Des manifestations ont eu lieu jeudi en Syrie pour marquer le 30e anniversaire du massacre commis à Hama par le régime, alors qu'à New York, un nouveau projet de résolution sur la Syrie circulait à l'ONU, faisant des concessions à la Russie dans l'espoir de lever son blocage.

Selon des diplomates, la nouvelle mouture du texte, élaborée après des négociations mercredi entre les ambassadeurs des 15 pays du Conseil de sécurité, ne mentionne plus le détail du processus de transition démocratique proposé par la Ligue arabe en janvier dans son plan de sortie de crise.

Des milliers de personnes ont été tuées en Syrie depuis la mi-mars 2011, quand a éclaté une révolte sans précédent contre le régime.

La résolution «soutient la décision de la Ligue arabe du 22 janvier», mais les détails de la transition -- notamment le transfert des pouvoirs du président Bachar al-Assad à son vice-président -- n'apparaissent plus.

«L'essentiel, a expliqué un diplomate, est que le Conseil de sécurité soutienne le plan de la Ligue arabe».

La Russie, ainsi que l'Inde notamment, insiste pour que le Conseil ne préjuge pas de l'issue d'une transition démocratique en Syrie en demandant a priori que le président Assad cède le pouvoir.

Le texte abandonne aussi la référence aux sanctions économiques décidées par la Ligue arabe contre Damas en novembre 2011, ainsi qu'un paragraphe où le Conseil s'inquiétait des ventes d'armes à la Syrie, que Moscou souhaite poursuivre.

La Russie n'a pas encore réagi au nouveau texte, qui a été transmis aux capitales pour examen.

Jusqu'à présent, la Russie s'est montrée inflexible, son représentant à l'ONU Vitali Tchourkine menaçant même d'un veto russe au Conseil de sécurité.

Sur le terrain, cinq civils ont été tués jeudi à Deraa et Idleb selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

Les militants pro-démocratie avaient appelé à des manifestations jeudi et vendredi pour commémorer la terrible répression --entre 10 000 et 40 000 morts-- à Hama d'une révolte du mouvement interdit des Frères musulmans en 1982 contre le président d'alors, Hafez al-Assad.

Dans la capitale, les manifestants, en majorité adolescents, ont défilé jusqu'à la place de la Liberté où ils ont été attaqués par les services de sécurité, d'après une vidéo postée sur YouTube par un groupe de militants.

À Daraya, dans la province de Damas, des vidéos montraient également des manifestations d'étudiants, dont de nombreuses filles.

Des manifestations ont également été signalées à Homs et Qamichli, selon des militants.

Hama était pour sa part paralysée par une grève générale à l'appel de l'opposition pour commémorer le massacre, selon l'OSDH.

«Plusieurs rues de la ville ont été repeintes en rouge et sur les norias de Hama on a tagué "Hafez est mort et Hama n'a pas disparu"», précise l'OSDH.

«Le silence arabe et international face aux crimes de Hafez al-Assad et sa clique il y a 30 ans est en grande partie responsable de la poursuite de ces crimes et des atrocités quotidiennes commises par Bachar au vu et au su» du monde entier, ont affirmé dans un communiqué commun plusieurs instances de l'opposition, dont le Conseil national syrien (CNS).

Dans la province de Deraa, berceau du soulèvement populaire, l'armée syrienne a pris d'assaut jeudi le village d'Al-Jiza, selon l'OSDH, qui fait état de trois civils décédés dans cette province lors d'opérations de l'armée.

Les Comités de coordination locaux (LCC), qui chapeautent les manifestations sur le terrain, ont fait état de «combats avec l'Armée syrienne libre (ASL) qui défend le village».

À Idleb, deux frères ont été tués par les forces de sécurité, selon l'OSDH.

Dans la province de Damas, l'organisation basée en Grande-Bretagne rapporte une «campagne d'arrestations et de perquisitions» dans plusieurs localités, dont Douma, tandis que les villages de Talfita et de Rankous continuaient d'être assiégés.

Le chef de la mission d'observation de la Ligue arabe en Syrie, le général soudanais Mohammed Ahmed Moustafa al-Dabi, a qualifié la situation de «guerre».

Il s'est dit par ailleurs «totalement satisfait» du travail de la mission, débutée le 26 décembre et suspendue le 28 janvier en raison de l'intensification de la répression qui a fait plusieurs centaines de morts depuis fin décembre.

Selon les analystes, la crise en Syrie s'est muée en conflit armé entre une «guérilla» forte de milliers de déserteurs et un régime déterminé à mater la révolte, éclipsant les images des manifestations pacifiques des premiers mois de la contestation.

L'Armée syrienne libre (ASL), fer de lance de «l'opposition armée», ose depuis quelques jours des attaques aux portes de Damas.

Alors que le président Assad semble de plus en plus isolé, la Turquie, qui a rompu les ponts avec son ancien allié, a affirmé qu'elle pourrait songer à offrir l'asile à sa famille.