Dans le torrent des résultats préliminaires des élections, mardi, est arrivée une dépêche du sondeur républicain Frank Luntz qui prédisait la victoire de Harry Reid au Nevada.

La déclaration était audacieuse. Tous les sondages donnaient la républicaine Sharron Angle, star du Tea Party, en avance au Nevada. Cet État, pilonné par la crise économique, a le plus haut taux de chômage, de faillites et de reprises bancaires des États-Unis.

En fin de soirée, Reid est monté sur une scène de l'hôtel Aria, sur la «Strip» de Las Vegas, et a levé les bras en signe de victoire. Le sénateur le plus influent à Washington et principal allié de Barack Obama venait d'être réélu pour un cinquième mandat.

«Aujourd'hui, vous avez rendu possible ce que bien des gens croyaient impossible, a dit Reid. Vous avez choisi l'espoir et non la peur.»

John Kerry a salué la victoire de son collègue et patron au Sénat. «Politico avait tort. Le Huffington Post avait tort. Les chroniqueurs avaient tort. Harry Reid est impossible à battre. Il est dur comme fer.»

Comment Reid a-t-il réussi à garder son poste dans un État en lambeaux désenchanté par Washington?

Il a été patient et rusé, explique David F. Damore, professeur associé au département de sciences politiques de l'Université du Nevada, à Las Vegas.

«Harry Reid savait que sa notoriété nationale serait problématique pour sa réélection. Dans les coulisses, il a travaillé pour diviser les républicains, et ç'a fonctionné.»

Connaître l'adversaire

Politicien peu charismatique à la voix à peine audible, Harry Reid, 70 ans, n'a jamais été connu pour ses victoires éclatantes. Ancien boxeur à Las Vegas, Reid n'a jamais gagné une élection avec une marge de plus de quelques points.

Or, Reid préparait sa réélection depuis 2005. Au fil des ans, il s'est assuré que les républicains les plus menaçants soient nommés à des postes prestigieux, pour qu'ils ne soient pas tentés de faire campagne contre lui.

Son adversaire pressenti, Dean Heller, n'était pas dans la course à l'investiture républicaine.

«Reid a convaincu Heller d'attendre 2012 pour essayer d'obtenir le poste du républicain John Ensign, autre sénateur du Nevada, explique M. Damore en entrevue téléphonique. Pour Heller, c'était attrayant. Le Parti républicain est en désarroi au Nevada. Se battre contre Harry Reid et sa machine n'est pas une tâche invitante.»

Les républicains ont finalement sélectionné Sharron Angle, candidate néophyte qui ne jouit pas d'appuis établis dans l'État. Des groupes nationaux du Tea Party ont financé sa candidature: Mme Angle a récolté 14 millions dans les semaines qui ont précédé l'élection.

La candidate a dit vouloir privatiser la sécurité sociale et l'assurance médicament, des sujets controversés, même chez les républicains. Elle a diffusé des publicités associant des visages latinos aux terroristes.

Durant la campagne, Harry Reid a martelé que Mme Angle était trop extrémiste pour le Nevada. Mardi, les électeurs ont semblé lui donner raison.

«Harry Reid a eu l'opposant qu'il souhaitait, dit M. Damore. Il s'est battu, et il a gagné.»