Les premières élections législatives en Égypte depuis la chute de Hosni Moubarak qui ont commencé lundi connaissent une participation plus importante que prévue, a annoncé le chef de la Haute commission électorale, Abdel Moez Ibrahim.

«Nous avons été surpris par le nombre d'électeurs qui ont participé, qui est plus important que prévu», a déclaré M. Ibrahim lors d'une conférence de presse au Caire.

Il a en outre affirmé que les opérations de vote, qui ont commencé à 6h GMT (1h, heure de Montréal), se déroulaient sans problème de sécurité en dépit du contexte politique tendu dans le pays.

«Il n'y a pas eu de problème de sécurité jusqu'à présent, Dieu merci. C'était pourtant notre principale préoccupation», a-t-il dit.

Il a toutefois fait état de certains problèmes logistiques qui ont retardé le début du vote dans certains bureaux, affirmant que les bureaux concernés compenseraient ce retard en restant ouverts au-delà de l'heure de fermeture prévue à 17h GMT (midi, heure de Montréal).

Les élections législatives se déroulent sur plusieurs étapes, dont la première s'est ouverte lundi dans neuf des 27 gouvernorats du pays, notamment au Caire et Alexandrie, les deux plus grandes villes.

Ils ont parfois attendu l'ouverture des bureaux de vote assis sur des chaises de jardin, puis patienté longtemps avant de déposer leur bulletin: les Égyptiens se rendaient aux urnes en grand nombre lundi, avec le sentiment que cette fois-ci leur vote compte.

«Pendant trente ans nous sommes restés silencieux, maintenant c'est fini» affirmait Mariam, 37 ans, venue voter dans le quartier huppé de Zamalek, au Caire.

Des foules ont commencé à affluer avant même l'ouverture des bureaux de vote du Caire et Alexandrie, la deuxième ville du pays, ont constaté des journalistes de l'AFP.

Dans les villages autour de la célèbre cité touristique de Louxor, en Haute-Égypte, des files d'attente se sont aussi formées dans la matinée, ont rapporté des habitants.

Certains avaient apporté des chaises en plastique pour patienter, tandis que dans le quartier de Maadi, au sud du Caire, les voitures des électeurs ne parvenant pas à se garer provoquaient des embouteillages devant les écoles transformées en bureaux de vote.

Dans bien des cas, l'heure légale du début du vote n'était que théorique: il a fallu attendre parfois plus d'une demi-heure que les bulletins soient installés, les urnes prêtes et le personnel du bureau en place pour accueillir les premiers électeurs.

Les autorités ont menacé d'imposer une amende de 500 livres (80 dollars environ) aux personnes n'allant pas voter, mais ce risque hypothétique semblait peu compter aux yeux des électeurs, plus motivés par l'exercice de leur droit civique.

«Avant, voter ne servait à rien, nos voix étaient totalement inutiles, affirme Mona Abdel Moneim, venue voter à l'école Omar Makram de Choubra, un quartier populaire du Caire.

Jusqu'à présent elle n'avait jamais voté, comme l'immense majorité des Égyptiens, considérés comme des champions de l'abstention sous Hosni Moubarak, à l'époque des élections jouées d'avance pour le parti présidentiel.

L'armée et la police assuraient une protection discrète des bureaux de vote.

À l'extérieur d'un bureau de Choubra, une dizaine de membres de l'influent mouvement des Frères musulmans étaient regroupés dans un «comité populaire», assurant être là pour apporter une protection supplémentaire aux électeurs.

À Alexandrie, deuxième ville du pays, environ 200 personnes patientaient devant une école pour filles dans le quartier al-Raml, sur le front de mer de cette cité méditerranéenne.

«Beaucoup de partis se présentent à cette élection, donc la meilleure chose à faire pour les Égyptiens est de participer», affirme Amine, un médecin de 55 ans.

L'année dernière, la plupart des partis d'opposition ayant préféré boycotter des élections législatives sans enjeu, «personne n'était venu voter», se souvient-il.

Youssouf, un ingénieur informatique de 25 ans, ajoute: «je viens voter pour l'avenir de l'Égypte. Il s'agit de la première élection libre dans notre pays, j'espère qu'elle se déroulera dans la régularité».

Appel au boycottage à Tahrir

Des milliers d'opposants au pouvoir militaire sont revenus lundi après-midi place Tahrir au Caire, nombre d'entre eux bien décidés à ne pas participer à des législatives «organisées par l'armée», tandis que d'autres se laissent tenter par cette première élection post-Moubarak.

Parmi eux les quelques centaines de militants irréductibles qui ont passé une nouvelle nuit sous la tente n'en démordent pas: voter consiste à faire le jeu des militaires et de leur chef, le maréchal Hussein Tantaoui.

«Nous, ce qu'on demande depuis Tahrir, c'est la chute du maréchal Tantaoui, donc évidemment je ne participerai pas aux élections qu'il organise», lance Omar Hatem, qui prenait son petit-déjeuner sur la célèbre place du centre du Caire avec des amis.

Lundi matin, ils n'étaient que quelques groupes épars, mais en cours de journée, plusieurs milliers d'autres personnes sont venues en renfort sur ce haut lieu de la révolte qui fit chuter Hosni Moubarak en début d'année.

Abdelmoneim Ibrahim fait partie du mouvement de jeunes pro-démocratie du 6-Avril, à ce titre, il est observateur dans un bureau de vote proche de la place. Pour autant, il ne mettra pas de bulletin dans l'urne.

«J'avais prévu de voter, mais c'était avant que des «martyrs» ne tombent rue Mohamed Mahmoud», à quelques centaines de mètres de là, lors d'affrontements avec la police, explique ce professeur d'histoire de 33 ans.

Sur le terre-plein central, Bahya Kasseb, 43 ans, sort de la tente où elle campe depuis plusieurs jours. «Ils peuvent faire ce qu'ils veulent avec leurs élections, moi, je n'irai pas, mes revendications je les exprime ici, à Tahrir», lance-t-elle.

Photo: Amro MAaraghi, AFP

Des Égyptiens sont massés à l'extérieur d'une école du Caire transformée en bureau de vote pour les législatives qui débutent aujourd'hui.