, afin d'assainir les finances du Japon, lesté d'une dette énorme.

Récemment, lors de l'anniversaire de la reddition du Japon le 15 août 1945, il a déclaré que les criminels de guerre japonais condamnés par un tribunal des Alliés n'étaient en fait pas des criminels.

Banri KAIEDA, 62 ans > Economiste réputé devenu homme politique, il est entré dans le gouvernement de Naoto Kan en septembre 2010 comme ministre du Budget. Lors d'un nouveau remaniement en janvier, il a hérité du ministère de l'Economie, du Commerce et de l'Industrie (Meti) et a, à ce titre, été associé aux efforts pour maîtriser la crise à la centrale nucléaire de Fukushima après le tsunami du 11 mars.

Partisan d'un redémarrage des réacteurs nucléaires, ses relations se sont détériorées récemment avec M. Kan, qui s'est lui prononcé publiquement pour un abandon progressif de l'énergie nucléaire.

M. Kaieda a pleuré en juillet lors d'une session au Parlement, lorsqu'un élu a exigé sa démission. Il a ensuite dit que ses larmes avaient été provoquées par l'évocation de la catastrophe.

Michihiko KANO, 69 ans > Ministre de l'Agriculture, des forêts et de la pêche depuis septembre 2010.

Il prône l'unité au sein du PDJ, déchiré par des rivalités entre fractions, mais ne figure pas parmi les favoris du public pour devenir Premier ministre.

Sumio MABUCHI, 51 ans > Ingénieur de formation, il a été ministre des Infrastructures et des Transports dans le précédent gouvernement de Naoto Kan. Père de six enfants, cet adepte du culturisme a été surnommé «Terminator» en raison de son physique et «gorille solitaire» en référence au fait qu'il n'appartient à aucune fraction.