Le procureur sud-africain Gerrie Nel a mis fin mardi à cinq jours d'interrogatoire brutal d'Oscar Pistorius sans rien lui faire avouer : le champion a endossé la responsabilité pour «ce qui s'est passé», mais refusé d'admettre toute intention de tuer sa petite amie en 2013.

«Vous vous êtes armé dans l'intention de la tuer et c'est ce que vous avez fait», a dit le procureur, en conclusion d'un marathon de questions, interrompu seulement par les crises de larmes de l'athlète handicapé, au supplice face à son accusateur.

Cette confrontation clé aura duré des heures et des heures, Pistorius bataillant à la barre pour défendre sa version des faits, un tissu de mensonges selon M. Nel.

Selon le procureur, ce qui s'est passé avant les coups de feu est totalement inventé par Pistorius, mais «ce qui s'est passé après les coups de feu a bien eu lieu».  «Je vous le dis, M. Pistorius, votre version est non seulement fausse, mais aussi tellement improbable que cela ne peut raisonnablement pas être vrai», a-t-il ajouté.

Le procureur n'a cependant pas réussi à mettre en évidence des faits objectifs irréfutables sur la dispute à l'origine du meurtre selon lui, ni ses raisons.

«Elle voulait s'en aller et vous n'étiez pas en train de dormir, vous étiez tous les deux réveillés», a-t-il notamment affirmé.

En revanche, au fil de son examen, il a ouvert des brèches dans la défense de Pistorius, pointant des omissions ou des contradictions et a souligné deux éléments importants à charge : le tempérament querelleur du sportif, soucieux à l'excès de sa réputation voire abusant de sa célébrité, et son obstination à n'être jamais coupable.

«Hier, M. Pistorius, je vous ai demandé qui nous devrions blâmer pour ce qui s'est passé et vous avez indiqué que nous devrions vous blâmer vous», a demandé M. Nel mardi. «Exact, madame la juge», a répondu l'athlète.

«Devrions-nous vous blâmer pour le fait que vous lui avez tiré dessus?», a enchaîné le procureur, mais Pistorius a éludé : «Madame la juge, je croyais que ma vie était menacée».

Pistorius s'entête

«Nous ne devrions pas vous blâmer. Mais alors qui? Quoi ou qui? Reeva pour ne pas vous avoir dit qu'elle allait aux toilettes? Le gouvernement?», a ironisé le procureur.

Buté, Pistorius a refusé de dire qu'il a tiré pour tuer quiconque, même sur le cambrioleur qu'il croyait affronter, slalomant entre les questions du procureur, refusant d'admettre la moindre infraction, telle que détenir les munitions de son père dans son coffre-fort.

Non, il n'a «pas étendu le bras droit» avant de tirer sur la porte des toilettes où se trouvait son amie sans qu'il le sache. Non, il n'a «pas visé la porte», c'est «son arme qui était pointée sur la porte». Non, il n'a pas tiré sur ce qu'il percevait être un attaquant.

Le procureur s'est même étonné d'un changement de ligne de défense : «Ce n'est plus la légitime défense, mais l'action involontaire?».

Donnant l'impression de retourner le couteau dans la plaie pour briser les défenses psychologiques de l'accusé, M. Nel avait commencé son interrogatoire en forçant Pistorius mercredi à regarder la photo ensanglantée de sa victime, la tête éclatée «comme une pastèque».

Gerrie Nel s'acharne

Gerrie Nel s'est ensuite acharné, reposant sans cesse les mêmes questions, accusant Pistorius de choisir ses mots, d'être évasif, d'avoir des trous de mémoire sélectifs, de pleurer pour éviter les questions qui gênent.

«Pour ce qui est de la crédibilité (de l'accusé) et de la probabilité (du meurtre prémédité), je pense que M. Nel doit se sentir plutôt à l'aise» après ça, a commenté David Dadic, un avocat pénal contacté par l'AFP. «Pour l'essentiel, il a fait un boulot parfait (...) et a réussi à faire apparaître les versions conflictuelles d'Oscar au point qu'à un moment, Oscar a paru avoir deux lignes de défense différentes ce qui n'est pas permis par la loi».

Revenant encore brièvement à la barre à la demande de son avocat Barry Roux, Pistorius a lu devant la cour la carte de Saint-Valentin que lui avait écrite Reeva Steenkamp.

D'une voix cassée, l'accusé a dépeint la carte, puis a dit : «Elle a écrit la date sur la gauche, et elle a noté "Je pense qu'aujourd'hui est un bon jour pour te dire cela : je t'aime"».

Le calendrier du procès, initialement prévu du 3 au 20 mars, a déjà largement débordé. Il devrait être encore être suspendu pendant deux semaines pour reprendre du 5 mai au 16 mai.