Les ministres de l'Intérieur italien, français et allemand discutaient dimanche soir à Paris d'une «approche coordonnée» face à la crise migratoire alors que l'Italie a appelé les Européens à ouvrir leurs ports aux bateaux secourant les migrants pour alléger la pression sur Rome.

Marco Minniti, Thomas de Maizière, ainsi que le commissaire européen aux migrations Dimitris Avramapoulos sont arrivés peu après 20h00 au ministère français de l'Intérieur pour un dîner de travail avec le ministre Gérard Collomb, a constaté un journaliste de l'AFP.

L'objectif de ce dîner est de tenter de dégager «une approche coordonnée et concertée des flux migratoires en Méditerranée centrale et de voir comment on peut mieux aider les Italiens», selon une source proche du dossier.

«Les discussions se sont absolument bien passés», selon un membre de la délégation italienne, sans plus de précision. Il y a eu un «accord sur plusieurs points, qui seront publiés par communiqué d'ici demain matin, et ont pour but d'être endossés par les 28 États (membres de l'UE) à Tallinn en fin de semaine», a-t-on fait savoir dans l'entourage du ministre français. Les ministres de l'Intérieur européens doivent se retrouver jeudi dans la capitale de l'Estonie, qui assure la présidence tournante de l'UE.

Dans un entretien au quotidien Il Messaggero, le ministre Marco Minniti a affirmé que l'Italie faisait face à «une énorme pression».

Mercredi, l'Italie avait menacé de bloquer l'entrée de ses ports aux bateaux étrangers transportant des migrants secourus en Méditerranée.

Les bateaux qui sauvent les migrants «battent pavillon de différents pays européens», a souligné le ministre, expliquant que des navires d'ONG, de l'opération navale européenne antipasseurs Sophia et de l'agence européenne des frontières Frontex étaient impliqués, aux côtés des gardes-côtes italiens.

«Si les seuls ports vers lesquels les réfugiés sont acheminés sont les ports italiens, cela ne marche pas. C'est le coeur de la question», a-t-il dit.

«Je suis un europhile et je serais fier si même un seul bateau, au lieu d'arriver en Italie, allait dans un autre port. Cela ne résoudrait pas le problème de l'Italie mais ce serait un signal extraordinaire» montrant que l'Europe veut aider l'Italie, a dit le ministre.

SOS Méditerranée, l'une des ONG qui portent secours aux migrants en mer, a estimé que forcer les bateaux transportant des migrants à aller dans d'autres ports européens serait très difficile.

Si un tel ordre était donné, «on n'aurait pas le choix, on obéirait. Mais ce serait complètement impossible avec plus de 1000 personnes à bord», a déclaré à l'AFP Mathilde Auvillain, une responsable de l'ONG. «Dans tous les cas, il faudrait bien qu'on fasse une escale dans un port italien pour se ravitailler. Ou bien, nous nous arrêterions en mer pour demander nous-mêmes à être secourus...».

«Les journées de navigation vers l'Italie sont déjà éprouvantes, imaginez ajouter deux ou trois jours supplémentaires en mer ? Notre priorité est de protéger ces personnes».

L'Italie a enregistré depuis le début de l'année plus de 83 000 arrivées de migrants, en hausse de plus de 19% sur la même période en 2016, en provenance de Libye pour la plupart.

Tri de migrants en Libye?

Le dîner de Paris vise à préparer une réunion informelle des ministres de l'Intérieur de l'Union Européenne le 6 juillet à Tallinn.

Jeudi à Berlin, la chancelière allemande Angela Merkel et le président français se sont tous deux dit prêts à mieux soutenir l'Italie. Emmanuel Macron a toutefois observé que «plus de 80% du phénomène migratoire» auquel fait face l'Italie «sont des migrations économiques» ne relevant pas de l'asile politique.

Le ministre italien a indiqué que Rome pousserait pour déplacer en Libye le processus de demande d'asile, et pouvoir acheminer en toute sécurité en Europe les migrants qui seraient retenus. «Nous devons distinguer entre ceux qui (...) ont le droit à une protection humanitaire et ceux qui ne l'ont pas», a-t-il dit.

Selon les médias italiens, qui ne citent pas de source, Rome pourrait appeler à élaborer un code de conduite européen pour les bateaux de secours privés.

Selon leurs détracteurs, les ONG attirent les trafiquants en croisant près des côtes libyennes. Les ONG affirment pour leur part qu'elles n'ont pas le choix, car les trafiquants abandonnent les migrants dans des embarcations précaires qui font naufrage dès qu'elles atteignent les eaux internationales.

Rome souhaiterait qu'un centre maritime régional supervise toutes les opérations de secours en Méditerranée, de la Grèce à la Libye en passant par l'Espagne, et répartisse les migrants parmi les pays européens, selon le Corriere della Sera.