L'ex-patron du FMI Dominique Strauss-Kahn, jugé en France pour proxénétisme, a réaffirmé mardi devant le tribunal qu'il ignorait que ses partenaires étaient des prostituées, et a revendiqué «le plaisir du sexe» lors de soirées libertines.

«J'ai horreur d'une pratique qui serait d'utiliser les prostituées», a-t-il affirmé devant le tribunal correctionnel de Lille, «ça ne me plaît pas, parce que j'aime que ce soit la fête».

C'est l'un des points fondamentaux: il encourt jusqu'à dix ans de prison et 1,5 million d'amendes s'il est reconnu coupable de l'accusation de proxénétisme aggravé, pour laquelle il est poursuivi aux côtés de 13 autres prévenus.

DSK a déploré ce nouvel étalage de sa vie privée, trois ans et demi après le scandale sexuel de l'hôtel Sofitel de New York qui a brisé sa carrière politique. «Tout le monde a droit à une vie privée», a-t-il déclaré.

Interrogé sur la définition des soirées «libertines» dont il assume la fréquentation, il a expliqué que «ce sont des soirées ou des couples, des hommes seuls ou des femmes seules, se réunissent pour le plaisir du sexe et pas pour des raisons affectives».

«Je ne m'estime en rien organisateur de ces soirées», a-t-il ajouté, campé sur sa ligne de défense depuis le début de l'affaire, que son implication au côté de notables locaux et d'un tenancier de maisons closes en Belgique a élevée en France au rang de spectacle judiciaire.

Costume sombre, cravate claire, traits tirés et mains jointes, M. Strauss-Kahn est apparu tendu à l'entame de trois jours d'audition, à la deuxième semaine du procès.

Il a relativisé la fréquence des parties fines au coeur du procès. «On a l'impression d'une activité frénétique (...). Il n'y a pas eu cette activité débridée», a-t-il indiqué, comptabilisant «quatre rencontres par an pendant deux ans».

Le tribunal avait auparavant lu une lettre remise par «DSK' pendant l'instruction aux psychiatres chargés d'analyser sa personnalité. «Je n'ai commis ni crime ni délit», a-t-il écrit.

«Il avait l'air content»

Face à ces explications de M. Strauss-Kahn, plusieurs ex-prostituées ayant participé aux rencontres insistent de leur côté sur une brutalité très éloignée du libertinage.

D'un langage parfois cru, Jade, principale accusatrice de l'ancien patron du FMI, évoque, lors d'une après-midi à l'hôtel Murano à Paris, sa première rencontre avec DSK. «Ce n'était pas du libertinage, il n'y avait pas d'autres hommes», raconte l'ancienne prostituée belge, qui parle d'une séance «un peu bestiale».

Le matin, c'est Mounia, également partie civile, également ex-prostituée, qui avait dressé un premier portrait peu flatteur de DSK.

Recrutée par un homme d'affaires fasciné par M. Strauss-Kahn, David Roquet, elle tente de raconter une autre rencontre au Murano. Les mots s'étranglent au fond de sa gorge lorsqu'elle évoque un rapport difficile, «brutal, mais consenti».

«C'est son sourire qui m'a marqué du début à la fin. Il avait l'air content de ce qu'il faisait», a soufflé la jeune femme.

Mounia reconnaît que jamais lors de cette soirée il ne fut question d'argent ni de son statut de prostituée avec l'ancien ministre. Elle redit cependant que, pour elle, DSK ne pouvait pas ne pas savoir qu'il y avait des professionnelles.

De l'accusation même, il en ressort que Dominique Strauss-Kahn n'a probablement jamais payé une prostituée lors des soirées avec son cercle d'amis qui, outre David Roquet, comptait aussi un autre entrepreneur, Fabrice Paszkowski, et un policier, Jean-Christophe Lagarde.

Le principal soupçon qui le vise est d'avoir été le «roi de la fête» de ces orgies, dans le nord de la France, à Paris et à Washington, siège du FMI, où trois voyages ont été organisés pour de jeunes femmes alors qu'il dirigeait l'institution.

Ses avocats ont dénoncé dans les poursuites contre lui une interprétation abusive du droit et des motivations «politiques, idéologiques, morales».

Le nom de Dominique Strauss-Kahn était apparu publiquement dans l'affaire de Lille en octobre 2011, lorsqu'il avait demandé à être entendu par les juges pour faire cesser des «insinuations malveillantes» à son sujet.

À l'époque, il venait d'échapper aux griffes de la justice pénale américaine après le scandale de New York, qui avait anéanti sa carrière cinq mois plus tôt quand une femme de ménage l'avait accusé de viol. L'affaire s'est conclue fin 2012 par un accord financier confidentiel entre M. Strauss-Kahn et son accusatrice.

Mercredi, les quatre mêmes hommes se retrouveront sur le banc des prévenus: DSK, M. Paszkowski, son ami dans le nord de la France, David Roquet, ex-directeur d'une filiale du groupe de BTP Eiffage, considérés comme «organisateurs», «recruteurs» et «payeurs», et Jean-Christophe Lagarde, un ex-commissaire de police.

Accueilli par des Femens

La matinée de mardi avait débuté par une action d'éclat de trois militantes des Femen, qui se sont jetées seins nus sur la berline de «DSK», aux cris de «macs-clients déclarés coupables». La police les a rapidement interpellées.

PHOTO PHILIPPE HUGUEN, AFP

Le nom de Dominique Strauss-Kahn était apparu publiquement dans l'affaire de Lille en octobre 2011, lorsqu'il avait demandé à être entendu par les juges pour faire cesser des «insinuations malveillantes» à son sujet.

PHOTO PHILIPPE HUGUEN, AFP

À l'époque, il venait d'échapper aux griffes de la justice pénale américaine après le scandale de New York, qui avait anéanti sa carrière cinq mois plus tôt quand une femme de ménage l'avait accusé de viol. L'affaire s'est conclue fin 2012 par un accord financier confidentiel entre l'ex-patron du FMI et son accusatrice.

PHOTO DENIS CHARLET, AFP